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Un autre regard sur la Corse dans votre mensuel disponible en kiosque ou sur www.parolesdecorse.fr

Chaque semaine, Caroline Ettori et ses invités échangent et débattre sur l’actualité insulaire. 

Politique, société, tendance, économie, sport… Décryptages et analyses sont dans Revue de Corse garantie sans langue de bois.

Le vendredi à 8 heures, le samedi à 13 heures et le dimanche à 18 heures.

Revue de Corse, le Débat. 24 juin 2022

Revue de Corse, le Débat. 17 juin 2022

Revue de Corse, le Débat. 03 juin 2022

Revue de Corse, le Débat spécial Méditerranée. 20 mai 2022

Revue de Corse, le Débat spécial Environnement. 13 mai 2022

Revue de Corse avec Julie Benetti, ancienne rectrice de l’académie de Corse
Revue de Corse avec Marie-Jeanne Nicoli, présidente du Cesec de Corse
Revue de Corse avec Jean-Guy Talamoni, vendredi 12 novembre 2021
Revue de Corse avec Laetitia Descoin-Cucchi, présidente de l’association Inseme
Revue de Corse avec Philippe Perfettini, auteur de Napoléon, punk, dépressif…Héros
Revue de Corse avec Thierry Rovere, chargé de mission pour la délégation Corse de la Fondation du Patrimoine
Revue de Corse avec Jean-Pascal Terrazzoni d’Adduniti
Revue de Corse avec André de Caffarelli, chef de pôle « Urgences et Soins Continus » de l’hôpital de Bastia, en charge de la Covid 19.
Revue de Corse avec Johan Pinna pour parler audace et éloquence
Revue de Corse avec Marie-Claire Papadacci, art-thérapeute à Ajaccio
Revue de Corse avec Virginie Frantz, Dasen de l’académie de Corse
Revue de Corse avec Laura Guidicelli, conseillère exécutive de la collectivité de Corse en charge de l’égalité femmes-hommes
Revue de Corse avec Jean-Charles Martinelli, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Corse
Revue de Corse avec Kevin Petroni pour son ouvrage L’adieu aux aspirations nationales
Revue de Corse avec Fatima Pupponi du Festival des cinémas du Maghreb
Revue de Corse avec Bernard Biancarelli des Editions Albiana

 

 

 

 

 

 

 

David Dary a vu le jour au cœur même de l’entreprise familiale, spécialisée dans la distribution de boissons et de spiritueux, nichée à L’Île-Rousse. Depuis sa plus tendre enfance, ses souvenirs le ramènent invariablement à l’entrepôt familial ou à l’appartement situé juste au-dessus. Aujourd’hui, il dirige le prestigieux Groupe Boissons de Corse, aux côtés de la famille Sialelli.

Son parcours singulier, marqué par une trajectoire tout sauf linéaire, a façonné en lui une passion inébranlable pour l’entrepreneuriat et une fierté indéfectible à l’égard de la promotion de la Corse sur les échiquiers nationaux et internationaux.

Par Anne-Catherine Mendez

Parlez-nous de votre parcours.

Je suis issu d’une lignée d’entrepreneurs spécialisés dans la distribution de boissons. En 1994, j’ai commencé à prendre progressivement les rênes des affaires familiales à L’Île-Rousse, poursuivant ainsi l’héritage familial. En 2005, j’ai pris la décision d’investir dans l’entreprise d’un confrère à Calvi, et en 2007, nous avons fusionné nos deux entreprises pour créer une seule entité : Calvi Distribution. En 2010, j’ai consolidé ma position en acquérant la totalité des parts de Calvi Distribution. Parallèlement, en collaboration avec Dominique et Armelle Sialelli, les créateurs de la bière Pietra, nous avons fondé le Groupe Boissons de Corse. Dans le cadre de cette expansion, nous avons également acquis la Société Corse de Boissons (SOCOBO), détenteur de la franchise Coca-Cola en Corse, ainsi qu’une usine d’embouteillage.

En 2015, nous avons fait l’acquisition de la distillerie LN Mattei pour fusionner concomitamment avec la distillerie Mavela. 

Aujourd’hui, je dirige le Groupe Boissons de Corse et ses filiales toujours aux côtés de la famille Sialelli. 

Comment pourrions-nous définir GBC ?

Le Groupe Boissons de Corse (GBC) incarne avant tout un engagement en faveur du développement durable, en promouvant la production locale de produits tels que Pietra, Mattei et Mavela en Corse ainsi que sur le continent. En outre, notre filiale SOCOBO est le premier concessionnaire à avoir été autorisé à apposer la mention « Fattu in Corsica » sur les bouteilles ou canettes de la célèbre marque Coca-Cola, mettant en valeur non seulement notre région mais aussi notre expertise. Avec une équipe de 300 employés à temps plein et 40 saisonniers recrutés chaque été, GBC contribue activement à l’emploi local et au dynamisme économique de la région.

Quels sont vos projets de développement ?

Nos initiatives sont inextricablement liées à une approche économique durable et socialement responsable. Prenez par exemple notre processus de production de la bière Pietra : pour réduire les émissions polluantes, nous avons mis en place un système de récupération de CO2 lié à la fermentation naturelle de la bière. Nous rendons le CO2 liquide, le stockons puis le réinjectons dans la bière. Cela correspond à des milliers de voitures en moins en circulation. Nous nous efforçons également de faire les investissements nécessaires pour consommer le moins d’eau possible par litre de bière produit et nous sommes en train de travailler sur la biomasse et la phyto-épuration de façon à être complètement vertueux dans ce domaine. En concrétisant ce projet, nous allons devenir une des premières brasseries françaises 100% vertueuses. Notre engagement en matière de durabilité se reflète également dans notre projet de verre consigné, visant à réutiliser une même bouteille à plusieurs reprises. Cependant, il est important de souligner que ces initiatives responsables requièrent d’importants investissements tant en termes de ressources humaines que financières. Nous avons collectivement besoin d’être conscients des enjeux de préservation de la planète.

Les défis auxquels l’entité LN Mattei fait face sont principalement d’ordre commercial. Forte d’une histoire de 150 ans, notre ambition est de continuer à restaurer la renommée de cette marque emblématique de notre patrimoine culturel. Avec la croissance exponentielle de la consommation de cocktails, nous avons une opportunité inestimable à saisir à travers les établissements les plus prestigieux en France et à l’international. Notre objectif est de positionner LN Mattei comme une référence incontournable dans le monde des cocktails, capitalisant ainsi sur son héritage et sa qualité irréprochable.

Quel est votre point de vue en tant que chef d’entreprise sur le marché économique corse ?

La Corse possède des atouts indéniables, une forte typicité qui permet de nombreux challenges. À mes yeux, la principale problématique réside dans la taille limitée du marché local. Cela implique de structurer notre entreprise et nos ressources humaines pour une activité à l’année, même si le pic économique ne dure que 4 à 5 mois. Face à un marché local difficile et une population résidente relativement restreinte, ainsi qu’une saison touristique courte, notre stratégie de développement repose inévitablement sur l’expansion de nos ventes en dehors de l’île, tout en consolidant la marque en Corse.

Quel est votre plus cuisant échec ?

Comme dans toute entreprise, il y a des hauts et des bas, c’est indéniable. Cependant, je crois fermement avoir eu la chance de transformer les difficultés rencontrées en opportunités et en sortant plus fort.

Quelle est votre plus grande fierté ? 

Réussir à promouvoir des marques insulaires puissantes localement, sur le continent et à l’international est un défi de taille, mais également un challenge passionnant. En mettant en valeur l’authenticité, la qualité et l’histoire uniques de nos marques, nous pouvons non seulement attirer l’attention des consommateurs locaux, mais aussi conquérir de nouveaux marchés à travers le monde. En misant sur des politiques de marketing innovantes et puissantes, des partenariats stratégiques et une distribution efficace, nous pouvons faire rayonner ces marques insulaires bien au-delà de leurs frontières d’origine, contribuant ainsi à renforcer le prestige de la Corse sur la scène nationale et internationale.

Votre devise ? 

Quand on a la chance d’être passionné par ce qu’on fait et ce que l’on vend, alors on ne travaille pas, on fait ce qu’on aime.

Quand Ajaccio nous est conté…

Inauguré par les élus de la Ville d’Ajaccio et leurs partenaires le 13 février dernier, le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP) « Aiacciu Bellu » offre de découvrir la cité impériale et son territoire sous une perspective inédite.

Par Karine Casalta

Baptisé en hommage à l’ode « Aiacciu Bellu » composée en 1932 par le barde Maïstrale, cet espace de médiation culturelle de proximité vise à être un outil de vulgarisation accessible à tous les publics, des plus jeunes aux plus âgés, des habitants locaux aux touristes de passage. 

