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Michel Barat, François Casasoprana et Laurent Dominati se retrouvent au micro de Corsica Radio pour un nouveau tour d’actualité.

La simple éventualité de la venue du pape a suscité l’effervescence. Sans doute est-ce similaire partout où doit se rendre le souverain pontife. En prévoyant ce déplacement, il suscita l’étonnement au sein de la curie romaine et quelque désarroi élyséen qui aurait préféré qu’il vint inaugurer la cathédrale Notre-Dame de Paris. Voilà qui rouvre le grand livre des rapports scellés dans l’ancienneté entre l’île et le Saint-Siège.

Par Jean Poletti

« La Corse terre vaticane » l’excellente thèse de doctorat en droit canon de l’abbé Michel Orsini revient sous les feux de l’actualité. Il explique dans cette publication exhaustive et sériée, les dates et faits qui nouent naguère et présent par un lien souvent étroit, parfois distendu. Mais toujours prégnant alternant politique et religiosité. Une ancienneté qui confère à l’île une relation toute particulière et pour tout dire exclusive avec la cité papale. Si l’histoire est la science du passé, nul doute qu’elle éclaire avec acuité une telle évidence qui résista à la longue épreuve du temps. Et persiste dans la mémoire collective à ancrer cette idée de proximité certes aux atours de dévotion, sans toutefois exclure l’aspect laïc. Au-delà d’une vision purement théologique palpite en effet chez nous une dimension presque sociétale qui se retrouve fréquemment de manière consciente ou instinctive dans le vécu d’une communauté. En cela, cette arche, invisible mais solide, jetée par-dessus la mer s’apparente à une union que nulle fluctuation, au gré des époques, put éventuellement fragiliser sans jamais la détruire. Notre propos n’est pas de verser dans l’énumération exhaustive en nous substituant en spécialiste de circonstance. Mais laisser ce domaine à maints égards dévolu aux spécialistes de la question n’interdit nullement de rappeler les grandes dates et évènements notables qui contribuèrent à cette permanence d’un mariage de cœur ou de raison. Désormais le reflet d’une habitude ayant force de loi non écrite.

Grégoire l’évangéliste

Depuis l’annonce de l’auguste venue en terre ajaccienne, il ne se passa pas un jour sans que le champ médiatique ne s’en fasse l’écho. Une abondance d’explications de commentaires et autres interventions qui dénotent si besoin était qu’un tel déplacement revêt une dimension extraordinaire au sens littéral du terme. Presque surréaliste pour certains. Insolite pour d’autres. Mais rares sont ces exégètes à s’appesantir véritablement sur la motivation profonde, individuelle, presque secrète du pape François. On évoqua à l’envi son désir de participer à un colloque dédié à la religiosité populaire en Méditerranée. Voilà qui relève d’un souhait pertinent. Mais en bannissant toute idée de contredire la sémantique diplomatique de la curie, nul doute que d’autres motivations peuvent affleurer l’esprit citoyen. Une sollicitation pressante, pour ne pas dire amicale du cardinal Bustillo ? Ce dernier se mua-t-il en l’occurrence en une sorte d’apôtre de la réminiscence en soulignant les attaches mutuelles et prégnantes entre le plus petit état du monde et notre île ?

Balayons ces hypothèses à l’évidence recevables pour évoquer à grands traits cette communion géographique, religieuse et en incidence culturelle.

Les Vandales s’éclipsèrent vers l’an 500. Ils laissèrent progressivement éclore une évangélisation sous la houlette d’évêques essentiellement venus d’Afrique du Nord. Une telle mission fut encouragée et surtout théorisée par le pape Grégoire le grand et ses institutions monastiques. Dans le même élan, il s’efforça de réduire drastiquement toute pratique païenne, détruisant les sanctuaires et édifiant des chapelles.

L’île enjeu d’alliances

L’eau coula sous les ponts charriant son lot de guerres modulant la carte et les pouvoirs. Ainsi, par exemple aux lisières du septième siècle la Corse passa à son corps défendant et par le jeu des conquêtes sous le giron des Lombards, après que ceux-ci eurent ravis l’Italie aux Byzantins. Inquiète pour sa perte d’indépendance la papauté trouva dans le roi de France un allié providentiel. Pépin le Bref s’engagea à guerroyer contre l’envahisseur puis rétrocéder des terres occupées à l’autorité papale.

