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UNE CERTAINE IDÉE DE L’EUROPE

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En 1959 à Strasbourg, le général de Gaulle prononce la formule restée célèbre : « L’Europe de l’Atlantique à l’Oural ». Cette expression n’est en fait que la reprise de la définition géographique classique du continent européen : ce sont les montagnes de la chaîne de l’Oural qui séparent l’Europe de l’Asie. 

Par Michel Barat, ancien recteur de lAcadémie de Corse 

En faisant référence à la géographie, le premier président de la Cinquième République veut montrer que l’Europe est plus que l’Europe économique mais peu politique inaugurée par les traités de Rome du 25 mars 1957 : le premier donne naissance à la Communauté économique européenne (CEE), celle des six, l’Allemagne, l’Italie et les trois pays du Benelux, le second, qu’on oublie trop souvent, à la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom). Le concept géographique de l’Europe et son idée culturelle sont donc bien plus vastes que les premiers balbutiements politico-économiques. 

De Gaulle, homme de la grandeur, rappelait ainsi que l’Europe est plus grande que des accords améliorés de libre-échange entre six de ses pays et que la construction scientifique d’avenir du nucléaire civil. Mais il voulait dire bien plus encore : l’Europe n’est pas que l’Europe occidentale séparée de l’Europe orientale par le rideau de fer, conséquence des accords de Yalta signés entre le président américain Roosevelt, le Premier ministre britannique, Churchill d’un côté et le russe Staline, de l’autre. Si l’Europe était demeurée ainsi séparée par le rideau de fer, elle aurait eu beaucoup de mal à être le vecteur de paix qu’on attendait d’elle, jusqu’à l’effondrement du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. 

Depuis, les Européens ont commencé à vivre dans la conviction d’une paix durable voire éternelle dans leur aire géographique. La guerre d’Ukraine est venue pour leur rappeler que ce n’était malheureusement qu’une illusion.

Entité politique 

Si donc, contrairement au souhait de paix perpétuelle, la guerre est aujourd’hui sur le sol européen, l’Europe est encore plus pour ces pays qui connaissent ou craignent les horreurs guerrières l’espoir de l’ultime protection : l’Ukraine est convaincue que l’Europe c’est la paix. Avec toutes ses faiblesses, l’Union européenne, maintenant à vingt-sept, n’est plus simplement une alliance économique, elle devient une entité politique. Une fois de plus le général de Gaulle s’est montré visionnaire : l’élargissement aux pays de l’Europe centrale et orientale, non seulement malgré mais à cause des difficultés qu’il a créées, a poussé l’Europe à devenir de plus en plus une entité politique. L’impérialisme russe, celui du président Poutine, l’a très vite compris en s’opposant même militairement à ce que d’anciennes républiques de l’Union soviétique ou satellites y sollicitent leur intégration.

« L’Union européenne, maintenant à vingt-sept, n’est plus simplement une alliance économique elle devient une entité politique. »

Myopie intellectuelle 

Mais que signifie ce changement d’échelle tout aussi géographique que culturel ? Nombreux de ceux qui s’y intéressent et en suivent l’actualité ne gardent en mémoire que les longues discussions à Bruxelles qui finissent généralement tard à des compromis, d’autres encore y voient des directives alourdissant plus l’administration française. 

Pire au nom d’une souveraineté repliée sur elle-même, d’autres vont jusqu’à penser que l’Europe nuirait à l’indépendance de notre pays. Tout cela est une conséquence d’une myopie intellectuelle. Dans la collision, mais aussi parfois la collusion des grandes puissances comme les États-Unis, la Chine, la Russie nos pays seraient broyés. Pour reprendre un vocabulaire gaullien, il s’agit d’avoir une certaine idée de l’Europe. Quelle que soit son efficacité, ce n’est pas le marché européen, c’est l’idée d’Europe qui est le rempart des démocraties libérales, dit-on, comme si une démocratie « illibérale », toujours comme on dit, n’était pas une contradiction dans les termes. C’est cette idée aussi qui est vecteur de paix à condition de se donner la volonté et les moyens de la défendre. Se vouloir européen c’est penser que l’Europe est plus que sa réalité économique et géographique. 

Affirmer luniversalité

Adhérer à l’humanisme, création européenne, c’est affirmer que quelles que soient les particularités ethniques, religieuses ou politiques, les hommes et les femmes sont plus que leur nationalité, leur métier, leur genre même…

L’idée d’Europe est une nécessité si on veut continuer à affirmer l’universalité, c’est-à-dire, ce qui est toujours plus que l’Europe.

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