Idéalement situé au cœur de la ville, dans l’ancienne maison Elisa, face à la gare maritime, sur la place du marché, le CIAP « Aiacciu Bellu » bénéficie notamment d’une accessibilité optimale tant pour les habitants que pour les touristes. 

Bien plus qu’un simple musée ou centre culturel, c’est un véritable hommage à l’histoire et à la culture de la Corse, un lieu où les traditions se mêlent à l’innovation pour offrir aux visiteurs une expérience unique et enrichissante.

Une immersion captivante dans l’histoire d’Ajaccio

Divisé en trois espaces distincts, comprenant une boutique, une salle panoramique et une salle des chroniques, le centre offre en effet un environnement accueillant pour une expérience culturelle inoubliable. Au fil d’un parcours ludique et interactif, les visiteurs découvrent l’histoire d’Ajaccio, depuis ses origines géographiques jusqu’aux époques qui ont façonné son identité. Organisé en plusieurs chapitres, un parcours chronologique détaillé, aborde ainsi les différentes périodes de l’histoire de la ville, de la préhistoire à nos jours.

La salle des panoramas retrace ainsi le passé composite de la ville, tant historique que naturel, mettant en exergue principales caractéristiques du site. À travers des panneaux didactiques, un film de 15 minutes et une animation de l’évolution urbaine sur une maquette 3D, cette salle permet de reconstituer les rapports entre l’habitant, son environnement urbain et son environnement naturel.

Une fois la situation géographique campée, le film déroule ainsi l’histoire de la ville, appuyée par la maquette qui s’anime au fil du récit et nous permet de suivre ainsi la transformation de la ville au fil du temps. 

Au travers de thématiques choisies la salle des chroniques qui lui succède, permet quant à elle, d’approfondir les points précédemment abordés au travers de sujets liés à l’histoire et aux traditions. Grâce à une frise chronologique et à des projections de films de 3 minutes, elle offre des points de vue plus détaillés sur l’histoire, les traditions et l’art de vivre locaux, en abordant des thèmes aussi variés que Napoléon, la Madunnuccia ou la guitare, révélant une histoire d’Ajaccio oscillant entre des évènements anodins et d’autres liés à la grande Histoire.

Richement diversifiées, le CIAP propose ainsi par le biais de l’ensemble de ces équipements multimédias attractifs de multiples informations tant sur la géographie ajaccienne, les périodes de domination génoise et française, l’ère napoléonienne, ainsi que les évolutions urbaines et sociales de la ville à travers les siècles.

Lieu de mémoire et de réappropriation collective

Cette perspective détaillée sur les événements historiques, les traditions et l’art de vivre corse, le CIAP « Aiacciu Bellu » permet aussi aux visiteurs de plonger au cœur de l’âme ajaccienne et contribuera sans aucun doute à renforcer l’attractivité touristique de la ville.

Mais ce joyau culturel est également destiné à préserver son héritage pour les générations à venir. S’il vise à sensibiliser, informer et former tous les publics à l’architecture et au patrimoine de la région, cette initiative qui s’inscrit dans le cadre du label Ville d’Art et d’Histoire, décerné à Ajaccio en 2012, témoigne de l’importance accordée à la transmission de l’histoire et de la culture aux générations futures. Lieu de mémoire et de réappropriation collective, il s’adresse ainsi en ce sens aux habitants de la ville et aux scolaires, et utilise pour ce faire tous les outils modernes pour permettre cette réappropriation. 

Le CIAP « Aiacciu Bellu » est ainsi une formidable porte d’entrée à une découverte de la ville tant pour ses habitants que pour les touristes. 

Courrez-y si vous êtes à Ajaccio !

Le CIAP Aiacciu Bellu, ancienne maison Elisa, quai L’Herminier, à Ajaccio.

Entrée libre et visite gratuite

Du 1er novembre au 30 avril : 09h00-12h00 / 13h00-17h00. 

Du 1er mai au 31 octobre : 09h15-18h00.

Portrait

L’esprit de l’exception culturelle française

Du grand divertissement au cinéma d’auteur, la production cinématographique française affiche l’une des meilleures dynamiques du monde, occupant régulièrement une place prépondérante dans la fréquentation nationale des salles. Des films à succès figurant au box-office des entrées, à ceux, plus confidentiels salués par les critiques, le savoir-faire français ne manque pas de régulièrement s’illustrer. Des productions riches et diversifiées qui pour la plupart voient le jour grâce à l’appui du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Directeur général de cette institution, Olivier Henrard se félicite de la vitalité de cette industrie, largement soutenue par la fameuse « exception culturelle française » qu’il a eu à cœur de défendre tout au long de sa carrière.

Par Karine Casalta

C’est en effet un engagement indéfectible en faveur de la valorisation de la culture, qui distingue l’action d’Olivier Henrard. Issu d’une carrière prestigieuse dans la haute fonction publique, le directeur général du CNC a consacré la plus grande partie de sa vie professionnelle à promouvoir les richesses artistiques et intellectuelles de la France. Haut fonctionnaire et membre éminent du Conseil d’État, son parcours remarquable l’a conduit en effet à exercer des responsabilités importantes au sein de l’administration publique, à des postes stratégiques en lien étroit avec le domaine culturel. 

Né à Bastia en 1966 où il passe l’ensemble de sa scolarité, il débute son parcours à la Direction des affaires culturelles de la Ville de Paris, après des études de droit et de sciences politiques à Aix-en-Provence. Il y œuvrera de 1994 à 1999 à des fonctions de conseiller avant que, reçu au concours de l’ENA d’où il sortira 2ede sa promotion, il choisit de s’orienter en 2003 vers le Conseil d’État. Il y restera 4 ans, avant de rejoindre en 2007 le cabinet de Christine Albanel, au ministère de la Culture et de la Communication en tant que conseiller juridique, où il pilotera notamment le projet de loi Hadopi, puis devient directeur adjoint du cabinet de Frédéric Mitterrand qui lui succède. Il partira par la suite, à l’Élysée en tant que conseiller pour la culture auprès de Nicolas Sarkozy. « C’est ainsi que de 2007 à 2012, j’ai quasiment toujours été en cabinet, et toujours sur des sujets culture. »

Après cette première partie de carrière dans le paysage institutionnel français, il quitte alors un temps le domaine de la culture pour celui de l’industrie télécom auprès du groupe Vivendi, en tant que secrétaire général de SFR, dont il pilotera la cession à Numéricâble.

La tâche achevée, il réintègre alors en 2015 le Conseil d’État, pour occuper la position de rapporteur public. 

Promouvoir le cinéma français pour faire rayonner notre culture

Cependant, son attachement à la défense de la culture est toujours demeuré intact, et c’est avec enthousiasme qu’en 2019, à la demande de Frédérique Bredin, présidente du CNC à l’époque, il rejoint celle-ci pour occuper le poste de directeur général, et restera en place avec son successeur. C’est à ce poste qu’Olivier Henrard s’emploie depuis à faire rayonner notre culture.

Car par son action de soutien financier, de promotion de la création, de régulation et de préservation du patrimoine, le CNC joue un rôle essentiel dans la vitalité de notre industrie cinématographique et plus largement audiovisuelle. « Créé au départ pour aider le cinéma –et faire contrepoids à l’obligation d’ouverture du marché aux productions américaines en contrepartie d’une aide à la reconstruction – le CNC a depuis étendu son périmètre d’action à la production audiovisuelle, aux jeux vidéo, et aux fims d’animation. Sans oublier une aide aux grandes institutions partenaires du CNC que sont la cinémathèque française, des écoles de cinéma, dont la Fémis, et 160 festivals. » Directement placé sous l’autorité du ministère de la Culture, il intervient aussi dans le champ règlementaire.

Des attributions qui ont permis l’émergence de la fameuse « exception culturelle française » unique et enviée par beaucoup dans le paysage de l’industrie audiovisuelle internationale. 