D’une époque à l’autre, le contrat fut révoqué quatre cents ans plus tard par le pape Urbain II, qui sans doute plus affairiste que pieu, céda contre espèces sonnantes et trébuchantes annuelles l’île aux Pisans. Faire et défaire ne semblant pas être une pratique exclusivement profane. Innocent II octroya plusieurs évêchés insulaires à la République de Gênes. Il n’empêche contre vents et marées, accords passés et rompus, tels soutiennent qu’aujourd’hui ces péripéties ne rendent nullement caduques l’enracinement à nul autre pareil entre une petite région et le Vatican. Il fut d’ailleurs suivi dans ce sillage par de multiples échanges commerciaux et l’implantation de nombreux insulaires dans la cité romaine. Ainsi, convient-il de noter en anecdote édifiante que lors de la possible mainmise de la perfide Albion sur la Corse, profitant du crépuscule de l’ère napoléonienne, nombreux ici en appelèrent au Vatican. Il serait loisible d’épiloguer sur ces chapitres divers et variés, aux rebondissements dignes d’une saga. Mais une telle déclinaison qui prend parfois dans sa complexité l’apparence d’un nœud gordien ne fut jamais tranché. L’attrait mutuel perdure. Sans que nulle autorité temporelle n’esquisse l’idée d’une remise en cause de ce qui est devenu par la force de la durée un fait probant.

Le Roi Soleil éclipse a guardia corsa

La vérité commande à dire que ce panel relationnel ne fut pas toujours une entente cordiale. À cet égard figure en bonne place le scénario écrit en lettres de sang par la Garde papale corse. Composée de quelque six cents hommes, répartis en trois compagnies. Elle était intégrée à l’armée pontificale, avec pour mission de protéger le pape, tout en effectuant des tâches de police urbaine. Ces soldats avaient une sorte d’auréole de bravoure et de fidélité. Leur mission prit brutalement fin lors d’un fait divers peu commun survenu le vingt août mille six cent soixante-deux.

Ce jour-là, en plein centre de Rome, des militaires insulaires en vinrent aux mains avec des fantassins français en faction devant l’ambassade de France, palais Farnèse. L’échauffourée devint drame lorsque des coups de mousquets furent tirés sur le carrosse de l’ambassadeur, le duc Charles de Créquy, cousin du Roi, faisant plusieurs morts et blessés. L’affaire fit grand bruit et provoqua un incident diplomatique. Louis XIV aussitôt informé adressa un message courroucé, lourd de menaces, au pape. Ce dernier craignant des représailles signa le traité de Pise, accepta l’annexion par la France d’Avignon alors sous son autorité. Et bien évidemment se sépara du contingent corse.

Légitime réhabilitation

Nul ne sait vraiment pour quelle raison cet affrontement eut lieu. Tout laisse à penser qu’il s’inscrit en toile de fond dans l’hostilité entre les prérogatives d’extraterritorialité réciproques pour le contrôle de la ville. Les frictions se multiplièrent. Mais il n’est pas utopique de penser que l’enjeu était aussi éminemment politique. La France voulant faire échouer la plausible alliance dite anti-Ottomans. Quoi qu’il en soit, la tension était palpable, fut émaillée d’altercations, d’invectives et d’empoignades entre les soldats des deux camps. Ainsi, deux jours avant la funeste fusillade, une bagarre éclata sur le pont Sisto pour son contrôle. Les Corses décidèrent que ce qu’ils considéraient comme un affront ne devait pas rester impuni. Tout l’effectif se mobilisa et en représailles décida d’assiéger l’ambassade. La suite est connue et s’acheva tragiquement.

Le doute semble toutefois ténu qu’un tel épilogue n’ait pas été savamment exploité par celui que l’on nommait le Roi Soleil pour accentuer sa stratégie d’affaiblissement du Saint-Siège. Et ainsi amplifier celle qu’avait initié à bas bruit le cardinal Mazarin. À la lueur de ces éléments d’explication chacun pourra dire en son âme et conscience que les voies du Seigneur ne sont pas les seules à être impénétrables. Et l’on discerne aisément qu’il est des situations ou l’aspect religieux le dispute aux considérations purement prosaïques pour ne pas dire de volonté temporelle de puissance.

