Quand la musique classique se met au diapason du patrimoine
À la uneLa démarche correspond à la création de l’association Opus Corsica, présidée par Xavier Torre et placée sous la direction de Laura Sibella, pianiste. L’objectif est de faire rayonner la Corse et ses talents. Une balade loin des sentiers battus en compagnie des plus grands compositeurs classiques sublimés par des interprètes de renom.
Par Véronique Emmanuelli
Des interprétations plus dépaysantes, des enchantements plus féériques et la recherche d’une intensité qui ne concède rien au spectaculaire.
Telle est la mélodieuse entreprise menée loin des sentiers battus par Opus Corsica ; entre partage équitable des voix, mariage harmonieux des instruments. Loin des salles de concerts feutrés, l’association, dont la présidence est assurée par Xavier Torre, la direction artistique par la pianiste Laura Sibella, greffe des pianos, des violons, et autres violoncelles, saxophones ou batteries dans le décor d’un outre-temps du site antique d’Aleria, sur les terres viticoles du sud de l’île, ou bien ailleurs où la musique resplendit toujours. Les incursions à travers l’île seront multiples, des croisements artistiques inattendus s’opéreront tout en maintenant les équilibres entre les différents registres. À la clé, il y a les frissons attendus et les moments d’émotion qu’on partage.
L’engagement des interprètes, de premier ordre, est toujours palpable. Opus Corsica a choisi son parti. « Notre objectif est de faire rayonner la Corse et ses talents. Pour y parvenir, nous prenons appui sur notre patrimoine. L’idée consiste à organiser des événements sur l’ensemble du territoire insulaire, tout au long de l’année. »
Telle est la programmation établie par Xavier Torre. Et la distribution est large. Car, on ne cultive pas l’art d’être entre soi. « Nous avançons avec plusieurs partenaires, qu’ils soient privés ou bien institutionnels. Nous recevons le soutien de nombreux bénévoles et artistes », poursuit-il. Parmi les différents rôles au sein d’Opus Corsica, on distinguera celui de Laura Sibella. Elle est pianiste de renom, professeur au sein du conservatoire de Corse Henri-Tomasi, antenne d’Ajaccio.
Chaîne YouTube
Elle affiche une prédilection pour les grands compositeurs romantiques à l’image de Beethoven, Chopin ou Brahms ainsi que pour le répertoire classique russe. Elle est surtout, à ce stade, celle par qui tout est arrivé. « Après une carrière internationale, elle a fait le choix, il y a quelques années de rentrer en Corse et de se consacrer à l’enseignement. C’est autour de sa volonté de promouvoir la rencontre entre les musiciens mais aussi entre ceux-ci et le grand public que s’est structurée notre démarche. En réalité, elle portait ce projet ou plutôt cette vision partageuse de la musique classique depuis déjà une vingtaine d’années », poursuit le président.
Les bases généreuses jetées par la pianiste insulaire s’accordent avec une exigence de haute tenue. La musique sera interprétée avec un bel engagement et la partition ne comportera aucune fausse note. À l’évidence, plusieurs artistes seront séduits par la direction prise. « Une équipe s’est peu à peu constituée », commente Xavier Torre. Elle s’articule « autour des artistes qui sont passés dans les concerts » mais aussi d’intervenants tels des facteurs de piano, des techniciens, puis des « personnes aux compétences variées ».
À l’heure de la Covid-19, du confinement et du couvre-feu, Opus Corsica s’est donné les moyens de s’émanciper « du présentiel », en sautant le pas de la performance 2.0. Le dialogue constant instauré avec le public passe par désormais une chaîne YouTube, et par la diffusion de « mini-récitals imaginaires » dont la durée varie de 3 à 10 minutes. Comme autant de petits moments de grâce. Les enregistrements ont eu lieu au tout début de l’année à Ajaccio. C’est l’atelier Passioni Piano de Juliana Quilici et Nicolas Mathieu-Pappalardo, situé rue de l’Assomption à Ajaccio, qui permet de conserver une certaine cohérence scénique.
À l’international
Entre ses murs, se sont succédé, par exemple la cantatrice Éléonore Pancrazi, Lea Antona, Jean-Jacques Ottaviani, tous deux chanteurs, Jérémie Vuillamier, Laura Sibella, Vital Negroni, guitariste. La liste des talents est longue et il y a matière à filmer ; des solos mais aussi des duos et des trios selon la fantaisie inspirée et les connivences harmoniques du moment. Les smartphones, Internet sont d’autres manières désormais de conquérir le cœur d’un nouveau public. « Nous avons opté pour des formats brefs pour donner à voir et entendre la musique classique dans tous ses états. Ce qui est tout à fait différent d’une captation de concert d’une heure et demie », analyse le président de l’association. Le dispositif, à ce stade initial de son existence, a vocation à favoriser la découverte. « Nous travaillons sur un très beau programme élaboré notamment par Laura Sibella et par Feli Travaglini. Il vise à mettre en lumière le volet tradition. »
Le parti pris se nourrit d’entrée de jeu des Danses hongroises de Brahms. Les arrangements sont de Jérémy Vuillamier. « Ce jeune pianiste a réécrit tout l’ensemble. Ce qui débouche sur un véritable spectacle autour d’un piano classique avec la voix de Feli. » Le schéma d’une grande qualité ne variera guère d’une vidéo à l’autre. « C’est toujours de la musique classique jouée en Corse, avec la culture et le patrimoine corse. » Opus Corsica met le tempo au diapason de sa directrice artistique, « 100% classique et corse à la fois. »
La chaîne a vocation à monter en charge à mesure que les mois passent et de l’activité enregistrée en ligne. C’est le principe des réseaux sociaux.
Tout en se livrant à des performances expérimentales, les artistes réunis au sein d’Opus Corsica défendent l’idée d’« un grand rendez-vous international de musique classique en Corse ». La perspective est portée par des arguments solides. Xavier Torre donne le ton. « Il y a de très beaux festivals à travers la Corse, il y a de très bons musiciens qui s’y produisent aussi. Certains vivent en permanence sur l’île, d’autres sont d’origine corse mais évoluent au plan national et international. Ceux-ci ont toujours plaisir à revenir jouer ici parce qu’ils le font différemment que sur les autres scènes »,commente-t-il. Et, il est essentiel que les musiciens d’ici et d’ailleurs se répondent en écho. Opus Corsica assume le dialogue et l’échange à chaque étape de la trajectoire artistique. L’association est vecteur, un trait d’union.
la suite de cet article est à retrouver dans Paroles de Corse#96 du mois de février en vente ici