Combinant subventions, quotas et allégements fiscaux, le dispositif garantit une certaine diversité face aux grosses productions et contribue ainsi largement au dynamisme de l’industrie culturelle française, mettant en avant la diversité et la créativité de la production cinématographique française, tout en veillant à soutenir les jeunes talents. « L’écueil est d’éviter d’avoir un cinéma qui corresponde aux goûts du patron du CNC. C’est pourquoi le choix de soutenir les films est délégué à une soixantaine de commissions qui décident en collège d’une dizaine de personnes. »

Un modèle unique au monde

« Outre de manager les 500 personnes qui y travaillent, mon rôle est essentiellement de servir d’interface avec l’ensemble de l’appareil d’État, en premier lieu avec le cabinet du ministre de la Culture, le cabinet du Premier ministre, le ministère des Finances, et le parlement. Car nous préparons régulièrement des projets de textes et de décrets de lois en rapport avec le cinéma. » Une capacité à fédérer les différents acteurs du secteur qui a permis de renforcer les politiques de soutien à la création cinématographique, tout en adaptant les dispositifs aux évolutions technologiques et sociétales, comme l’arrivée des plateformes de streaming. « Plus qu’un risque, souligne-t-il, elles sont une opportunité, car la France a fait le choix de se doter d’un arsenal juridique qui lui permet d’imposer à des opérateurs économiques privés un certain nombre de contraintes au nom de l’intérêt général. » Convaincu de l’importance de cette spécificité culturelle, et de la portée du cinéma comme vecteur culturel et artistique, le directeur général du CNC se défend qu’elle soit menacée : « Jamais le CNC n’a consacré autant de moyens à la production audiovisuelle qu’actuellement : 750 millions d’euros dédiés à l’industrie cinématographique contre 500 il y a quinze ans, auxquels s’ajoutent 600 millions d’euros de crédits d’impôt, qui n’existaient pas il y a 10 ans. Sans compter les obligations d’investissement des diffuseurs qui n’ont jamais été aussi élevées, lesquels grâce à la règlementation que pilote le CNC, en plus des taxes payées pour financer les aides du CNC, ont l’obligation d’acheter un pourcentage de leur chiffre d’affaires en programmes français. Au total, nous atteignons 1,5 milliard d’euros. »

Entre art et industrie, une dynamique nationale inégalée 

Et de balayer l’impact négatif des plateformes de streaming. « La France, dit-il, est le pays au monde où le cinéma a le mieux repris après la crise du Covid, on est revenu à peine en dessous de la fréquentation avant crise, 180 millions de billets vendus en 2023 contre près de 210 millions avant crise, un plateau jamais atteint depuis cinquante ans, qui permet de relativiser la substitution des écrans ! D’autant que les premiers à revenir en salles sont les jeunes, encore plus nombreux qu’avant. C’est la preuve qu’il y a peu de substitution d’unmarché à l’autre. Sans compter que ces plateformes représentent des commandes très importantes pour notre industrie !

Il faut aussi noter qu’on est le pays au monde où les films nationaux ont la part de marché la plus importante, on est le seul pays où nos propres films occupent 40% du marché ! – c’est 7% en Angleterre, et entre 10 et 20 % pour les Italiens, les Espagnols et les Allemands ! Non seulement notre marché a mieux rebondi en volume, mais sa répartition reste orientée en direction de nos films nationaux. Sans compter que d’un point de vue qualitatif, en 2023 sur les dix plus grands festivals de cinéma internationaux, sur la totalité des films sélectionnés, 25% sont français ! Et sur la décennie 2013-2023, sur la totalité des récompenses attribuées par les trois plus grands : la Palme d’or à Cannes, l’Ours d’or à Berlin, le Lion d’or à Venise, c’est là encore le cinéma français qui en totalise le plus grand nombre. Une domination inédite depuis les années 60. Donc ça marche ! »

Une dynamique cinématographique que le directeur du CNC, qui a ses racines familiales plantées entre le Cap et la Castagniccia, se réjouit d’observer aussi en Corse : « Globalement, à l’image du continent, la fréquentation en Corse se porte bien, l’île est bien couverte par le cinéma, même si en proportion il manque encore des cinémas classés art et d’essai, notamment en Haute-Corse. En tant que Bastiais, puisque je reviens très souvent pour retrouver ma famille, j’ai beaucoup souffert de la fermeture du cinéma Le Régent pendant de nombreuses années et je suis heureux qu’il ait réouvert ! Comme je suis heureux de saluer le travail formidable du Studio.

Et puis le cinéma insulaire c’est aussi tous les insulaires qui font du cinéma ! Il y en a beaucoup. Je pense notamment à Marie-Ange Luciani, Catherine Corsini, Gabriel Le Bomin, ou plus anciennement Pierre Salvadori, et d’autres encore… Et après tout c’est moi aussi ! Fait-il remarquer dans un sourire.

« On a une jolie convention entre le CNC et la Collectivité territoriale, qui nous permet de cofinancer un certain nombre d’actions en faveur de la production audiovisuelle, de la diffusion, de l’écriture de scénarios. On a une collaboration très fluide avec la CTC qui est très concernée par ces questions-là. » Des racines insulaires et un amour du cinéma qui rendent Olivier Henrard sans doute d’autant plus fier d’annoncer la contribution du CNC à la restauration d’un chef-d’œuvre sur la vie de l’Empereur : « Je suis fier d’annoncer que Le CNC, en partenariat avec la Cinémathèque française, a financé la restauration du Napoléon d’Abel Gance ! Avec la réécriture de la partition de la musique. Ce qui est époustouflant, c’est qu’Abel Gance est vraiment venu tourner en Corse en 1926 ! Il y a quasiment une heure de film tournée à Ajaccio ! La version restaurée du film sera présentée pour la première fois les 4 et 5 juillet prochains, avec les deux orchestres de Radio France. C’est un grand évènement de l’histoire du cinéma ! »

Ainsi attaché tout au long de sa carrière à protéger et à promouvoir le talent et la création artistique dans le domaine des industries culturelles, Olivier Henrard contribue aujourd’hui à faire rayonner le cinéma français à travers le monde. Acteur central dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques culturelles en France, il incarne sans conteste l’esprit de l’exception culturelle française.

Havre de paix et de biodiversité

UN SONNIU, UN PRUGHJETTU DI VITA… CÙ A SO FAMIGLIA, AURÉLIE AVIGNON HÀ SAPIUTU PROPIU TRASFURMÀ UNA CASA ANTICA DI L’ANNI 30 IN VERU TEMPIU DI A NATURA, INDUVE PRUDUZZIONE AGRICULA, SAPÈ FÀ ARTIGIANALE È USPITALITÀ ÙN FACENU CHÈ UNU. IND’È U BELLISSIMU PAESE D’U LUGU DI VENACU, CI APRE E PORTE DI STU LOCU UNICU.

Par Petru Altiani

Aurélie Avignon a troqué sa blouse blanche pour les champs de safran et les ruches d’abeilles. « J’ai travaillé 15 ans comme aide-soignante. Puis à l’aube de mes 31 ans, je suis arrivée à un tournant dans ma vie après la naissance de mes enfants et quelques soucis de santé, où j’ai fait le choix de revenir à l’essentiel, c’est-à-dire la nature, les animaux, l’artisanat, tout ce qui m’a toujours plu depuis toute petite. Et surtout de pouvoir inculquer ces valeurs à mes enfants et d’être disponible pour eux », confie-t-elle. « Il m’a fallu du temps avant de trouver le fil conducteur et donner un sens à mon projet afin que tout s’imbrique et ne fasse qu’un ! J’ai donc suivi un cursus conduisant à un brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole afin d’acquérir les connaissances nécessaires pour pouvoir m’installer comme jeune agricultrice en 2020. »

La création d’A Casa di l’Apa n’est pas le fruit du hasard mais d’une vision mûrement réfléchie. « J’ai eu le coup de cœur pour cette maison des années 30 en pierres apparentes. C’est l’espace de jardin et son aménagement intérieur qui offraient la possibilité de créer des gîtes », dit Aurélie. « Quelques années plus tard, nous avons eu l’opportunité de nous agrandir en achetant la maison de mon voisin et d’y créer une chambre d’hôtes. »

À l’évidence ce parcours souligne une transition délibérée vers un modèle de vie intégrant pleinement les principes de l’agriculture durable.

Ferme recomposée

À U Lugu di Venacu, la ferme d’Aurélie est un véritable havre de paix. « Je cultive le safran sur Venacu, une partie sur le domaine d’A Casa di l’Apa avec un affichage pédagogique sur sa culture et une partie à trois cents mètres de là. Puis, pour les ruches, je pratique la transhumance en fonction des différentes miellées sur le Centre Corse », explique l’agricultrice. « Sur le domaine, vous pouvez trouver plusieurs espèces d’animaux, notamment des ânes corses Fiora et Luna, deux moutons Nez Noir du Valais Suzie et Léon, des poules, des lapins, des cailles, des perruches, des chats, chiens et même des poissons ! J’avoue que je ne les fais pas beaucoup travailler, mise à part les abeilles et les poules qui nous offrent leur miel et leurs bons œufs pour la table d’hôte sinon ils sont plutôt là pour avoir une belle vie, et tout simplement nous apporter de la joie et de la bonne humeur pour nos hôtes et nous-mêmes. »

Cette diversité n’est pas seulement le reflet d’une passion pour la faune et la flore mais s’inscrit dans une démarche globale de sensibilisation à la biodiversité. La gamme de produits développée par Aurélie est le témoignage tangible de son engagement écologique, soulignant une approche circulaire où rien ne se perd. 