A Guardia sacrifiée sur l’autel de considérations qui lui échappaient ? Victime collatérale dans l’onde de choc d’intérêts royaux ? D’aucuns le pensent. Mieux, ils aspirent à réhabiliter la mémoire de cette unité, coupable désignée au nom de la géopolitique. Ainsi l’Associu di a Guardia papale se rend régulièrement dans le quartier Trastevere, lieu où cantonnait l’essentiel de cette garnison. Lors de ces pèlerinages mémoriels, la délégation peut se recueillir dans la Basilique San Crisogono, appelée « église des Corses ». Ils n’ont qu’à traverser la rue pour pénétrer dans celle de Sant’Agata qui elle aussi témoigne par maintes effigies la présence de ces mercenaires transformés en combattants de la foi. Cette association initia par ailleurs un jumelage entre l’archiconfrérie Saint-Joseph de Bastia et celle del Carmine de Rome, fondée par des Corses.

Un pape de Vivario ?

Inlassablement, sous la houlette de son président Iviu Pasquali, l’associu donne des conférences à Paris, en Italie et bien évidemment dans l’île. Une démarche pédagogique qui se complète à Piedicroce par une exposition permanente, que peuvent parcourir adultes et écoliers pour ainsi connaître ou approfondir une page encore trop méconnue d’un héritage commun.

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Face à l’urgence climatique, le Medef Corse s’est résolument engagé dans un programme de transition énergétique et écologique. Une démarche motivée par une conviction : la nécessité de repenser le modèle de croissance dans une perspective durable. Le Medef Corse a pris l’initiative de structurer son action autour de ce défi avec son réseau et ses partenaires sur l’ensemble du territoire.


Par Caroline Ettori

Inspiré par la célèbre citation de Jacques Chirac, « Notre maison brûle », le président du Medef Corse Jean-Louis Albertini livre une analyse implacable des enjeux économiques et environnementaux que l’île devra affronter : « Notre dépendance énergétique nous rend vulnérable aux fluctuations des marchés, affectant directement les entreprises locales. Par ailleurs, le manque de foncier disponible, exacerbé par l’essor touristique, fragilise l’accès au logement et menace les terres agricoles. L’attractivité naturelle de la Corse, moteur essentiel de son économie, met également une pression sur ses ressources, notamment sur les écosystèmes marins et littoraux. Il devient donc impératif de concilier protection de l’environnement et développement économique. » Un impératif qui pèse lourdement sur les entreprises insulaires qui ont plus que jamais besoin d’être accompagnées dans leur transition écologique. « Les entreprises sont aujourd’hui noyées dans une somme d’informations et de dispositifs obscurs. L’objectif est donc de leur venir en aide et de les sensibiliser à travers un accompagnement individualisé. Nous le savons, la contrainte deviendra de plus en plus grande avec le temps, il faut donc commencer dès maintenant à préparer l’entreprise de demain ! », affirme le président.

Les acteurs locaux de la transition

Pour répondre à ces défis, le Medef Corse a défini deux axes majeurs d’action : l’accompagnement des entreprises adhérentes en servant de facilitateur et d’accélérateur. Et la participation à l’amélioration des politiques publiques en faveur de solutions adaptées aux réalités locales identifiées notamment grâce aux remontées terrain et à l’enquête Corse 2030.

Dans ce processus, les chefs entreprises jouent un rôle central. François Venturi, délégué général du Medef Corse, décline les différentes actions mises en place : « Nous avons initié avec nos partenaires, notamment l’Ademe et l’AUE, des dispositifs d’informations et de sensibilisation en présentiel ou par webinaire. Notre journal interne relaie les programmes d’aide et les modifications législatives auprès de nos membres. Par ailleurs, l’Académie du Medef propose de très nombreux webinaires sur des sujets spécifiques. Pour finir, notre chargée de mission transition écologique se tient à disposition des entreprises pour répondre à leurs interrogations et les guider dans leurs démarches. »

Plus précisément, le Medef Corse soutenu par l’Ademe et l’Adec prévoit d’agir en priorité en faveur des trois secteurs dominant le tissu économique insulaire et qui concentrent l’essentiel des émissions carbonées : le bâtiment, le tourisme et les transports. « Des actions menées en partenariat avec des organismes publics et privés sont organisées afin de mettre en lumière des sujets ou des difficultés rencontrées par les chefs d’entreprise. En parallèle, le Medef entend encourager les liens entre les différents acteurs économiques et porter la voix des entrepreneurs pour défendre la réalité du terrain », souligne Aline Rinagel-Hoffmann, chargée de mission transition écologique.

