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LES TUEURS EN SÉRIE

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Des profils de tueurs en série ont pu être définis, notamment par les enquêteurs américains du FBI, sur des critères communs que révèlent les trajectoires de leur biographie, leur comportement social ainsi que leur mode opératoire. Deux groupes apparaissent alors, indexés chacun d’une référence à une pathologie mentale qui détermine leur rapport à la réalité : celui-ci est maintenu en cas de psychopathie chez des tueurs organisés alors qu’il est altéré ou perdu en cas de psychose chez des tueurs inorganisés.

Par Charles Marcellesi, médecin

PSYCHOPATHES ET PSYCHOTIQUES

Est considéré comme tueur en série la personne qui a commis au moins trois meurtres dont l’accomplissement lui a procuré une jouissance. On parle de psychopathie, ou de déséquilibre psychique pour des tueurs organisés, à quotient intellectuel élevé, ayant fait preuves d’habilités sociales et amoureuses, planifiant et contrôlant l’exécution de leur crime, pouvant engager au moment de la commission un dialogue avec la victime, souvent enfant unique ou aîné de la fratrie et dont l’éducation a été peu contraignante. Chez les sujets psychotiques ou tueurs inorganisés, l’intelligence est moins opérationnelle, ils sont moins adaptés socialement et plus exposés à la précarité, ils sont souvent parmi les enfants derniers nés de leur famille, peu compétents sexuellement, souvent élevés à la dure et ayant pu être maltraités. Le terme de psychose indique ici que le sens initial des relations de parenté n’a pas été acquis ni symbolisé, et qu’il peut exister des éléments franchement délirants.

Mais au-delà de ces données issues du profilage dont on imagine combien il est et sera perfectionné par le recours à l’intelligence artificielle, l’expertise psychologique judiciaire lors de l’instruction du procès du criminel révèlera les éléments subjectifs (à entendre : comment ont joué les traces mémorielles conscientes et inconscientes et les attributs donnés par la famille ou qui ont été réalisés par l’expérience de la vie), ceux-ci étant à l’origine du mode opératoire des crimes selon un scénario répétitif mais aussi de la signature inconsciente qui renseigne ainsi sur le fantasme fondamental de ce sujet. Cela peut être illustré par le cas, déjà ancien, de Marcel Barbeault, le « tueur de l’ombre » qui opérait dans les années 1969-1976 dans le département de l’Oise (cf. Tueurs en série made in France, du juge Gilbert Thiel, éd. Robert Laffont, qui présente les cas de 54 tueurs en série français mais aussi une introduction documentée sur de célèbres tueurs en série américains, russes et chinois).

COMPULSION DE RÉPÉTITION ET FANTASME

Si les profileurs américains reconnaissent souvent « une situation de stress (financier, conjugal ou relationnel) qui précipite l’acte criminel », dans le cas de Marcel Barbeault, il s’agit d’une confrontation insupportable au réel de la mort ; celle coup sur coup de sa mère ayant agonisé lentement lors de l’évolution fatale d’un cancer du sein qui avait obligé à des opérations mutilantes (ablation des deux seins), puis de ses 2 frères cadets (il était l’aîné de la fratrie). Né de l’union d’un père conducteur de locomotive et d’une mère ouvrière du textile, il connaît l’échec scolaire, devient ouvrier chauffeur de rivets, s’engage dans l’armée pour être brancardier lors de la guerre d’Algérie, puis se marie et devient père de deux enfants. Il était considéré comme professionnel, époux et père en tout point exemplaire. Sa carrière criminelle, précédée d’actes de délinquance sous la forme de cambriolages effectués à la sortie de son travail, et lui ayant permis de voler des armes, débute après la mort de sa mère : il attaque les victimes le long de la voie ferrée (lien avec son père conducteur de locomotive ?), les frappe avec une pelle à ballast de la SNCF, leur donne un coup de poignard dans le cœur, puis leur tire une balle de carabine .22 Long Rifle dans la nuque et cela à la nuit tombante, entre 19 et 21h. Les victimes sont des femmes brunes (comme sa mère) qu’il a longtemps épiées, y compris en s’introduisant dans leur domicile lors de leur absence pour fouiller leurs affaires personnelles. Après les avoir tuées, il les déshabille, sans les violer (sauf une fois, la première victime), et leur vole leur sac à main. Il tuera ainsi 7 femmes et 1 homme, et blessera deux autres femmes.

CONSTELLATION DE CRIMES AUTOUR D’UNE TOMBE

Dans cette série de crimes, un seul sera un « crime d’opportunité » non prémédité, lorsque Barbeault surprend et abat dans leur voiture un couple de jeunes amoureux sur le parking du cimetière de Laigneville. C’est à partir de la commission de ce crime qu’un jeune inspecteur de police affecté à Creil en 1974, Daniel Neveu, a l’intuition que ce cimetière situé à l’épicentre de tous les crimes commis dans le secteur, a un rapport avec le criminel d’autant qu’une balle de .22LR est trouvée près d’un robinet d’eau connu des seuls habitués du cimetière : le relevé des noms inscrits sur les tombes – dont celui de la mère de Barbeault – croisé avec les suspects dénoncés à la police permet d’établir une liste de 13 suspects, dont Barbeault. L’inspecteur Neveu est persuadé que c’est le tueur qui se signale lui-même à la police par un appel anonyme, ce qui mène à son arrestation et à son procès le 25 mai 1981. L’élection de François Mitterrand le sauve de la peine de mort qui vient d’être abolie.

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