Cosmétiques et savons 

« J’ai développé une gamme de cosmétiques et de savons autour des produits de la ruche et du safran, qui ont de très bonnes vertus pour la peau. Ce qui me permet par ailleurs de “recycler” les fleurs de crocus après avoir émondé le safran. »

C’est suite à une formation spécialisée en 2019 qu’Aurélie Avignon a pu commencer par mettre au point les recettes de quatre savons, un baume et un élixir, en 2022, qui ont été validés par un toxicologue. « Je suis en train de travailler sur d’autres recettes pour étoffer ma gamme de cosmétiques naturels avec deux autres savons et d’autres surprises ! »,poursuit Aurélie.

L’installation de la dynamique jeune femme n’a pas été exempte de défis, notamment la commercialisation du safran. « Je suis satisfaite d’avoir réussi mon installation comme apicultrice et safranière, cette double activité me permet d’avoir un équilibre, car le safran comme je vous le disais est une épice noble qui a un coût, trouver des marchés est parfois compliqué », estime-t-elle. « Elle est aussi peu connue, donc peu utilisée, elle a pourtant beaucoup de bienfaits thérapeutiques : pour la cécité, la mémoire, le stress… elle a le mérite d’être connue et valorisée. » Et d’ajouter : « Le fait de travailler en AOP Mele di Corsica et en agriculture biologique n’est pas toujours facile car c’est un double cahier des charges à respecter, mais c’était une évidence pour moi. »

Concept sur-mesure

L’exploitante a choisi le safran « par rapport à la typographie du terrain que j’avais, des petites planches de jardin et aussi par rapport à mon territoire ; Venacu est réputé pour ces oignons qui sont aussi des bulbes tout comme le crocus à safran », indique-t-elle. « D’autre part, ça me correspond car c’est minutieux, noble et rare. L’apiculture quant à elle, c’est une histoire de famille, mon père a toujours eu des ruches et mon frère est apiculteur également. C’est un métier passionnant, et si fascinant de les voir travailler. » Un métier frappé du sceau de la persévérance et de la passion dans la réalisation de ses objectifs.

A Casa di l’Apa se prépare à franchir un nouveau cap dans le courant de l’année, une étape vers l’autonomie complète et la valorisation directe de ses produits. « En cette année 2024, la miellerie et le laboratoire/boutique vont voir le jour », annonce la maîtresse des lieux. « Enfin la concrétisation d’un long projet, ce qui va me permettre de travailler dans de meilleures conditions, et de pouvoir offrir un meilleur service avec l’ouverture de la boutique pour la vente en directe et pourquoi pas proposer des visites pour les hôtes. »

Espaces Spa et détente

Outre les hébergements insolites et tables d’hôtes, pour compléter l’espace Spa, des massages sont proposés par Julie, une masseuse professionnelle du canton. Dans la liste des projets bourdonne « celui de développer des ateliers détente appelés “l’Apa Zen” et ce, sur des week-ends d’un ou deux jours, au printemps ou/et à l’automne sur des thématiques différentes afin de présenter un concept novateur et sur-mesure ».

Local et fait maison

Aurélie Avignon offre un modèle inspirant pour l’économie rurale et l’agriculture durable. « En ce qui concerne par exemple les cosmétiques », lance-t-elle, j’ai choisi des emballages kraft recyclables et compostables. Les cosmétiques sont fabriqués à la main en petite quantité, ils sont solides et naturels, avec une composition courte et saine. Pour le miel et le safran, j’ai également choisi des contenants en verre recyclable et réutilisables. Les abeilles butinent en zone vierge de tout traitement, et j’ai travaillé mon sol à l’aide de chevaux de trait pour pouvoir y planter ma safranière. »

La cheffe d’entreprise et mère de famille mise également sur le circuit-court. « Les savons sont à disposition dans les salle de bains du domaine et je souhaite développer au maximum la vente directe grâce à l’activité locative. Les restes des repas sont donnés aux animaux, tout est recyclé et nous faisons notre compost. Je fais aussi un petit jardin pour la table d’hôte et je confectionne toutes mes confitures avec les fruits disponibles sur la propriété. Tout est fait local et maison ! »

Bien plus qu’un concept, A Casa di l’Apa est un état d’esprit pour Aurélie qui n’est pas avare de conseils. Selon elle, « pour se lancer dans un tel projet en milieu rural, il faut premièrement être très motivé, avoir de l’audace, analyser et confronter ses objectifs de vie personnels et professionnels, se poser les bonnes questions oui, mais surtout bien se former, et être polyvalent. Car le métier d’agriculteur n’est pas seulement de produire mais aussi de savoir gérer une entreprise, ce qui demande de la maîtrise et de la logistique ».

À l’évidence, ce ne sont pas de telles qualités qui lui manquent. Osons même dire que l’énergique Aurélie en fait son miel. Et trinquons avec elle en levant un verre d’hydromel, cette boisson que l’on disait bénie des Dieux…

CHICHE, UN RÉFÉRENDUM ICI ET MAINTENANT ! 

L’autonomie est une longue marche. Les étapes sont encore longues et semées d’embûches. La population est reléguée au rang de témoin, attentive ou indifférente. Certes, elle sera consultée dans un cadre consultatif en fin de parcours, si tant est que le processus arrive à son terme. Ce serait en toute hypothèse inutile car les dés seraient jetés. Roulant d’un côté ou de l’autre. Ne serait-il pas plus logique que les citoyens donnent leur avis dès à présent? La clarification y gagnerait. La démocratie aussi. 

Par Jean Poletti 

L’autonomie est une longue marche. Les étapes sont encore longues et semées d’embûches. La population est reléguée au rang de témoin, attentive ou indifférente. Certes, elle sera consultée dans un cadre consultatif en fin de parcours, si tant est que le processus arrive à son terme. Ce serait en toute hypothèse inutile car les dés seraient jetés. Roulant d’un côté ou de l’autre. Ne serait-il pas plus logique que les citoyens donnent leur avis dès à présent? La clarification y gagnerait. La démocratie aussi. 

Par Jean Poletti 

Le peuple a toujours raison. L’adage va comme un gant à l’actuel processus. Ici et là, il évoque au gré de discussions informelles son sentiment. Mais en contrepoint de ces propos l’impression d’être relégué au rang de témoin passif prévaut. Les insulaires suivirent avec acuité ou d’un œil distrait les étapes qui aboutirent à l’accord de Beauvau. Inutile d’insister, il ne s’agit que d’un pacte scellé entre la délégation d’édiles et un ministre habillé en « Monsieur Corse ».

Certes, l’avancée est réelle. Bien sûr Gilles Simeoni et Nanette Maupertuis, dont nul n’ignore l’expertise économique et politique, enrichirent le projet de Gérald Darmanin que ce dernier accepta lors de la rencontre pompeusement appelée de la dernière chance. Pour autant, au-delà des applaudissements de la majorité des convives, les réserves de certain ou la constante hostilité du duo Panunzi Mondoloni, chacun sait que le projet part pour un périple incertain risquant à tout le moins passer sous les fourches caudines du Sénat. Sans préjuger du verdict des parlementaires réunis en Congrès à Versailles qui doivent valider le texte à hauteur des trois cinquièmes, ou le reléguer dans le tiroir aux oubliettes. Voilà l’enjeu. Tel est le défi. Il s’apparente à un théâtre

d’ombres que seules peuvent éclairer les diseuses de bonne aventures et ceux qui lisent dans le marc de café. Dans l’intervalle les partisans de la réforme auront à cœur de prendre leurs bâtons de pèlerins pour tenter de lever les hostilités qui se manifestent au palais Bourbon ou celui du Luxembourg. Les pessimistes apparentent cette démarche aux douze travaux d’Hercule. Les lucides affirment que le jeu en vaut la chandelle. Enfin, les optimistes martèlent que la foi peut vaincre les montagnes. Et d’adopter l’adage outre- tombe de Napoléon disant que les seules batailles perdues sont celles qu’on ne livre pas.