Au quotidien les entreprises doivent surmonter nombre d’obstacles pour s’adapter aux exigences écologiques. Complexités administratives, contraintes réglementaires, ou difficultés techniques, le Medef Corse s’efforce de répondre à leurs besoins grâce à un accompagnement personnalisé. « À quelles subventions un projet est-il éligible ? À quelle réglementation mon entreprise est-elle soumise ? Par quelles démarches dois-je entamer la transition de mon entreprise ? » « Pour répondre à ces questions nous proposons des entretiens individuels avec chacun de nos adhérents afin de leur apporter des réponses sur-mesure ainsi que des échanges dans le cadre de notre commission Transition Écologique », ajoute le délégué général François Venturi.

Un modèle économique durable et exportable

« L’objectif, reprend Jean-Louis Albertini, est d’accompagner toutes les entreprises qui le souhaitent. Nous ne pouvons rien imposer, seulement informer, sensibiliser, orienter. Nous cherchons à proposer aux chefs d’entreprises des solutions auxquelles ils n’ont parfois pas pensé. Il est parfois compliqué pour eux d’être vigilants tout en ayant la tête dans le guidon. » Et si la Corse accuse un léger retard sur certaines certifications, agréments et formations en matière de transition écologique, il est encore temps pour elle de prendre ce tournant. « Nous disposons de beaucoup d’outils même s’il reste des travaux structurels à réaliser notamment sur le domaine de l’énergie. »

Pour le président, la transition écologique représente une opportunité unique pour la Corse, repenser la croissance autour de principes durables. « Préserver notre île, c’est préserver notre meilleur atout économique. » En s’adaptant rapidement, les entreprises peuvent non seulement se conformer aux nouvelles réglementations, mais également se positionner comme pionnières sur des marchés en pleine mutation. Une Corse plus durable et résiliente pourrait devenir un modèle à suivre, renforçant ainsi son attractivité économique et environnementale, tout en ouvrant de nouvelles perspectives d’exportation vers le continent.

Et le président de conclure : « S’adapter est aujourd’hui une nécessité pour réussir à transmettre quelque chose aux futures générations. Les transitions peuvent être vues comme des moments de rupture ou a contrario comme des moments d’opportunité, c’est notre cas. J’ai confiance et espoir dans ces défis qui sont face à nous parce qu’ils ne sont pas annonciateurs d’une crise, mais d’une nouvelle forme de croissance économique. »

Retrouvez Michel Barat, Laurent Dominati et François Casasoprana au micro de Corsica Radio pour un grand débrief de l’actualité.

La clameur des Corses qui à Rome ratifièrent le choix par François de l’accession au cardinalat de l’évêque de Corse annonçait donc la visite du pape en Corse pour affirmer sans doute que, vue du Vatican, l’île n’est nullement une zone périphérique de la bordure de l’Europe du Nord, mais qu’elle a vocation à participer comme terre de migration et de rencontre des religions, à un destin chrétien de la Méditerranée. Sans doute sont-ce là également les éléments d’un débat avec les laïcs sur les moyens de conjurer l’émergence de périls sociétaux comme la mafia, dont le pape s’est déclaré l’adversaire, qui, avec la pauvreté, le sous-développement économique et autre calamité climatique à venir, alimentent le désespoir des Corses, héritage de moments clefs de leur histoire.

Par Charles Marcellesi , médecin

LA CORSE ET LE DIVIN

Plus que la religion des morts des mégalithes, ce fut la civilisation indo-européenne du Terrinien, ces premiers métallurgistes du cuivre venus des steppes de ce qui est l’actuelle Ukraine et cela via les civilisations comparables de Remedello et Rinaldone en Italie, qui apporta à la Corse la fonction magico-religieuse, mais aussi la structure familiale garantie par la pratique de la vendetta, et le culte d’une divinité féminine qui figurera comme protectrice des fonctions productives des agriculteurs, des éleveurs et des artisans (-3000 av. J.-C.), à laquelle les chrétiens confieront plus tard la mission tutélaire de patronne de la Corse, la Vierge donc. Les premiers saints de Corse, martyrs venus d’Afrique du Nord, introduiront les ferments d’une identité chrétienne, qui peut se résumer en « le corps meurt pour l’Amour de Dieu », concurrençant une tendance identitaire plus ancienne se formulant en « Seul l’Amour de la famille protège de la maladie conférée par le transitivisme des éprouvés corporels » (ce qui s’illustre encore de nos jours dans la magie blanche de l’ochju, le mauvais œil). Avec l’évangélisation, l’implantation des chapelles contrôle l’espace physique et les sacrements, l’institution familiale héritée des Indo-Européens. Mais le malheur des Corses se confirmera, après nombre de vicissitudes des débuts de la période historique, avec l’envoi en Corse par les papes et les Carolingiens d’un « Protecteur de la Corse », le comte de Lucques (816), car ce qui s’en suivit fut le traumatisme de l’instauration de la féodalité, cauchemar que l’historien Antoine Casanova décrivit comme une « eschatologie à l’envers » à entendre : advenue au quotidien comme l’éternisation d’un Jugement dernier. Cette contingence historique rejoint un débat plus général et moderne, celui entre foi et laïcité et qui mérite ici une disgression.

