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Réinventer le sport à l’école

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Depuis près de 20 ans, Anthony Alessandri est professeur de sport aux collège et lycée Saint-Paul à Ajaccio. Dans un contexte sanitaire toujours incertain, il doit, comme beaucoup de ses collègues dans d’autres matières, revoir régulièrement sa copie pour mener à bien sa mission. 

Par Caroline Ettori

Du premier confinement en mars dernier avec la fermeture des établissements scolaires aux mesures plus récentes qui suspendent les activités en intérieur, comment avez-vous adapté vos cours ?

En tant que coordonnateur d’EPS, mon rôle est d’organiser en lien avec le chef d’établissement et plus largement la direction, le projet sportif et pédagogique qui sera mis en œuvre en classe. La difficulté depuis bientôt un an maintenant est de répondre aux mesures parfois contradictoires distillées au gré de l’évolution de la situation. Nous avons dû complètement nous réinventer, modifier notre fonctionnement pour assurer une continuité de l’activité physique auprès de nos élèves. Par exemple lors des deux confinements, nous avons utilisé les outils numériques pour envoyer nos devoirs en vidéo. Il s’agissait essentiellement de musculation ou de fitness. En retour, les élèves nous transmettaient leurs vidéos ou leurs carnets de bord. Si le numérique nous a permis de nous adapter, rien ne pourra remplacer la présence de l’enseignant pour accompagner l’élève, pour expliquer ou corriger un mouvement et bien sûr, pour la sécurité. 

Aujourd’hui, la pratique se fait en présentiel mais obligatoirement en extérieur. Nous avons lancé de nouvelles activités comme la pétanque et les sports collectifs se limitent à l’apprentissage technique pour éviter tout contact. Nous avons plusieurs plateaux à notre disposition : football, pétanque, handball sur goudron. Nous bénéficions également des installations du complexe de Vignetta. Par ailleurs, nous avons organisé pour les lycéens des randonnées montagne-raquette, la prochaine est prévue le 11 février et des courses d’orientation pour les collégiens. L’important est que tout soit fait dans le respect du protocole sanitaire. 

Et quand la météo ne nous permet pas de profiter de l’extérieur, les cours se font en classe et portent sur l’environnement du sport comme la prévention contre le dopage ou encore la nutrition. 

Comment réagissent les élèves à cette nouvelle normalité ? 

Ils ne comprennent pas vraiment comment l’arbitrage s’opère entre ce qui est acceptable ou compatible avec le Covid et ce qui ne l’est pas. On ne peut pas leur en vouloir, nous n’avons pas d’explication à leur fournir. L’essentiel pour nous est de ne pas perdre nos élèves. Cette crise a permis de rappeler que l’éducation physique n’était pas que du sport et qu’elle a véritablement toute sa place au sein du système éducatif. Elle véhicule des valeurs d’entraide, de solidarité, de coopération. Nous devons tout faire pour les transmettre aux enfants. 

Vous ressentez un manque aujourd’hui chez vos élèves… 

Ce manque est bien présent. Nous parlons d’émotions, de ressentis provoqués par le jeu, les rencontres sportives. Or, la tendance actuelle avec la pandémie est à l’individualisation de la pratique. On perd le goût du partage, de la compétition, l’esprit d’équipe, toutes les valeurs dont je vous parlais. Notre objectif est de les développer autrement. 

Craignez-vous une nouvelle fermeture des établissements scolaires ? 

Ce serait vraiment difficile pour les enfants. Le distanciel a permis d’assurer une progression et un suivi mais les inégalités peuvent se creuser sur le long terme. L’éducation physique, c’est aussi la socialisation, éviter la sédentarité, l’accès à des équipements que certains foyers ne peuvent offrir à leurs enfants. Pour moi, la fermeture est à éviter au maximum. 

Vous avez l’impression d’être face à une « génération perdue » ? 

Je ne dirais pas perdue mais traumatisée c’est sûr. Ces jeunes auront été sensibilisés au sport, à la pratique d’une activité physique mais sans accès régulier, sans aller au bout de la démarche, leur épanouissement, leur ouverture d’esprit pourront être freinés.

Nous passons à côté d’une construction ambitieuse de nos élèves. La mission de l’école est d’arriver, de manière progressive, à leur faire prendre conscience qu’ils travaillent pour eux, pour leur avenir. Cette crise aura été brutale et tous n’ont pas la même compréhension des choses, la même maturité. 

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