Rendre le message audible

Dans cet épilogue incertain se mêlent espoirs et illusions perdues. Cela est d’autant plus pénible que l’avenir d’une île échappe désormais à ses habitants, qui sont sans conteste les premiers concernés. Et cela leur fait une belle jambe d’être appelés à donner leur agrément ou veto en bout de course si d’aventure le cycle institutionnel était accepté. Quelle serait la signification de cet avis venant trop tard? Une inutile cerise sur le gâteau, indigeste dans le cadre d’un dessert suranné. Voilà ce qui est pourtant prévu. Soyons réalistes, demandons l’impossible. Osons afficher que soit inversé

le canevas adopté. Réclamons qu’un référendum soit programmé dans les plus brefs délais. Avant en tout cas que députés et sénateurs soient saisis. Évidemment, les suffrages n’auraient pas force de loi. Mais en cas de d’adhésion majoritaire, il donnerait à n’en point douter plus de force et de vigueur à ceux qui dans la sphère nationaliste, comme chez bon nombre de libéraux, aspirent à une nouvelle donne pour l’île. Qui peut objecter que les élus de la nation ne seraient pas conditionnés par une franche acceptation citoyenne? N’auraient-ils pas scrupule à déjuger, sans autre forme de procès, la volonté d’une communauté avide d’embrasser un autre destin ? Pourraient- ils décemment faire l’impasse, en leur âme et conscience, au désir qu’une région tout à la fois semblable et différente des autres emprunte la voie de l’autonomie? Auraient-ils les coudées franches pour ressasser l’antienne de l’unité étatique ou la dislocation de la République quand un petit peuple sans rompre les amarres souhaite des prérogatives qui se fondent dans l’histoire et l’insularité? A contrario si l’électorat du Cap à Bonifacio, de l’intérieur et du littoral se prononçait sans ambages pour le statu- quo, nos dirigeants ne pourraient

pas l’écarter d’une pichenette. Même investis par la certitude que le concept décentralisateur est le remède idoine, ils devraient convoquer l’adage stipulant que l’on ne rend pas un peuple heureux malgré lui.

Une idée au rebus

Il paraît à maints égards paradoxal que ceux qui ici et sur les bords de la Seine multiplient les déclarations n’aient pas suggérés dans leur dialectique la possibilité de donner la parole aux habitants de nos villes et villages, ici et maintenant. Osons dire toute affaire cessante. Cela serait un révélateur valant finalement tous les argumentaires, laudatifs ou réfractaires, de ceux qui après tout ne sont que les mandataires délégués dans la démocratie, aux antipodes du rien par le peuple. Ne soyons pas manichéens lors d’échanges informels d’aucuns affirment qu’une consultation à priori ne serait pas idée saugrenue. Mais cela est dit mezzo voce,sans atteindre le stade d’une revendication officielle. La théorie avait pourtant été peu ou prou évoquée dans diverses mouvances politiques insulaires voilà plus d’un an. Et même esquissée dans les sphères gouvernementales alors que les négociations étaient figées. Mais ces opportunités demeurèrent lettre morte, sans doute faute de constance et les antagonismes qui faisaient rage alors entre Paris et la Corse. L’eau a coulé sous les ponts. Un consensus a été paraphé. Tels affirment que l’essentiel est préservé. En contrepoint, il en est qui le trouvent fade et un dernier carré forme le front du refus. Qu’importe, à partir d’un tel document, rien ne s’oppose à donner la parole aux citoyens, sans plus tarder ni attendre l’adoubement ou le couperet des parlementaires. Cela s’avère non seulement possible mais tout autant souhaitable.

Des voix étouffées

Nul ne doit en l’occurrence craindre le syndrome Sarkozy. Il prévoyait, on s’en souvient de supprimer les départements en fusionnant les deux conseils généraux au sein d’une collectivité unique. Aussi dans une démarche volontariste avait-il convié la population à s’exprimer. Il fut déjugé par une courte majorité des votants. Pourtant, le bouillonnement continua, aboutissant une décennie plus tard à l’avènement de la loi NotRe, portant nouvelle organisation territoriale. Aujourd’hui, nul besoin d’être grands exégètes pour attester que rares sont ceux qui claironnent que la période d’alors est similaire celle d’aujourd’hui. Une nouvelle avancée ne fait plus figure d’épouvantail. Un terreau est irrigué. Inutile de verser dans les redites pour faire œuvre d’explication. Pour autant et au risque d’insister plus que de raison, osons pourfendre cette étrange propension, diffuse ou affirmée, de ne pas se tourner dès à présent vers l’électorat pour qu’il matérialise son choix, conditionne un avenir collectif. Le député Michel Castellani, pilier du siméonisme, ne  faisait nullement dans l’euphémisme l’année écoulée. Avec un franc-parler et une lucidité qui le caractérisent, il martelait notamment «Un référendum a l’intérêt de permettre la neutralisation du congrès dont le vote à la majorité des trois cinquièmes est nécessaire pour modifier la Constitution.» Et d’ajouter pragmatique « Encore faut-il que nous trouvions en amont un accord politique sur le fond.» Le scénario n’était pas pour déplaire au président du Conseil exécutif qui martèle que nul ne doit craindre la démocratie. Pour autant, et en toute logique lui aussi réitère que «proposer au peuple de valider la solution politique qui devrait ressortir de ce processus fait sens. À condition toutefois que la question se situe à la hauteur d’une réponse qui se veut historique.» Et comme en écho, Jean-Baptiste Arena, siégeant dans l’hémicycle sur les bancs de Core in Fronte, de marteler alors «Le parlement ne pourra pas aller contre l’avis du peuple s’il se prononce en faveur de l’autonomie. La précédente majorité progressiste de gauche y était elle-même favorable.»

Tutti inseme

Pour des raisons diamétralement opposées, le leader insulaire du Parti communiste à l’image de ses camarades est partisan d’une concertation citoyenne immédiate. Michel Stéfani refuse cette autonomie libérale, où une minorité capte l’essentiel des dispositifs fiscaux de la solidarité nationale au préjudice de l’amélioration du pouvoir d’achat. Voulant croire au bon sens populaire qui ferait barrage au projet, il milite pour la consultation des Corses tant l’évolution est importante. Ils doivent impérativement l’être « À la fois sur la révision constitutionnelle mais également sur la loi organique ce qui actuellement n’est pas prévu.» Et d’asséner en péroraison que «le seul vote de l’Assemblée de Corse ne peut suffire à valider cette inscription». Tous ces souhaits pressants pour l’heure disparates, pourront-ils se fédérer et parler à l’unisson? Voilà qui pourrait en saine logique réactiver l’idée un temps caressée dans les allées du pouvoir. 

La suite de cet article est à retrouver dans Paroles de Corse #130, avril 2024 en vente ici

Le risque d’aller droit dans le mur

Publi rédactionnel 

Jean-François Luciani ne verse pas dans un pessimisme de circonstance. Le président du BTP de Corse-du-Sud est réaliste et lucide en évoquant le profond malaise d’une corporation. Se voulant aussi force de proposition, il réitère la mise en œuvre de solutions susceptibles de juguler une catastrophe. 

Le constat est implacable, il est officialisé par la hausse des dépôts de bilans enregistrés par le tribunal de commerce. Est-ce irréversible ?

Malheureusement, ça l’est pour les entreprises concernées. En 2023, 93 entreprises en difficulté sont enregistrées dans le secteur, soit près du double de l’année précédente. Pour le secteur dans sa globalité, dans un contexte où la croissance économique est pénalisée par la chute de l’investissement global, les Fédérations du BTP ont fait des propositions de longue date afin de pouvoir éviter une catastrophe, notamment :

Quelles sont les causes majeures de ce marasme ?

Nos entreprises sont confrontées, depuis des mois, à une aggravation sans précédent de la crise du logement. Partout, les difficultés d’accès au logement se font de plus en plus vives. Dans le parc privé comme dans le parc social, à l’accession comme à la location, la tension est à son maximum. Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre estime que « la bombe sociale du logement a explosé ». Les causes sont multiples :

Le logement est une préoccupation pour les Corses, c’est un enjeu pour l’économie et donc pour l’emploi.

Où en est la commande publique ?

Comme la commande privée, la commande publique est en berne dans notre région. Après avoir traversé la crise sanitaire et des effets de la guerre en Ukraine, les problèmes d’approvisionnement et les fortes hausses de coûts qui les ont fragilisées, les entreprises du secteur n’ont désormais plus de carnets de commande pour les mois à venir. Dans ce contexte compliqué, il est primordial pour les entreprises du secteur d’avoir une visibilité sur la commande publique à venir afin de permettre aux entreprises locales d’anticiper et d’être en capacité de répondre. Pour cela, les Fédérations du BTP de Corse souhaitent la mise en place d’outils d’informations permettant l’accès à la programmation et au suivi des opérations pour les années à venir et notamment la réactivation de l’Observatoire de la Commande Publique. Le préfet, Amaury de Saint-Quentin et le président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni , que nous avons rencontrés nous ont dit être favorables à cette demande.

