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Hugues Micol – Un parcours tout tracé

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©cecilegabriel-2021

« Dans un futur proche, la Corse est devenue le paradis d’une poignée de nantis, touristes richissimes, grossiers et exigeants venus des Ailleurs. Le climat de plus en plus détraqué rend les saisons aléatoires, précarisant davantage les locaux contraints d’accepter ce tourisme dévoyé pour survivre. Tout commence lorsqu’Agughia, jeune voleuse débrouillarde et fière, dérobe un objet mystérieux transporté par un représentant de Radius, puissant lobby en aménagement du territoire… »

Tel est le scénario qui prend vie sous les pinceaux d’Hugues Micol dans Agughia, son dernier album sorti en librairie le 24 septembre. Un récit d’aventure et d’anticipation que l’auteur, amoureux de l’île de Beauté a choisi de camper en Corse. 

Portrait

par Karine Casalta

Mettant en scène une jeune héroïne, c’est sur un scénario parfaitement rythmé et des dessins denses et expressifs que l’illustrateur s’appuie pour évoquer dans ce dernier album un futur redoutable. Une fable qui nous pousse à nous interroger quant aux choix écologiques, sociaux et politiques qui engagent l’avenir de la planète et plus près de nous de notre île. Avec cette bande dessinée, Hugues Micol a voulu rendre hommage aux lieux et aux lectures qui ont enchanté son imaginaire d’enfant. Et la Corse, où il vient chaque année dans la maison familiale située dans le sud, depuis 1978, en fait partie. 

Questionner mais divertir avant tout

Une Corse encore préservée mais, dit-il, qu’il voit néanmoins peu à peu évoluer. « Même si globalement la Corse reste assez préservée on voit peu à peu les choses changer, notamment dans le sud, particulièrement touristique. Une évolution qui questionne sur les problématiques très actuelles de tourisme de masse, de prix de l’immobilier, de préservation de l’environnement etc., qui touche particulièrement les îles. Des menaces dont on a envie de les protéger et les préserver plus encore qu’ailleurs. Il y a une inquiétude réelle, amplifiée sans doute aussi par l’ambiance anxiogène du monde dans lequel on vit… Et modestement, puisque je ne suis pas insulaire mais touriste moi-même, j’ai eu envie d’en parler. Mais je ne veux absolument pas être donneur de leçon. Mon récit est une fable, et le situer dans l’anticipation permet d’aborder ces sujets sans passion tout en ouvrant une réflexion. Je ne suis pas un penseur, mes BD sont avant tout là pour divertir, mais tant mieux si elles font réfléchir. »

Auteur de talent aux multiples horizons, Hugues Micol a en effet pour habitude d’embarquer ses lecteurs dans des aventures imaginaires, qui ne manquent jamais ni de fantaisie ni d’humour. Né en 1969 à Paris, son attrait pour le dessin s’exprime dès sa tendre enfance, tout comme son goût pour la bande dessinée qu’il découvre au travers des albums de Jean Giraud (Mœbius), d’Hugo Pratt ou de José Muñoz.

Illustrateur et scénariste

Il s’oriente donc naturellement vers des études d’arts graphiques et débute son parcours professionnel en tant qu’illustrateur free-lance avant de travailler pour le secteur jeunesse des éditions Nathan. « En effet, la BD me paraissait assez inaccessible, de l’ordre du rêve. Finalement, j’y suis venu presque par hasard, grâce à la rencontre d’une nouvelle génération d’auteurs qui avaient les mêmes envies, les mêmes façons de procéder. De plus la BD est un sport de contrainte, il me fallait aussi une certaine maturité avant de me lancer. »

De fait, c’est avec Chiquito la muerte, publié en 2000 chez Delcourt, un western déjanté, rythmé par une folle poursuite à dos de cochon-loup qu’il signe en collaboration avec Jean-Louis Capron, que son talent sur la scène dessinée va s’imposer.

Auteur de bande dessinée, mais aussi auteur jeunesse, sa carrière est ainsi jalonnée de nombreux ouvrages, publiés seul ou en collaboration : Les Contes du 7e souffle et D’Artagnan ! (Vents d’ouest), avec Éric Adam ; Terre de Feu (Futuropolis), avec David B. ; Bonneval Pacha (Dargaud), avec Gwen de Bonneval ; mais aussi Séquelles (Cornélius) ou Le chien dans la vallée de Chambara (Futuropolis). « Au départ j’écrivais mes propres scénarios, c’était assez conceptuel, assez underground. Puis j’ai collaboré avec des scénaristes, ce qui est plus aisé pour se lancer, on n’a pas le stress de la construction de l’histoire, mais seulement la responsabilité du dessin. » Les albums s’enchaînent, et en 2017, son travail sera notamment salué par le prestigieux Töpffer International reçu pour Scalp (Futuropolis). 

En 2020, sa collaboration avec Loo Hui Phang donnera naissance à Black-out (Futuropolis), sélectionné en compétition pour le Fauve d’or (prix du meilleur album) au Festival d’Angoulême 2021. 

Un futur imaginaire

Aujourd’hui c’est en solo qu’il signe Agughia, son dernier album sorti le 24 septembre, dont dit-il, il assume pleinement le scénario. « J’avais envie de mélanger naturalisme et science-fiction, deux thèmes un peu contradictoires, pour exprimer des préoccupations personnelles et aborder la thématique très actuelle qu’est la préservation de l’environnement. Il est vrai qu’habituellement dans mes créations j’aime faire des choses totalement détachées de la réalité. Mais dans la période actuelle, c’est un peu compliqué de passer outre toutes ces questions d’actualité. La BD est un média très populaire qui peut permettre de sensibiliser sur ces sujets. Elle m’offre surtout la liberté de tout faire, de tout imaginer, juste avec mes pinceaux et mon encre. Alors pourquoi me priver ? C’est vrai que dans cette aventure que j’ai située en Corse, j’ai un peu chargé la mule, j’espère que les Corses ne m’en voudront pas ! Mais la Corse est tellement importante pour moi ! Un endroit que j’aime profondément, et comme tous les endroits qu’on aime on n’a pas envie de les voir changer. Alors tant mieux si la BD fait réagir, après le public en fait ce qu’il veut. C’est avant tout une fable, une aventure fantastique, mes ambitions restent simples, j’espère avant tout le divertir ! »

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