
DÉCOUVERTES

Actuellement des plaidoyers se multiplient en faveur d’une stratégie touristique différente. Proximité avec les populations rurales, découvertes de sites ployant sous l’insolente beauté de la nature. Bref, mettre en relief une Corse authentique au parfum de découverte. Ces propos récents puisés dans le riacquistu oublient que telle était voilà un demi-siècle la vision d’un certain François Giacobbi, alors honni par les nationalistes.
Par Jean Poletti
D’une saison, l’autre, l’attrait des vacanciers à s’aventurer hors des sentiers battus s’amplifie. La plage et le sable fin ne sont pas pour autant désertés, mais se dessine aussi l’envie de fouler ces endroits reculés parsemés de villages de haute solitude, nichés au creux des montagnes dont Kipling disait qu’« elles semblaient avoir été façonnées par des mains de géant ». Images bucoliques ? Nullement mais au fil des pérégrinations sur des parcours ponctués de haltes dans des gîtes, ou lors de rencontres avec les habitants, les randonneurs peuvent à l’envi s’imprégner de cette âme corse qu’à l’évidence n’offrent pas ou peu les classiques farnientes en bord de mer. Hôtels, campings, caravanings et autres locations AirBnb ne sont à l’évidence pas au programme de ceux qu’en une formule exagérée refusent de bronzer idiots. L’île offre désormais une alternative au goût d’aventure avec en filigrane la récompense après de riches instants de surprises jalonnant leurs périples.
Cette opportunité ne doit rien au hasard. Elle fut en son temps l’idée d’une poignée de bénévoles imprégnés de l’idée que la dualité de « montagne dans la mer » ne devait pas être amputée mais donner aussi ses lettres de noblesse à une offre rurale, alors totalement éclipsée. Le pari fut jugé utopique ici, là marqué d’indifférence. Rares étaient les partisans déclarés. Devant ce manque d’empressement, nombreux auraient renoncé. Fort heureusement, il n’en fut rien. Et au fil du temps la persévérance s’inscrivit en lettres du succès.
Le temps des pionniers
Épisodes divers et variés. Balbutiements. Tâtonnements. Au départ l’improvisation était de rigueur. Le fameux GR 20 vit le jour dans les années soixante. C’était le temps où le mot randonneur n’était pas dans le langage usuel. Les passionnés étaient qualifiés de touristes pédestres ou d’excursionnistes. Un dénommé Jean Loiseau est au cœur de la création. Architecte de formation, il est un féru de nature et de marche. Des engouements sans doute hérités de sa jeunesse durant laquelle il pratiqua assidûment le scoutisme. Secondé par une petite équipe baptisée « Les Compagnons Voyageurs », il sillonne l’Europe, matérialisant des circuits. La première réalisation concerne le tour du Mont Blanc. Elle sera suivie par de nombreuses autres, jusqu’à couvrir l’ensemble du pays. En découvrant l’île, le pionnier décela toutes ses possibilités. Aussi mit-il du cœur à l’ouvrage afin qu’elle intègre l’association et soit dûment répertoriée sur les tablettes.
Ce ne fut pas une sinécure. Tout était à concevoir. En cela sa parfaite connaissance des cartes géographiques, son sens de l’orientation et ses choix entre le possible et le souhaitable lui furent de précieux alliés. Ils permirent notamment de hiérarchiser les difficultés, trouver des pistes et autres dérivatifs de passage quand les obstacles étaient trop importants. Bref, flécher des pistes aidant à la progression. Malgré ce travail prospectif de grande ampleur, il n’y eut en épilogue aucune inauguration ou de quête de lauriers chez celui qui mêlait étroitement passion et humilité. Simplement la satisfaction du travail accompli.
Débuts discrets
Il faut dire que l’ouverture de ce tracé insulaire ne connut pas le foisonnement. Nulle publicité n’était prévue, seul le bouche à oreille des initiés évoquait cette nouvelle destination. Ceux qui l’avaient foulée la qualifiaient unanimement de superbe et engageante. Il est vrai que ces avis n’émanaient pas de néophytes, mais d’adeptes rompus à l’exercice. La première année, la fréquentation oscillait autour d’une vingtaine de personnes, bien loin des quarante mille actuels, représentant annuellement plus de quatre-cent mille nuitées. Ce qui s’apparente au grand bond en avant. Considéré comme une référence internationale et le plus ardu des GR français, il parcourt la Corse du nord au sud suivant la ligne de partage des fleuves et rivières. Le point de départ est Calenzana pour s’achever à Conca. Soit une distance de cent-quatre-vingt kilomètres, avec une altitude maximale de deux-mille-six-cents mètres à l’endroit baptisé la « Pointe des Éboulis ».
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