Que pensez-vous de la solution consistant à surélever les immeubles existants ? 

Cela fait partie des solutions à envisager. En effet, cela peut permettre d’obtenir de l’espace supplémentaire dans des zones immobilières en situation de rareté, du fait de l’urbanisation et de prix élevés. Par ailleurs, la nécessité de refaire la toiture de l’immeuble peut conduire à réaliser de bien meilleures performances énergétiques. Cependant, il faut veiller à conserver l’harmonie visuelle des bâtis. Il faut que cela puisse s’intégrer en toute discrétion dans l’urbanisme local. Cela n’est donc pas possible partout.

La demande en logement social est extrêmement forte, et l’offre ténue. Peut-on inverser cette spirale ?

Nous ne comprenons pas les choix budgétaires nationaux successifs qui conduisent à réduire la capacité d’investissement des organismes de logements sociaux alors que le nombre de demandeurs de logement social ne cesse d’augmenter. Les conséquences économiques et sociales sont délétères sur notre territoire : mal-logement, allongement des trajets domicile-travail, entreprises qui peinent à recruter. Notre Région a besoin de développement économique, elle a besoin d’emplois, elle a besoin de cohésion, elle a donc besoin de logements. 

À cet égard, le plan prévoyant la rénovation de quelque sept mille cinq cents logements commence-t-il à produire ses effets ?

Cela est encore à l’état de projet. Nous n’avons pour l’instant connaissance que du volume global d’investissement à venir.

Votre filière représente plus de douze mille emplois, en regard de la situation des licenciements sont-ils inéluctables ? 

Aujourd’hui, ce sont de nombreux emplois directs qui sont menacés dans le BTP à l’échelle de notre région. Depuis le dernier trimestre 2022, l’effectif salarié du secteur de la construction a déjà commencé à diminuer. En 2023, sur un an, il accuse une baisse de 0,8 %. L’emploi fléchit donc et cela devrait se poursuivre en 2024. Au-delà de la problématique sociale dans nos entreprises, j’insiste sur le fait que se pose celle de l’accès de nos concitoyens au logement, particulièrement des plus modestes, qui est un enjeu majeur pour notre société. Par ailleurs, cette crise affectera bien entendu la croissance…

Certains reprochent à votre profession de bâtir des résidences secondaires. N’est-ce pas là un procès d’intention ?

Les entreprises du BTP ne font que réaliser les travaux qui leur sont confiés par la maîtrise d’ouvrage. La politique d’aménagement du territoire ne nous appartient pas.

Bâtir autrement, se régénérer, s’adapter, impliquent une collaboration avec d’autres corps de métiers. Dans ce cadre, les architectes peuvent-ils être de précieux compagnons de route ?

En effet, conception et réalisation doivent obligatoirement s’articuler afin de progresser et faire naître des projets de qualité. Les architectes et les entrepreneurs se doivent de faciliter et de rationaliser leurs exercices professionnels et d’améliorer leur collaboration au profit de la qualité de leurs réalisations. Nous devons apprendre des uns et des autres, nous enrichir à l’écoute de nos deux métiers, trouver ensemble de nouvelles pistes de réflexion.

Est-ce la fin des sapeurs-pompiers volontaires ? Un rapport de l’Inspection générale de l’administration en formule l’éventualité.
Dans l’île une telle décision sonnerait le glas de nombreuses casernes du rural qui ne pourraient plus compter sur un grand nombre desdeux mille deux cents combattants du feu qui opèrent sous statut de volontariat.

Par Jean Poletti

Un document de quelque soixante pages remises discrètement à Darmanin stipule que les pompiers volontaires doivent rejoindre le giron des salariés de plein droit. Une éventualité qui s’inscrit dans le sillage d’une directive européenne sur le temps de travail. Sans entrer dans le détail technique disons pour fixer les esprits qu’actuellement l’essentiel des gardes est réalisé par le volontariat. En cas de réforme, elles ne pourraient pas excéder six cents heures annuellement. Voilà qui aboutirait juridiquement à assimiler les volontaires à des travailleurs. Une mutation qui changerait radicalement la fonction et l’organisation de cette corporation, contraignant bon nombre à se détourner de leurs missions qu’ils assimilaient à maints égards à du bénévolat. En effet, et la précision est d’envergure, jusqu’à présent ce sont des citoyens qui s’engagent dans ces missions de sauvegarde qui rejoignent les rivages de la solidarité. Incendies, aides aux blessés, transport de patients et nombre d’autres interventions sont quotidiennement à mettre à leur actif. Ils accomplissent ces insignes tâches en corolaire de leurs activités professionnelles avec l’accord des employeurs concernés. D’où et cela est essentiel dans ce dossier ils perçoivent des indemnités et non une rémunération. En l’occurrence, ces volontaires bénéficient d’un défraiement de huit euros de l’heure quand ils sont mobilisés sur le terrain. Et six euros en garde postée. Les transformer en salariés serait sacrifier le noble concept de l’altruisme sur l’autel d’un légalisme destructeur. Concrètement les Services Incendies Secours devraient signer avec les postulants des contrats à durée déterminée, alors que jusqu’à présent suffisent des contrats d’engagement quinquennaux ou plus fréquemment saisonniers. D’où une explosion des coûts à maints égards insupportables. Et en incidence le retrait pur et simple de nombreux volontaires qui refuseraient sans ambages de revêtir l’uniforme des pompiers professionnels en lieu et place de la profession qu’ils exerçaient.

Harmonie brisée

Une brève analyse suffit à affirmer que ce pavé dans la mare jeté par l’Inspection générale de l’administration relève de l’attitude des ronds de cuir tant décriés par Courteline. En disant normaliser et harmoniser elle brise un édifice qui fonctionnait pour une chimère, en tant que telle inapplicable, qui sape financièrement les structures et annihile l’esprit citoyen. Et sans jouer les Cassandre, il n’est pas usurpé de souligner que maintes casernes de l’intérieur où le volontariat est omniprésent seront contraintes de fermer leurs portes. Elles ne pourront pas faire autrement en cas d’instauration de la nouvelle règle stipulant un repos quotidien de onze heures consécutives et l’interdiction d’excéder quarante-huit heures de travail hebdomadaire. Mais dans chaque décision ou hypothèse, Bruxelles n’est jamais loin. Souvent sa main se devine et guide subrepticement celles des l’Hexagone. En l’occurrence, elle a clairement tenu celle des décideurs qui affirment sans ambages de «saisir les SIS les plus vulnérables à une application de la directive européenne sur le temps de travail, afin qu’ils établissent un plan de réduction de cette vulnérabilité». Langage abscond dont sont friands les hauts fonctionnaires, qui en langage courant dit haro sur les volontaires, bienvenue en lieu et place aux professionnels. Pas de place pour une cohabitation entre ces deux fonctions, apanage efficient d’aide aux personnes et de protection des biens. Voilà le nœud gordien que l’instance supranationale veut trancher avec la complicité d’une institution hexagonale.

Promesses oubliées

Cela est d’autant plus étonnant que peu avant d’être destinataire du mémoire couperet le ministre de l’Intérieur avait fait l’éloge lors du congrès national des sapeurs-pompiers. Et promis d’accroître et de renforcer le volontariat. Dans ce droit fil, il annonçait un plan national d’action de quatre années pour concrétiser cette annonce officielle. Le pensionnaire de la Place Beauvau a-t-il balayé d’un revers de manche les recommandations dont il fut destinataire? L’expectative est de mise tant on voit mal cet organisme élaborer
des conclusions que rejetait par anticipation l’autorité de tutelle. Double langage
ministériel? Volonté de forcer la main de celui qui est en charge de la sécurité civile avec
l’ombre portée des directives aux accents de sanctions, née dans les bureaux lambrissés
bruxellois ? Et voilà que ressort opportunément, des cartons un arrêt rendu voilà cinq ans par
la Cour de justice européenne stipulant qu’un pompier volontaire belge était un travailleur.
Conséquences? Même les gardes à domicile devaient être payées au titre des heures de travail. L’application de cette décision qui peut faire jurisprudence, corroborée par les pressantes recommandations de l’inspection générale, serait fatale au fonctionnement actuel. Au-delà de toute considération relative au lien sociétal qui se déliterait les deux SIS de Corse ne pourraient pas supporter le surcoût financier évalué à quelque vingt-cinq millions d’euros par département. Et voilà comment un juridisme exacerbé qui veut s’auréoler de bons sentiments risque de mettre en jachère un fonctionnement qui satisfaisait l’ensemble des parties concernées.