FOI ET PSYCHISME

Pour qui s’intéresse au fonctionnement de l’appareil psychique, la question est celle du rapport entre savoir et vérité, longuement développé par Lacan dans son séminaire L’objet de la psychanalyse(1965-1966). L’expérience de l’inconscient conduit à cet « abouchement étrange » entre « être de savoir »et« être de vérité » et qu’au lieu où ça parle, s’instaurera une « primitive fiction », que la poursuite de la parole établira comme vraie ou fausse (« Moi, la vérité, je parle »). C’est ce qui cause le désir d’un sujet qui engendrera un savoir, soit un réseau articulé de représentations que la conscience ne reconnaît pas comme siennes et qui tracent pourtant les expériences décisives de ce sujet. La science ne veut rien savoir de la « vérité comme cause » de ce qui est subjectif, elle la rejette, la « forclot » ; la magie retiendrait la vérité comme « cause efficiente » mais ne donnerait pas accès au savoir du sujet définitivement maintenu au niveau d’un refoulement originaire ; enfin dans la religion, la vérité est renvoyée à des fins eschatologiques, soit comme cause finale, reportée à un jugement de fin du monde, et cela à l’appui d’une révélationfinale qui vaut pour Lacan dénégationde la vérité comme cause, c’est-à-dire de la vérité dans laquelle se fonde le savoir d’un sujet « parlant et désirant » donné.

VITALITÉ DE LA RELIGION CHRÉTIENNE EN CORSE : LES CONFRÉRIES

Ce fut grâce au monachisme, d’abord les bénédictins, ensuite les ordres mendiants des franciscains et des dominicains, que le catholicisme s’intégra dans la population au plus près de ses préoccupations quotidiennes. Son influence déclina, pour cause de soupçon de dépendance à Gênes, avec la révolution paolienne qui maintint néanmoins, bien que Paoli fût un authentique homme des Lumières, le catholicisme comme religion d’État en Corse. D’assurer la continuité de cette influence du monachisme échut aux Confréries qui de nos jours encore maintiennent les traditions religieuses, l’architecture sacrée, la liturgie et le patrimoine culturel et propagent les valeurs d’entr’aide et de respect de la communauté, à l’encontre d’une adversité et d’un malheur faits de toute une série de symptômes des sociétés néolibérales (narcotrafic, spéculations diverses où se déclinent toutes les formes d’envie, de déshumanisation et enfin de la destruction de l’environnement). Le pape en venant en Corse semble croire que l’île peut encore, selon le mot de Rousseau, « étonner le monde ».

À la tête de l’application GeoAlt, un trio de jeunes trentenaires met aujourd’hui ses compétences au service des architectes et professionnels du bâtiment. Dominique Mondoloni, issu du génie civil, a identifié sur le terrain le besoin précis auquel répond cet outil innovant. Florent Galloni d’Istria, expert en informatique, se charge du développement technique de l’application, tandis que Julien Agostini gère l’administration et les aspects stratégiques de la société. Ensemble, ces trois partenaires allient expertise, innovation et vision pratique pour offrir un service incontournable dans le domaine du dessin en bâtiment.


Par Anne-Catherine Mendez

Un modèle d’innovation et d’excellence

Dans un paysage numérique en constante évolution, Atlas Tech Solutions, éditeur de la solution GeoAlt, aspire à se distinguer comme un acteur incontournable au service du monde des professionnels du bâtiment. Fondée il y a quelques mois, cette entreprise installée à Prunelli di Fiurmorbu s’est spécialisée dans une solution, qui permet de transformer un simple relevé de terrain en une modélisation 3D complète en seulement quelques clics.

