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LA SCIENCE DE LEURS RÊVES

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La fin de la récréation vient de sonner et dans la classe de Marilyne Nardini, les élèves retrouvent tranquillement leur place. Certains relisent leurs notes, d’autres apportent la dernière touche à leurs galaxies imaginaires plus colorées les unes que les autres. Il faut dire que cela fait maintenant quelques semaines que ces jeunes gens ont la tête dans les étoiles. Pas seulement pour rêver, non, mais aussi pour observer. 

Par Caroline Ettori

L’objet de toute leur attention se nomme le blob. Nom scientifique : physarum polycephalum. Par petits groupes, les élèves du CE2 bilingue de l’école Victor-Hugo à Ajaccio suivent le protocole #ElèveTonBlob à la lettre. Une expérience éducative de la mission Alpha de Thomas Pesquet, astronaute de l’ESA faut-il le rappeler, proposée par le CNES en partenariat avec le CNRS et le soutien de l’académie de Toulouse.

Cheveux attachés, manches relevées, mains désinfectées, chacun tient son rôle avec beaucoup de sérieux et d’implication. Après tout, depuis leur salle de classe, ils se livrent à la même expérience que celle menée par l’astronaute star à plus de 400 km au-dessus de nos têtes. L’objectif : comparer l’évolution du blob dans des conditions de microgravité et sur Terre.

#ElèveTonBlob

On récupère donc les coupelles contenant les pastilles jaunâtres dans le placard, le blob n’étant pas un grand fan de lumière. On observe : s’est-il étendu, a-t-il cherché à se déplacer, dans quelle direction ? Surmontant quelles barrières ? Les moindres détails sont relevés. Les observateurs et leur professeure sont particulièrement vigilants au bien-être de ce qui n’est, précisons-le, ni animal, ni végétal, ni champignon mais un organisme unicellulaire que l’on trouve généralement dans les sous-bois, sans cerveau, capable toutefois d’apprendre et de fusionner avec ses congénères. 

On manipule aussi. Une marquise, de la gelose composée d’agar-agar, la pâtisserie n’est pas loin sauf qu’il s’agit plutôt d’offrir un nouveau terrain de jeu à notre ami. Les opérations de découpage et de transfert sont méticuleusement réalisées sous le regard de Marilyne Nardini. La jeune femme exerce depuis maintenant 10 ans et a conservé sa passion des sciences intacte. Mieux, elle a su trouver le chemin pour toucher les chères têtes blondes et brunes qu’elle accompagne. Leur insuffler un peu de son enthousiasme. On devine une formation à base de théories et de formules, une jeunesse curieuse entre télescope, On a marché sur la Lune (l’album de Tintin du coin lecture est bien le sien) et laboratoire de chimie en cadeaux. Tout juste ! Après une licence de biologie à Corte, Marilyne Nardini a suivi un master en environnement à l’Université de Toulouse Paul-Sabatier. Sacrée coïncidence, ou doit-on parler de probabilité dans ce cas (?) quand on sait que l’éthologiste responsable d’#ElèveTonBlob, Audrey Dussutour, est également chercheure au Centre de recherches sur la cognition animale au CRCA – CNRS à… l’Université Toulouse III Paul-Sabatier. Un heureux hasard en tout cas pour la jeune femme qui attendait la bonne occasion pour lancer ses élèves dans la conquête spatiale. 

L’alignement des planètes

« Entre 2016 et 2017 alors que j’enseignais à Porto-Vecchio, la première mission de Thomas Pesquet, Proxima, m’avait déjà fascinée. Et même si je savais que des liens avaient été tissés entre l’Éducation nationale et l’ISS, tout cela me paraissait loin, inaccessible. »Quelques mois plus tard, la jeune femme assistera à la projection de 16 levers de soleil de Pierre-Emmanuel Le Goff qui revient sur le parcours hors norme de l’astronaute français. Un véritable déclic. « Cette plongée dans l’espace, les sorties extra-véhiculaires où la vie ne tient qu’à un fil… Ces images sur grand écran m’ont impressionnée. La réalité dépassait n’importe quel blockbuster américain. Tout y était plus intense, plus vibrant sans avoir besoin d’effets spéciaux. La science permettait cela. J’ai su alors que c’était le message que je voulais faire passer à mes élèves. » Mais encore fallait-il un alignement de planètes. Quand, en 2020, la professeure désormais en poste à l’école Salines 6 Victor-Hugo à Ajaccio apprend qu’une nouvelle mission se prépare, pas question de passer à côté. 

Marilyne intègre plusieurs groupes d’enseignants sur Facebook, cherche et débusque la moindre information ayant trait à la mission Alpha. Internet foisonne de pistes pédagogiques. 

« Bien sûr, j’ai dû adapter la somme d’informations recueillies à l’âge des enfants. Je devais moi-même apprendre et comprendre avant de transmettre. Mais nous arrivions au troisième trimestre, les élèves étaient plus mûrs, je les connaissais bien pour aborder le sujet de façon confortable. »

Les enfants se révèleront plus que motivés. Leur programme scolaire allait prendre forme grâce à l’étude d’une mission spatiale qu’ils pourraient suivre quasiment en direct. La mission Alpha serait donc l’occasion d’aborder le métier d’astronaute, la vie dans l’ISS avec en fil rouge la lecture de L’incroyable destin de Thomas Pesquet, astronaute de Pierre Oertel. Mais pas seulement. « Nous avons pu parler du système solaire, de littérature, de géographie avec les pays membres de l’ISS, d’histoire avec les dates clés de la course aux étoiles. Nous nous sommes également exercés aux travaux pratiques avec la construction d’une ISS miniature. »

Marilyne Nardini n’est pas professeure des écoles pour rien. Tout est prétexte à apprendre. Y compris les canettes de soda que les enfants vont recycler en modules de station spatiale. « Thomas Pesquet publie beaucoup de choses sur les réseaux sociaux. Quand il nous fait “visiter” la station, il est plus facile de se repérer avec une maquette. Les élèves en binôme ont peint, vernis, étudié les différents modules et leur utilité. J’ai assemblé le tout. Nous avons même un astronaute Playmobil pour parfaire l’ensemble ! » Un don du petit Léo qui a su donner de la voix lors de l’Émission Spatiale diffusée sur France Info en juin dernier. 

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