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La politique éparpillée façon puzzle

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À 500 jours de l’élection présidentielle, la scène politique apparaît à la fois morcelée et contestée. Ce n’est pas véritablement une surprise mais le phénomène s’est aggravé depuis les derniers scrutins, en particulier, celui du Parlement européen en 2019. 

Par Vincent de Bernardi 

À la veille des élections régionales et départementales et alors que nous serons vraisemblablement sortis de la crise, la France penche légèrement à droite. Dans l’échelle de l’auto-positionnement politique issue du baromètre « fractures françaises » d’Ipsos pour le Cevipof et l’Institut Montaigne, 30% des Français se placent à gauche, 34,5% à droite tandis que 22% se positionnent entre les deux sans pour autant revendiquer qu’ils ne sont ni de droite, ni de gauche. Alors même qu’ils expriment une forte défiance à l’égard des partis politiques, ils expriment assez majoritairement leur préférence partisane. Ils ne sont que 26% à déclarer n’être proche d’aucun parti tandis que les 76% restants s’éparpillent entre les différentes formations politiques existantes allant de La France insoumise au Rassemblement national, aucune ne dépassant les 15%. Pour expliquer ce qui définit l’identité sociologique des partis, le politologue Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès souligne cinq éléments objectifs. D’abord, le genre. Les femmes sont beaucoup plus nombreuses à choisir un parti de gauche alors que les hommes vont davantage vers la République en Marche ou le Rassemblement national. L’âge ensuite. Les moins de 35 ans se disent plus proches des partis de gauche tandis que les plus de 65 ans choisissent les Républicains. Les élections municipales ont montré cette tendance, la taille de l’agglomération de résidence joue un rôle central. Plus la ville est grande et plus on se dit proche d’Europe Écologie les Verts. 

À l’inverse, plus la ville est rurale, plus on est sympathisant du Rassemblement national. Quatrième élément : la religion. Les catholiques choisissent les Républicains alors que les « sans religion se portent vers les écologistes. Jusque-là, pas de surprise ! C’est l’intérêt pour la politique de faire bouger assez sensiblement les lignes. On trouve plus de gens disant s’intéresser à la politique chez les Républicains et à la République en Marche qu’au Rassemblement national ou chez les écologistes d’EELV. Mais il serait bien entendu réducteur de n’envisager que ces critères. C’est la raison pour laquelle Gilles Finchelstein les complète d’éléments plus subjectifs avec une échelle d’auto-positionnement social. 

Histoires de classes

Au-delà de la profession exercée, les répondants à l’enquête d’Ipsos ont été amenés à se ranger dans trois catégories. Ainsi 30% ont le sentiment d’appartenir à la catégorie des « défavorisés » ou des milieux populaires, 50% aux classes moyennes inférieures et 20% à un ensemble regroupant les classes moyennes supérieures, aisées et privilégiées. Ainsi, il y a deux fois plus de favorisés que de défavorisés chez ceux qui se disent proches de la République en Marche, des Républicains et d’Europe Écologie les Verts. C’est l’inverse pour La France insoumise. Plus on se classe dans la catégorie des défavorisés, moins on exprime de préférence partisane.

Par ailleurs, interrogés sur la manière dont ils se qualifient politiquement, les Français se disent d’abord « homme ou femme du peuple » (31%) avant de se qualifier de « droite » (16%), « de gauche » (14%), « d’écologiste » (9%), « de centriste » (9%), « de patriote » (5%), « de nationaliste » (5%). Cet auto-positionnement illustre bien la difficulté des partis à faire partager leur propre lexique « idéologique ». Les sympathisants de La France insoumise se définissent « de gauche » avant d’être « du peuple », les sympathisants de la République en Marche se disent « centristes » avant d’être « progressistes » ; les sympathisants du Rassemblement national se voient « nationalistes » avant d’être « patriotes », épousant ainsi le qualificatif donné par leurs adversaires.

Opération vérité

Dès lors, dans cet univers morcelé et contesté, la question de la désirabilité et de la crédibilité s’impose, avec la proximité partisane comme des éléments structurants du vote. Si les extrêmes, par ailleurs jugés dangereux pour la démocratie, n’apparaissent ni crédibles, ni désirables, les partis que l’on qualifie « de gouvernement » sont vus comme crédibles mais souffrent d’un grave déficit d’attrait. Seul Europe Écologie les Verts est dans une situation spécifique puisqu’il apparaît plus désirable que crédible. 

Premier test en juin pour les élections régionales où les abstentionnistes pourraient jouer le rôle d’arbitre. 

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