GeoAlt se distingue par sa capacité à extraire les données topographiques des terrains souhaités et les rendre directement utilisables dans un logiciel de conception assistée par ordinateur pour une visualisation fidèle et précise. Avec simplicité, les utilisateurs peuvent relever les données altimétriques du ou des terrains, sans sortir de leur bureau. Pour les bureaux d’étude, les cabinets d’architectes, les entreprises gérant les permis de construire, GeoAlt est synonyme d’économies de temps et de coûts. Comme le précise Dominique Mondoloni : « Le processus de relevé est simplifié et de fait cela permet de réduire les coûts. L’interface est intuitive avec une navigation facile grâce à notre design optimisé. Et finalement nous respectons les enjeux environnementaux puisque les déplacements sur le terrain sont beaucoup moins nombreux. »

Des dirigeants à la hauteur des ambitions

Parmi le trio de GeoAlt, Dominique Mondoloni incarne la partie technique de l’entreprise. Il est diplômé de l’institut universitaire de technologie, section génie civil, et gère depuis un certain nombre d’années Corse Plans PC, en association avec Julien Agostini. « Notre mission est de proposer des solutions sur mesure tout en intégrant les enjeux environnementaux et sociétaux », explique Julien. Florent Galloni d’Istria, également à l’initiative du projet après 10 ans expérience dans le monde de l’édition de logiciels, incarne le rôle de développeur de l’application GeoAlt : « Ce challenge quand il m’a été présenté par Dominique et Julien, précise Florent, m’a immédiatement séduit. Le besoin émergeait de leur propre structure, qui cherchait une solution efficace pour optimiser leur travail. Cette vision m’a stimulé, elle correspond aux enjeux de l’entreprise d’aujourd’hui. »

Grâce à ce positionnement, GeoAlt peut devenir un acteur innovant et fiable dans un secteur particulièrement compétitif.

Une entreprise tournée vers l’avenir

Atlas Tech Solutions ne se limite pas à la création de GeoAlt. L’entreprise investit activement dans la recherche et le développement pour anticiper les défis du secteur. Elle envisage également de s’étendre vers de nouveaux marchés, tout en renforçant son engagement pour des solutions durables et adaptées aux besoins de demain.

L’entreprise prévoit également d’étendre ses activités sur le marché national et de renforcer son engagement en matière d’inclusion numérique.

Les projets de ces trois entrepreneurs illustrent des personnalités distinctes et des visions uniques, qui se complètent harmonieusement pour nourrir leur ambition collective.

Pour Dominique, l’optimisme et la simplicité sont des piliers essentiels. Il affirme : « Je ne me prends pas la tête, il y a toujours une solution. » Cette philosophie traduit une capacité à garder son calme face aux difficultés et à croire fermement que chaque problème peut être résolu avec pragmatisme et créativité.

Florent, le technicien visionnaire du groupe, puise son inspiration dans la réflexion d’Albert Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Cette maxime guide son approche de l’innovation. Florent rejette la routine et prône une remise constante en question pour créer des solutions nouvelles et efficaces. Dans son domaine, l’audace et l’expérimentation sont les moteurs du progrès.

Julien, quant à lui, incarne une ambition tournée vers l’impact économique et social. Il rêve d’une Corse dynamique et prospère, où l’entrepreneuriat pourrait offrir un avenir meilleur à la jeunesse. Il explique : « J’aimerais que l’île permette à la jeunesse de vivre décemment grâce à l’entrepreneuriat. Il est essentiel que nos activités portent du sens. » Pour Julien, le succès ne se mesure pas uniquement à travers des chiffres, mais aussi par la capacité à transformer un territoire et à donner un sens profond aux projets portés par son équipe.

Ensemble, ces trois entrepreneurs construisent une vision commune où se mêlent sérénité, innovation et engagement sociétal. Leur alliance, faite de pragmatisme, de créativité et d’une volonté d’apporter des solutions durables, reflète leur ambition de bâtir un avenir qui ait du sens, non seulement pour eux, mais aussi pour leur communauté.

Une trajectoire prometteuse, à suivre de près.

