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DU COVID AU NOUVEAU MONDE

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D’UN MAL NAÎT UN BIEN. C’EST CE QU’AFFIRME LA SAGESSE POPULAIRE. C’EST CE QU’ANALYSENT ET DÉMONTRENT BORIS CYRULNIK ET XAVIER EMMANUELLI À TRAVERS LEUR OUVRAGE SE RECONSTRUIRE DANS UN MONDE MEILLEUR, EN FORME DE DIALOGUE VIF ET PERCUTANT. CAPTIVANT ET UTILE. 

Par Véronique Emmanuelli 

Boris Cyrulnik, neuropsychiatre connu notamment pour avoir popularisé le concept de résilience, selon lequel il est possible de se relever des souffrances vécues et Xavier Emmanuelli, médecin, ancien secrétaire d’État à l’action humanitaire d’urgence, co-fondateur de Médecins sans frontières et fondateur du Samu social ne cessent de s’intéresser à leurs prochains, à leur santé, à leur pensée et à leurs émotions. Tous deux aiment bien aussi disséquer l’époque et leur champ de curiosité 

paraît infini. Sans doute parce qu’ils estiment que se questionner est un exercice dynamique et que les mots peuvent aussi beaucoup face aux désastres. Sans surprise, durant tous ces derniers mois, leur réflexion existentielle, ou presque, s’est fondue dans la crise sanitaire et sur les traumatismes qu’elle a générés. Sur le sujet, ils ont avancé ensemble, en jouant la carte du dialogue entre amis de longue date, jusqu’à la parution de Se reconstruire dans un monde meilleur, un essai savoureux et pédagogique, à la fois grave et réjouissant. Le scénario épouse la respiration, le tempérament et les battements de cœur de chacun. «Je t’ai connu au cours de mes premières années de médecine, alors que je fréquentais plus les cafés que la fac, mais je voyais très bien ce que tu faisais, toi, qui étais sage et studieux », raconte Xavier Emmanuelli, en retrouvant des instants d’autrefois touchants. Dans le duo, il y a celui qui a «secrété dans son cœur et dans son comportement» et l’autre qui avoue « n’avoir pas eu de résilience », puis s’être fait «interpeller par la souffrance des autres », jusqu’à «changer»« Voilà  comment on s’est rencontrés, toi venant de l’intérieur, moi venant de l’extérieur », résume Xavier Emmanuelli. Le décor est posé. Il reste désormais à entrer dans le vif du sujet ou plutôt à tenter de répondre à des interrogations que la pandémie de Covid-19 soulève. « Comment redémarrer ? » « Comment se remettre à vivre et à construire une société différente, moins pathogène ? » Qu’en sera-t-il des modes de consommation, quels seront les défis environnementaux à  relever ou encore le rôle des institutions, sur l’école ou encore le système de santé. Que peux proposer la société pour accueillir le tout-petit ? Quels repères donner aux adolescents ? Le matériau d’investigation est dense, d’autant plus qu’il comprend la famille, le rapport au temps ou encore aux écrans. 

RÉINVENTER LE VILLAGE 

À l’évidence, le récit qu’il faudra élaborer comprendra « de nouveaux rituels, de 

nouveaux symboles pour tenter de renouer avec l’altérité ». L’approche colle au principe selon lequel un mal fait un bien. De la crise sanitaire pourrait alors surgir, « une société plus solide, à même d’affronter les défis de demain» et de faire obstacle à de terribles moments, ou plutôt, «la catastrophe qui va désigner l’autre en un mouvement profond, irréductible par peur de la mort ». Pour Cyrulnik et Emmanuelli, la bonne méthode consistera d’abord à se faire à l’idée que le coronavirus est partie intégrante de l’ordinaire des jours. « Parce que l’humanité a toujours cohabité avec les virus. » Les années 2020 seront toutefois marquées par un bouleversement des valeurs, tandis que la vie devient plus importante que l’argent pour les États. Puis vient le temps de trouver du sens aux choses et aux actes, à « tirer les leçons de la crise ». Au fil de la discussion, les deux hommes interrogeront, tour à tour, la nécessité de «réinventer le village », de favoriser l’autonomie des jeunes ou encore l’émergence d’une « écologie de la santé ». Sans doute, parce que nous sommes les principaux acteurs de notre histoire sanitaire. « La transmission et l’évolution de nos maladies sont dépendantes des autres espèces mais aussi de nos organisations sociales et culturelles, de notre façon de nous alimenter et de produire cette alimentation », préviennent-ils.

L’HOMME VIRTUEL

Au passage, ils livreront encore leur réflexion sur « l’homme virtuel », sur les écrans, « de faux miroirs », en contradiction « avec une interaction porteuse d’affect » avec la «relation à l’autre » aussi. Une fois la Covid assumée, la tentation est grande d’envisager « le travail partagé », « le foyer partagé », « la culture partagée » mais également une tout autre école au sens large. Ils en sont convaincus. «On doit s’attendre à de gros changements ». D’autant qu’on ne peut pas s’exonérer de la logique énoncée par Paul Valéry. « Nous autres civilisations, nous savons que nous sommes mortelles. » Le réchauffement climatique et « ses terribles conséquences» font, à leur tour, le lit de l’évolution. Un monde s’achève, un autre voit le jour.

Se reconstruire dans un monde meilleur,

Boris Cyrulnik, Xavier Emmanuelli, Humensciences Editions.

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