Élus sur les braises

Une remarque que fait sienne Hyacinthe Vanni, président du Service incendie et secours de Haute-Corse. « Ce rapport détaillé et exhaustif sur les constats se gâche au moment d’apporter des solutions. Elles pourraient apparaître légalistes et faciles au premier abord mais seraient assurément mortifères à moyen terme. » Et de souffler sur les braises « Utiliser l’artifice du droit du travail pour protéger des citoyens volontaires et altruistes, c’est au contraire les condamner.» Réaction sinon identique à tout le moins similaire pour la présidente de Haute-Corse. Véronique Arrighi explique que « Mettre en difficulté le volontariat, qui mêle activité professionnelle et engagement citoyen, aurait des conséquences terribles dans nos territoires, notamment en zone rurale.» «Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée», selon Descartes, paraît cependant étranger dans certains esprits adeptes de pensum qui bannissent l’élémentaire réalité. Ils sont dans le cas présent hermétiques aux évidences comme seuls savent l’être certains technocrates. Le problème transcende désormais le strict cadre corporatiste pour devenir politique. Ainsi U partitu di a Nazione fustige cette plausible restructuration. Il martèle que les «instructions de l’IGA conduisent mécaniquement à un tarissement des effectifs volontaires». Et d’ajouter qu’au niveau des effets pervers se profilent de nombreuses incidences directes dont une explosion des coûts de fonctionnement des SIS et portant un impact financier qui sera loin d’être neutre. Une telle directive contraindrait au bas mot de professionnaliser plusieurs centaines de sapeurs-pompiers.

Contre-feux

Les responsables insulaires sont bien décidés à allumer des contre- feux. Ils mettront tout en œuvre pour pérenniser un dispositif que les élus ont choisi pour leur territoire. Vœu pieu? Nullement. Des initiatives seront prises afin de réunir l’ensemble des acteurs politiques locaux. Et dans le même temps, un pont sera jeté avec des départements de Sud Méditerranée sur lesquels plane également cette épée de Damoclès. Les préfets seront également sollicités afin d’exposer la problématique sous tous ces aspects, afin qu’ils fassent remonter griefs et inquiétudes. L’enjeu est simple. Briser dans l’œuf une idée aux atours de lubie. À l’heure où le gouvernement répète à l’envi des termes de transparence, dialogue, concertation, une entité dans une démarche proche du secret rédige un rapport et le transmet au plus haut niveau de sa hiérarchie. En terme de démocratie participative, il est malaisé de trouver pire exemple! Gérald Darmanin serait bien avisé d’écouter ces doléances qui ne sont pas un feu de paille, mais risquent de se propager sur le terreau d’une injustice tant elle rejoint ici un enjeu sociétal. Il pourrait tout autant demander à l’inspection générale de réfléchir sur les vrais enjeux organisationnels de la logistique en regard du réchauffement climatique et l’un de ses corollaires qui est la multiplication des foyers. Ou bien répondre par exemple aux demandes répétées du député Michel Castellani qui réclame le positionnement d’un Canadair à Poretta.

 » Considérer les sapeurs-pompiers volontaires comme des travailleurs relève du concept technocratique hors sol et complètement déconnecté des réalités.  » 

Hyacinthe Vanni

HYACINTHE VANNI, PRÉSIDENT SIS DE CORSE-DU-SUD

Risque d’embrasement

Mais étrangement sur ces sujets structurels ou factuels, cette institution est d’un silence assourdissant. Certes les hauts fonctionnaires qui la dirigent doivent prouver leur utilité pour ne pas être marginalisés. Mais cela ne doit pas trouver pire exemple! Gérald Darmanin serait bien avisé d’écouter ces doléances qui ne sont pas un feu de paille, mais risquent de se propager sur le terreau d’une injustice tant elle rejoint ici un enjeu s’effectuer au détriment de communautés qui tentent de répondre au mieux et dans leurs contraintes budgétaires à des actions diverses et variées qui se fondent dans le noble creuset du secours. À trop confondre essentiel et accessoire, il est des têtes, que l’on dit pensantes, qui se fourvoient sans imaginer qu’un incendie social peut rapidement devenir incontrôlable.

La vente d’un fleuron hôtelier, le Sofitel de Porticcio, alimente les conversations depuis quelques semaines. Un consortium d’entrepreneurs corses essayant de conclure la transaction à un prix estimé autour de 30 millions d’euros. Si cela a pu interpeller le commun des mortels, à vrai dire ce phénomène est connu des professionnels du tourisme depuis quelques années. Les transactions se multiplient. Elles se pratiquent discrètement dans un cercle restreint d’investisseurs, qu’ils soient corses ou venant de l’extérieur, que ce soit pour reprendre l’activité ou la transformer en promotion immobilière. Alors quelles en sont les causes?
Par Jean-André Miniconi

Tout d’abord, le secteur hôtelier fait face à une concurrence extrêmement vivace des plateformes des meublés de tourisme qui au fil des années a progressée jusqu’à représenter une capacité d’hébergement trois fois supérieure dans certaines villes. Ainsi à Ajaccio, en 2023, on dénombrait 4230 lits issus de la filière traditionnelle contre 12056 pour les meublés (+29% par rapport à 2019). Cette concurrence est bien organisée, s’adapte parfaitement à la demande avec une large gamme répartie sur tout le territoire. Les investisseurs sont nombreux et bénéficient d’un régime fiscal dérogatoire leur permettant d’afficher des rentabilités élevées. Elle a su profiter du développement du transport aérien low-cost qui a fait venir des nouveaux clients avec de nouvelles habitudes de consommation. À l’opposé, les hôteliers ont dû faire à une hausse quasi- généralisée de leurs charges: mise aux normes des chambres pour les personnes à mobilité réduite, augmentations des salaires, progression des commissions versées aux intermédiaires. À cela s’ajoutent des difficultés récurrentes et grandissantes pour trouver du personnel qui parfois empêchent les professionnels d’exploiter pleinement leur outil de travail tout au long de la saison. Ainsi, les hôteliers sont à la fois confrontés non seulement à une baisse des réservations dues à la concurrence des meublés mais également à l’effritement de leurs marges. La rentabilité n’étant plus au rendez-vous, les perspectives plutôt incertaines, il n’est pas étonnant que certains chefs d’entreprise décident de vendre leur outil de travail.EFFETS PERVERS

Quels sont les risques à laisser prospérer ce phénomène ? Il y en a deux essentiellement. Le premier est de voir diminuer la capacité hôtelière traditionnelle en laissant les investisseurs changer la destination de l’établissement acheté. Cela peut être une

transformation en résidence hôtelière ou même une promotion immobilière comme cela s’est fait dans un établissement ajaccien. Évidemment, cela ne fera qu’accentuer le déséquilibre entre l’offre des meublés de tourisme et celle de l’hôtellerie. Le deuxième est l’afflux de fonds d’investissements étrangers capable de réaliser d’importantes opérations qui échapperaient aux locaux. Inutile de dire que les bénéfices que tireraient ces investisseurs ne resteraient pas en Corse. On se retrouverait un peu dans la même situation que les achats de meublés de tourisme par des personnes ne résidant pas en Corse. Les Corses subiraient en même temps une dépossession immobilière et de leur outil de travail, sans compter la fuite 

des dividendes hors de de l’île. Il sera difficile alors de bâtir une politique touristique efficace sans maîtrise du foncier. Que faire pour maîtriser le parc hôtelier et faire en sorte que les profits restent en Corse? La première chose à faire est bien entendu la régulation des meublés de tourisme, Cela se fait de partout dans le monde et il est inquiétant que nos politiques n’en aient pas perçu l’urgence. Les recettes générées par les meublés aux bénéfices des collectivités ne sont plus un argument entendable au regard des dégâts causés tant sur le plan sociologique, que sur le plan économique. Comment les collectivités peuvent-elles prétendre être au service de leurs concitoyens en laissant faire des choses pareilles?LE SOLEIL NE SUFFIT PAS

Il faut également, bâtir enfin, une politique touristique respectueuse de l’environnement avec une valeur ajoutée basée sur nos points forts: notre culture, notre terroir, notre histoire, notre nature. Nous n’avons aucune chance de progresser si l’on continue à ne vendre que la destination soleil, d’autres pays vendent la même chose en moins cher avec de meilleures prestations. Il faudra donc définir la cible de clientèle recherchée, plutôt CSP+, et aller la chercher. Pour ce faire l’offre aérienne est essentielle. Nous sommes en retard sur les investissements aéroportuaires et il faut avouer que la pérennisation des relations avec les compagnies low-costs n’est pas notre fort. EasyJet est en train de baisser son offre pour desservir notre île, et Volotea a demandé plusieurs fois, en vain, la création d’une base qui aurait permis de développer plus rapidement des lignes. Pour finir, il faut autant que faire se peut stabiliser le parc hôtelier et le faire monter en gamme. La création d’un fonds d’investissement corse pour aider les chefs d’entreprises à mettre leurs établissements au standard et promouvoir une offre attractive est un point essentiel. Ce fonds pourra aussi permettre à des investisseurs locaux de se positionner sur des ventes à venir et garder ainsi la maîtrise du foncier.POINT DE BASCULE

Comment on a pu en arriver là? À l’aune d’une saison qui ne s’annonce pas très bonne, c’est la question que je me pose régulièrement en écrivant sur le sujet. J’espère seulement que toutes les parties prenantes comprennent que nous sommes arrivés à un point de bascule. J’espère aussi que je n’aurai pas dans les années à venir à me poser une autre question. Mais pourquoi n’a-t-on rien fait?

