PLUS DE BOUCHES, MOINS DE SEMENCES: QUEL AVENIR POUR L’HUMANITÉ ?
À la unePar Jean-Pierre Nucci
Dieu créa l’homme et la femme à son image, puis Il les bénit et leur dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et l’assujettissez ; dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur terre. » (Genèse) Si l’on en croit les Écritures, l’Homme, en parfait petit écolier, a obéi à son maître, s’est multiplié, a occupé l’espace, et a dominé les animaux de
millénaires en millénaires, de siècles en siècles, d’années en années. Une dynamique en apparence vertueuse jamais remise en cause jusqu’au milieu du xxe siècle. Dès ce moment-là, les démographes s’en inquiétèrent et tirèrent la sonnette d’alarme vis-à-vis de l’accélération des naissances. Cette fécondité galopante interrogea. La question se posa de savoir s’il resterait assez de place sur la planète pour accueillir tout ce monde. Les prévisions tablaient sur une population mondiale forte de douze milliards d’individus. Bigre ! Et Dieu dit : « Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture.» (Genèse)
Là aussi, les recommandations divines furent accomplies jusqu’au jour où, à la fin du xviiie siècle, l’économiste Thomas Malthus les remise en question. Il sonna l’alerte, dans son essai sur Le Principe de Population, sur le fait que la population progressait plus vite que les subsistances. Selon ses calculs, ce phénomène engendrerait à terme un déséquilibre entre l’addition des surfaces cultivées et la multiplication des bouches à nourrir. À l’entendre, à ce train-là, l’herbe et la semence allaient manquer. Pour faire court, moins de surfaces habitables, moins de nourriture, à part un miracle, le destin de l’humanité semblerait compromis. Et certains imaginèrent un remède efficace pour stopper cette mécanique destructrice. Une bonne guerre ou, pourquoi pas, une vilaine pandémie, à condition bien sûr d’en être soi-même et les siens épargnés. En voilà une idée qu’elle est bonne !
«Les voici qui forment un seul peuple et ont tous une même langue. Maintenant rien ne les retiendra de faire tout ce qu’ils ont projeté. Allons ! Descendons et là brouillons leur langage afin qu’ils ne se comprennent plus mutuellement.» (Genèse)
La tour de Babylone a bien existé. Son histoire remonte au ve ou vie siècle avant Jésus-Christ. En Mésopotamie précisément. En ce temps- là, les Babyloniens, peuple orgueilleux, avaient projeté d’atteindre les cieux, suscitant par-là le courroux de L’Éternel (L’Éternel et Dieu ne font qu’un). Un arrêt divin brisa leur dessein. Dieu les dispersa sur la planète, doté chacun d’une langue différente. La terre tourna ainsi longtemps. Au xvie siècle cependant, sous l’instigation de Jean-Baptiste Colbert, le mercantilisme, doctrine qui prône l’enrichissement d’une nation par le commerce extérieur, fut encouragé et libéra les hommes de la contrainte divine. Par la suite, les hommes de toutes nations accélérèrent les échanges de marchandises. La punition de l’Éternel fut contournée avamment par l’usage commercial de l’anglais. Tous les marchands se comprennent désormais par ce biais.Nous avons eu en retour la Covid-19. Sans la mondialisation, sa propagation aurait été ralentie. Dès lors, le paradigme changea, les hommes plébiscitaires le digital, le retour à la nature. Ah la campagne ! Malgré l’inversion des priorités, la terre se porte toujours aussi mal. « Notre maison brûle. » L’industrie, la consommation jamais égalée des énergies fossiles comme les échanges de biens induisent le réchauffement climatique. La couche d’ozone se perce et laisse passer la chaleur solaire. Quelle misère! La persistance de cette certitude conduirait à terme à une hausse des températures avoisinant les 50 degrés à la surface du globe terrestre. Plus de semence, moins d’oxygène, moins d’espace habitable. Les conditions d’existence de l’humanité disparaîtraient à jamais. Oh Pétard! On est mal. Le remède, inattendu pour le coup, résiderait dans la récente déclinaison des naissances. Nom de Dieu! C’est un fait indéniable, de nos jours, partout sur le globe terrestre, on enregistre une baisse de
la natalité. Les Chinois décroissent, les Africains tout autant, hé oui! En Occident, le fléchissement de la démographie devient alarmant. Le nombre de nouveau-nés est insuffisant pour renouveler les populations existantes. Contrairement aux idées reçues, qui consisteraient à croire que ce n’est là qu’un caprice de la volonté, que l’infertilité résulterait du désir tardif d’enfants – on prend son temps, on profite de la vie, on voyage – que cette fantaisie est coûteuse en termes d’infertilité masculine et féminine, que la pollution en rajoute à l’œuvre, cela ne suffit pas pour comprendre la source de cette manifestation récente. Le désir d’enfant inassouvi, toujours croissant, de jeunes couples supposés fertiles le démontre. Ils sont de plus en plus nombreux à recourir à la procréation assistée, de manière insuffisante toutefois pour combler le déficit démographique. Des auteurs avant-gardistes comme la Canadienne Margarate Atwood ont écrit sur le sujet. Dans son roman La servante écarlate adapté sous la forme d’une série télévisuelle, elle raconte comment la société américaine renonce au progrès et se réfugie dans le plus profond respect de la foi religieuse pour recouvrer la stérilité. Le fils de l’homme, le film du Mexicain Alfonso Curaón, raconte sur le même thème une société futuriste où les êtres humains ne parviennent plus à se reproduire. À croire que la fiction rejoint la réalité. D’aucuns penseraient qu’il s’agirait là d’un châtiment divin, d’autres que cela découle d’un phénomène naturel. À les entendre, la planète se protégerait de nos excès en nous infligeant cette calamité. Cette vue de l’esprit rejoint L’Origine des espèces de Darwin. Au xixe siècle, le naturaliste anglais (1808-1882) suggérait que :
«Toutes espèces vivantes sont en perpétuelle transformation et subissent au fil du temps et des générations morphologiques comme génétiques.» Sa théorie s’illustre parfaitement par l’observation de la taille inférieure des animaux vivants sur des territoires exigus à celle des animaux vivant sur des territoires immenses. En Corse, on examine avec attention cette réalité vis-à-vis du sanglier, du mouflon ou du cerf corse, plus petit que son congénère européen. Si cette logique est avérée, cela tendrait à imaginer que la nature agirait sur la fécondité afin de protéger sa survie. On est cuit. Mais non voyons! On assiste peut-être là à un heureux rééquilibrage, nécessaire à la survivance de la planète et de l’espèce humaine. L’escalade des naissances ainsi ralentie, n’atteindra jamais ces sommets babyloniens dévoreurs de surface, et destructeurs de semences et d’animaux. Je veux croire là à notre destinée commune.