Le climat et l’entreprise
À la uneLa crise sanitaire, économique et climatique des deux dernières années a accéléré la transformation de la société et a modifié les priorités des investisseurs, des entreprises et des consommateurs. Pour 2022, la résolution majeure de toutes nos entreprises est assurément de penser climat autour des pratiques ESG (Environnement, Société et Gouvernance.)
Par Sébastien Ristori
Sébastien Ristori est analyste financier, directeur du groupe Barnes Corse. Diplômé et certifié en finance par l’Université de Corse et HEC Paris, il est enseignant en finance d’entreprise et auteur aux éditions Ellipses.
Les pratiques ESG
Les entreprises ont une responsabilité sociétale qui s’impose ! Elles devront favoriser la mise en place d’initiatives visant à réduire l’empreinte environnementale, contribuer à se transformer comme lieu d’inclusion et de bien-être social et s’engager à une gouvernance équitable, en toute parité et en toute transparence. Chaque critère couvre bien des aspects :
1) Environnement : Le sujet de l’environnement concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la modification du climat lié à l’activité humaine intensive et l’utilisation de produits nuisibles à l’environnement. Il comprend également la gestion des déchets ainsi que la préservation de l’eau et des forêts des activités industrielles. 2) Société : l’aspect sociétal au sens large met l’humain au cœur du dispositif et de l’environnement professionnel. Il inclut la prévention au travail, l’accompagnement à la formation, la protection du droit des salariés, l’accès au soin, le développement de l’égalité des chances, l’inclusion des personnes handicapées. L’aspect sociétal est aussi la responsabilité de l’entreprise de travailler, échanger, sous-traiter avec des entreprises qui respectent ces principes. 3) Gouvernance : les thèmes de gouvernance sont liés à l’éthique des actionnaires, à l’équité entre les sexes concernant les responsabilités et les rémunérations, à la transparence, à la lutte contre la fraude. La gouvernance inclut aussi la volonté d’une équipe à s’occuper des aspects environnementaux et sociétaux de l’entreprise.
Une volonté publique de créer des standards
La volonté de créer une grille de lecture claire à toutes les entreprises en créant des normes internationales a amené les institutions comptables, divers comités de travaux et des organismes financiers à adopter des orientations et des visions communes pour mettre en œuvre des critères ESG. En juillet 2021, après l’épisode dramatique du dôme de chaleur au Canada, Christine Lagarde* a annoncé un plan d’action pour inclure le changement climatique dans la politique monétaire comme une véritable urgence. Ainsi, l’ensemble des entreprises cotées qui trouvent des financements sur les marchés verront leurs capacités financières évaluées à l’aune de leurs responsabilités écologiques. La banque centrale elle-même pourra acheter des obligations conformes aux critères qu’elle imposera. À ce jour, les plus grandes industries comme l’aviation, l’automobile, le secteur chimique ou touristique ont de lourds investissements à réaliser pour verdir leurs activités et entrer dans les futurs canons de la banque centrale. Et cela n’est pas une mince affaire : au 1er semestre 2021, le niveau d’endettement des entreprises françaises atteignait les 170% du PIB alors que la réduction du coût carbone va nécessiter un accroissement de l’endettement pour investir dans des investissements et rééquipements industriels importants.
Les entreprises communiquent avec « La déclaration extra-financière »
Les entreprises cotées de plus de 500 salariés, réalisant au moins 40 M€ de chiffre d’affaires avec un total de bilan de 20 M€, ainsi que les PME non cotées de plus de 500 salariés effectuant un chiffre d’affaires de 100 M€; ont l’obligation de réaliser des déclarations de performances extra-financières. Cette déclaration inclut des informations concernant la politique sociétale, environnementale et le mode de gouvernance de l’entreprise. D’ailleurs, les analystes financiers incluent, dans l’introduction de chacune des analyses financières, une analyse ESG. Cette déclaration détaille le business modèle de l’entreprise, les risques environnementaux et sociaux à laquelle la société doit faire face et les actions réalisées pour résorber les risques et mesurer les résultats.
Certaines sociétés sont des « entreprises à mission »
La loi PACTE permet aux sociétés qui le souhaitent de se transformer en « entreprise à mission ». Danone est devenue la première entreprise à mission en 2020 avec des objectifs sociaux, sociétaux et écologiques clairs engagés depuis 2006 autour d’une raison d’être : « apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre ». Derrière cet argument, des faits notables qui n’en font pas qu’un argument marketing permettent à l’entreprise de conserver son statut de société à mission et de justifier les réalisations à travers les déclarations extra-financières. Danone a beaucoup investi dans la production propre et s’est séparée d’activités qui n’entraient pas dans le périmètre de sa raison d’être. La France compte actuellement plus de 250 sociétés à mission.
La révolution du bénéfice par action (BPA) décarbonée de Danone
Toujours dans le cadre de la sensibilisation du plus grand nombre, Danone a calculé sur 2020 l’estimation du coût de ses émissions de gaz à effet de serre sur la base du coût d’un crédit carbone. L’entreprise a réalisé ce calcul, car elle a atteint son pic d’émission de gaz à effet de serre. Elle a simulé ce coût comme une charge ce qui a contribué à calculer un bénéfice amoindri, et donc, ramené sur le nombre d’action en circulation, à un bénéfice par action moins élevé. Pour 1 euro de bénéfice, 36 centimes correspondent à un coût carbone. Autrement dit, si les 36 centimes étaient déduits telle une charge, l’actionnaire pourrait prétendre à 0,64 centime au lieu de 1 euro. C’est la première fois qu’une société communique sur la prise en compte d’une telle externalité. Cette initiative permet de sensibiliser les financiers et les investisseurs à la prise en compte de l’impact carbone dans les résultats des sociétés !
Emmanuel Faber à l’ISSB
L’ancien patron de Danone, figure de cette entreprise à mission, devient président du conseil international des normes extra-financières, l’International Sustainability Standards Boards. Cette organisation est le pendant de l’International Accounting Standards Boards (IASB) qui élabore des normes comptables internationales pour harmoniser les lectures financières. Ce conseil vise à créer et harmoniser des critères durables pour les entreprises afin de les faire communiquer de façon identique, normée, par secteur et par pays dans leurs déclarations extra-financières. Ces indicateurs communs permettront d’éviter le greenwashing. L’ex-PDG aura à convaincre les institutionnels déjà à pied d’œuvre sur le sujet de rejoindre les missions de l’ISSB. Ensuite, il faudra rééduquer les entreprises, des grands groupes aux sociétés de tailles intermédiaires. En effet, l’Autorité des marchés financiers a publié en décembre 2021 un premier rapport sur le reporting carbone des 120 plus grandes entreprises françaises : bien que la majorité ait fixé des objectifs de neutralité carbone, les déclarations sont incomplètes, les risques peu anticipés et les méthodologies utilisées différentes. Nul doute que le développement durable est le sujet majeur des cinq prochaines années, de nos plus grandes capitalisations boursières à la PME près de chez vous !
*Présidente de la Banque centrale européenne