Humeur

Par Nathalie Coulon

Il y a quelques jours déjà en vue de la deadline de ma chronique, j’avais balancé à la rédac, à la boss même de la rédac, une petite note:

«Ce mois-ci, ce sera: le printemps, ses petites fleurs, Poutine, suivi de quelques points de suspension…»
Depuis, le printemps est là, on dirait qu’une petite tempête fraîche se profile à l’horizon avec un libecciu à 80 voir 90 km/h quelques jours d’affilée. Dommage, toujours dommage, les arbres déjà en fleur donnaient une petite note bien bucolique à cet hiver qui se prolongeait sans neige avec ses températures hors-saison.

Mars, ses giboulées.

En Corse, la légende des «I prestaticci:
– Marzu, catarzu, figliolu di manghjonu.
Ti ni sè andatu senza lacà mi un agnonu.
– Aprili, lu mè frateddu, presta mi lu prima è lu dui.
– Lu prima u tengu da mè. Ti pristaraghju u dui è u trè.»
Les jours prêtés : le mois de mars demande au mois d’avril de lui prêter deux jours pour se venger d’un berger irrespectueux et ainsi lancer une tempête contre lui pour décimer son troupeau.
Vrai ou faux, dans l’oreillette on veut bien me souffler que dans le fabuleux, la réalité dépasse bien souvent la fiction.
Après toutes ces considérations traditionnelles, météorologiques et climatosceptiques, je voulais, comme cité ci- dessus à la rédac, parler de Poutine.

Les deux jours passés entre la petite note envoyée et le reste de la folie du monde: Moscou est à feu et à sang, la centaine de morts dans l’attaque de la salle de concert m’effraie et me renvoie à l’ignominie du Bataclan. Tout tremble, tout explose, tout se pulvérise et rien ne bouge dans ce monde cruel. Le flot et le flou des informations qui circulent à la télé et sur les réseaux sociaux sont à décortiquer avec prudence à moins de n’être un politologue avisé et intègre.

Pour le reste du vulgum pecus on se débrouillera entre incertitudes, effroi, sidération et complotisme. On versera sa larmichette devant une Kate malade et affaiblie par un cancer, croyez bien moi aussi je la plains comme toutes les autres femmes atteintes par la maladie et si cette surmédiatisation pouvait influencer les campagnes de dépistage, ce serait là le plus beau du positif du rôle des médias.

Quant au reste, du reste, il y a sur cette planète des coins de terre où personne ne sera jamais en paix, ni les femmes afghanes et leur soif de liberté, ni les enfants sous les bombes à Gaza, ni les Ukrainiens sous les décombres, ni, ni, encore et malheureusement encore. Disgrazia !

Rallumez les étoiles, pas votre poste de télévision. Qu’est-ce qui nous sauvera des conflits d’intérêt, des égos des plus puissants, de la testostérone des hommes au combat. Je ne sais pas: le gazouillis des oiseaux, un feu de joie, des chants venus des chœurs des hommes et des femmes de cette terre en sursis, du cœur, du cœur et encore du cœur.

Bon printemps à tous et cœur avec les mains, hein!

En 1959 à Strasbourg, le général de Gaulle prononce la formule restée célèbre : « L’Europe de l’Atlantique à l’Oural ». Cette expression n’est en fait que la reprise de la définition géographique classique du continent européen : ce sont les montagnes de la chaîne de l’Oural qui séparent l’Europe de l’Asie. 

Par Michel Barat, ancien recteur de lAcadémie de Corse 

En faisant référence à la géographie, le premier président de la Cinquième République veut montrer que l’Europe est plus que l’Europe économique mais peu politique inaugurée par les traités de Rome du 25 mars 1957 : le premier donne naissance à la Communauté économique européenne (CEE), celle des six, l’Allemagne, l’Italie et les trois pays du Benelux, le second, qu’on oublie trop souvent, à la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom). Le concept géographique de l’Europe et son idée culturelle sont donc bien plus vastes que les premiers balbutiements politico-économiques. 

De Gaulle, homme de la grandeur, rappelait ainsi que l’Europe est plus grande que des accords améliorés de libre-échange entre six de ses pays et que la construction scientifique d’avenir du nucléaire civil. Mais il voulait dire bien plus encore : l’Europe n’est pas que l’Europe occidentale séparée de l’Europe orientale par le rideau de fer, conséquence des accords de Yalta signés entre le président américain Roosevelt, le Premier ministre britannique, Churchill d’un côté et le russe Staline, de l’autre. Si l’Europe était demeurée ainsi séparée par le rideau de fer, elle aurait eu beaucoup de mal à être le vecteur de paix qu’on attendait d’elle, jusqu’à l’effondrement du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. 

Depuis, les Européens ont commencé à vivre dans la conviction d’une paix durable voire éternelle dans leur aire géographique. La guerre d’Ukraine est venue pour leur rappeler que ce n’était malheureusement qu’une illusion.

Entité politique 

Si donc, contrairement au souhait de paix perpétuelle, la guerre est aujourd’hui sur le sol européen, l’Europe est encore plus pour ces pays qui connaissent ou craignent les horreurs guerrières l’espoir de l’ultime protection : l’Ukraine est convaincue que l’Europe c’est la paix. Avec toutes ses faiblesses, l’Union européenne, maintenant à vingt-sept, n’est plus simplement une alliance économique, elle devient une entité politique. Une fois de plus le général de Gaulle s’est montré visionnaire : l’élargissement aux pays de l’Europe centrale et orientale, non seulement malgré mais à cause des difficultés qu’il a créées, a poussé l’Europe à devenir de plus en plus une entité politique. L’impérialisme russe, celui du président Poutine, l’a très vite compris en s’opposant même militairement à ce que d’anciennes républiques de l’Union soviétique ou satellites y sollicitent leur intégration.

« L’Union européenne, maintenant à vingt-sept, n’est plus simplement une alliance économique elle devient une entité politique. »

Myopie intellectuelle 

Mais que signifie ce changement d’échelle tout aussi géographique que culturel ? Nombreux de ceux qui s’y intéressent et en suivent l’actualité ne gardent en mémoire que les longues discussions à Bruxelles qui finissent généralement tard à des compromis, d’autres encore y voient des directives alourdissant plus l’administration française. 

Pire au nom d’une souveraineté repliée sur elle-même, d’autres vont jusqu’à penser que l’Europe nuirait à l’indépendance de notre pays. Tout cela est une conséquence d’une myopie intellectuelle. Dans la collision, mais aussi parfois la collusion des grandes puissances comme les États-Unis, la Chine, la Russie nos pays seraient broyés. Pour reprendre un vocabulaire gaullien, il s’agit d’avoir une certaine idée de l’Europe. Quelle que soit son efficacité, ce n’est pas le marché européen, c’est l’idée d’Europe qui est le rempart des démocraties libérales, dit-on, comme si une démocratie « illibérale », toujours comme on dit, n’était pas une contradiction dans les termes. C’est cette idée aussi qui est vecteur de paix à condition de se donner la volonté et les moyens de la défendre. Se vouloir européen c’est penser que l’Europe est plus que sa réalité économique et géographique. 

Affirmer luniversalité

Adhérer à l’humanisme, création européenne, c’est affirmer que quelles que soient les particularités ethniques, religieuses ou politiques, les hommes et les femmes sont plus que leur nationalité, leur métier, leur genre même…

L’idée d’Europe est une nécessité si on veut continuer à affirmer l’universalité, c’est-à-dire, ce qui est toujours plus que l’Europe.