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NE SOYEZ PAS MALADES CET ÉTÉ !

À la une   Depuis mars 2020, les établissements de santé publics ont été mis à rude épreuve. Ils ont pris en charge 85% des patients atteints de la Covid-19. Mais selon les soignants, la pandémie n’a fait qu’accentuer les maux de l’hôpital.   Par Emmanuelle de Gentili   Trois grandes réformes permettent de comprendre la crise : T2A (tarification à l’activité), Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) et HPST (Hôpital, patients, santé et territoires). Le récent Ségur de la santé, avec 10 milliards d’€ pour les salaires et 19 pour l’investissement n’a pu renverser cette tendance. La T2A est une tarification qui répartit les moyens en fonction de l’activité, mais certains établissements se sont lancés dans une course aux interventions chirurgicales qui rapportaient, laissant la médecine sans chirurgie, plus difficile et plus longue, aux hôpitaux. La loi HPST instaure un pouvoir administratif (au travers des agences régionales de santé) qui multiplie les mécanismes de régulation, les contraintes normatives et énormément de bureaucratie. Le sigle Ondam est le synonyme de la lente cure d’austérité imposée aux établissements de santé. Pierre-Louis Bras, ancien directeur de la Sécurité sociale et enseignant du supérieur, estime que l’on est allé bien au-delà de ce qui était soutenable, en instaurant un effet ciseau. En effet, depuis 2010, le système de santé est autorisé à dépenser 2 à 3% de plus par an, alors que ses besoins sont estimés à 4 ou 5%, aggravant chaque année la pénurie. Sur la décennie écoulée, la production de soins s’est accrue de 19% tandis que les effectifs ont augmenté de moins de 4%. Il y a certes eu des améliorations de méthodes, des nouvelles technologies. Mais il y a eu surtout une augmentation de l’intensité de travail et une dégradation des conditions de travail, amplifiée par le gel de l’indice des salaires.   Fatal diagnostic La tension sur les hôpitaux publics a été accentuée par l’évolution des places entre public et privé. Ainsi, entre 2010 et 2019, le nombre de lits a diminué de 80 000 lits (243 300 à 313 300) dans le public et de 23 000 dans le privé (175 400 à 152 400), soit respectivement -26% et -13%*. L’explication par l’augmentation des places en ambulatoire, en Ehpad et en hospitalisation à domicile, en explique une partie, mais masque une diminution nette des lits et donc des effectifs. Sur la décennie, le personnel médical (médecins, chirurgiens) a augmenté, mais le nombre d’infirmiers et d’aides-soignants a diminué. La Fédération hospitalière de France estime d’ailleurs qu’il en manque 25 000 en 2021. Cela signifie qu’en plus de la baisse de leur pouvoir d’achat par le gel des salaires, que la charge de travail individuelle de ces personnels a augmenté. La conséquence est rude : faute de personnel, près de 120 services d’urgences sont forcés de limiter leur activité ou s’y préparent, selon le décompte effectué fin mai 2022, par l’association Samu-Urgences de France. Il y a le feu au lac !   Cautère sur jambe de bois Le gouvernement pare au plus pressé, annonçant pour cet été que les heures supplémentaires seront payées double, que les élèves infirmiers employables sans attendre la remise du diplôme et lance un appel aux retraités volontaires. Notre quotidien régional s’inquiétait, avec raison, en son édition du 7 juin 2022, que le système hospitalier de l’île risquait de connaître un été difficile, en raison des difficultés de recrutement pour pallier les congés et de la surfréquentation estivale. Pour en mesurer les conséquences, il faut savoir qu’il y a 74 000 séjours dans les établissements de l’île. Source : https://www.scansante.fr/applications/analyse-activite-regionale. L’hôpital d’Ajaccio, Clinisud et la clinique de Porto-Vecchio en réalisent 44%. L’hôpital de Bastia, la clinique Maymard, celle de Furiani et la clinique Filippi en réalisent 51%. Ensemble, ils réalisent 95% des séjours totaux. Pour avoir une idée palpable de cette réalité, cela correspond à 22% de la population (340 000) qui effectue un séjour en établissement de santé. Or, comme chaque été la population croîtra de 300 000 personnes, pour passer à 640 000 personnes.   Chaud devant ! À supposer que seuls 10% de cette population effectue un séjour, il y aura 30 000 séjours de plus, soit plus de 100 000 séjours au lieu de 74 000, alors qu’une partie des personnels sera en congé (ils le méritent) et que l’hôpital connaît la crise généralisée, décrite ci-dessus. Quelles mesures sont prévues pour l’île ? Il serait temps que les autorités communiquent en la matière. Ou alors, comme le suggéreraient nos humoristes, que les résidents et les touristes évitent d’avoir besoin de soins !           *Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277748?sommaire=4318291

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