Casanera, c’est l’histoire de deux femmes-sœurs, Marie-Noëlle et Maria, co-créatrices de la marque à leur image, en symbiose avec la nature et ses beautés. La fin d’année, ponctuée par les fêtes de Noël, est, pour elles, le moment de mettre à l’honneur l’authenticité de leurs créations. Des senteurs, des soins et des bijoux raffinés imprégnés de leurs racines corses qui se meuvent en vecteurs d’émotions, de symboles et de fragments de mémoire.


Par Laura Benedetti

Que nous déambulions au cœur de Calvi, Bastia, Ajaccio ou Porto-Vecchio, nous nous retrouvons souvent happés par les devantures noires et audacieuses des boutiques où les écriteaux dorés laissent surgir une lumière intemporelle qui semble traverser les temps. Puis, par les scénographies épurées et contemporaines qui célèbrent le savoir-faire artisanal et les beautés corses. Chaque mise en scène fait impression sur quelque chose : une saison, un élément, un évènement, une mémoire… et, raconte son histoire. En ce mois de Noël, l’intention principale est de réchauffer les cœurs, notamment à travers l’inspiration de deux symboles « Notre symbole pour les fêtes est “l’étoile corse”, qui reflète à la fois la lumière, la tradition et l’émerveillement. Les fêtes nous inspirent la générosité, le respect des racines, et la transmission d’une histoire précieuse », comme le livre Marie-Noëlle. Maria, elle, désigne le diamant qui incarne à la fois : « pureté, force et éclat. Les fêtes m’inspirent la joie de créer des pièces uniques pour des moments inoubliables ».

Les symboles Casanera & Maria Battaglia

Marie-Noëlle a pensé à une collection capsule de senteurs spécialement conçues pour les fêtes. Natale et Pace è Salute sont deux senteurs qui, nous dit-elle, « rappellent les notes de fêtes de notre enfance, des mélanges d’épices et d’encens qui réconfortent les cœurs. Vous trouverez également des coffrets senteurs et soins pour faire plaisir à tous ». Pour Maria Battaglia, « nous avons toute notre collection Universu et les croix étincelantes de diamants pour rappeler les nuits étoilées de Noël ».

Une palette de créations cosmétiques se déploie autour de la collection capsule : les bougies artisanales parfumées, parfaites pour créer une ambiance chaleureuse et évocatrice. Les huiles précieuses Casanera, qui offrent un véritable rituel de beauté et de bien-être. Les coffrets cadeaux, pour offrir une expérience complète empreinte de notes. Chacun de ces articles incarne une intention sincère, en lien avec ce qui fait leurs valeurs : authenticité, bien-être, et naturalité. Noël, pour Marie, résonne avec la notion de « retour à l’essentiel : la famille, les traditions corses et le partage. En termes de création, c’est l’occasion de mettre en avant des éditions uniques et de rappeler la richesse de notre patrimoine ». Du côté de Maria Battaglia, la bague en or et diamants incarne un symbole d’amour éternel ; la boucle d’oreille Altore, aux trois couleurs de diamants ou encore l’un des colliers avec un pendentif croix cristallise un héritage, une lumière en une pièce intemporelle. Noël y incarne la transmission et la mémoire. « Mes créations, pensées comme des cadeaux durables, s’inscrivent dans cette continuité », nous livre Maria.

Une histoire de cœurs

Le partage est une valeur récurrente qui caractérise la philosophie de la marque portée par les deux sœurs. Autour d’événements organisés au cœur de leurs boutiques ou par le biais de leurs réseaux sociaux, elles aiment partager un moment unique avec leurs clients en offrant la possibilité de remporter des créations Casanera, qui réinterprètent les traditions corses dans des créations modernes autour d’une histoire, celle de la terre ; et Maria Battaglia dont toute la création porte une histoire, un message, un cher souvenir en mariant simplicité et sophistication des pièces qui se vivent au quotidien.

Avec tout ce qui les anime, elles nous font part de leurs souhaits respectifs, à savoir, pour Marie-Noëlle, que Casanera continue d’apporter une aura corse dans les foyers du monde entier, insufflant des moments de bien-être et de sérénité ; et que les savoir-faire locaux et ancestraux soient préservés et perpétuent. Maria adresse le souhait que ses bijoux touchent encore et encore les cœurs et qu’ils deviennent des trésors transmis de génération en génération. Les co-créatrices se rejoignent pour conclure l’année en célébrant leur chaleureuse gratitude envers celles et ceux qui pensent, accompagnent, parcourent et partagent leurs créations. Sans oublier ciel, terre et mer, leurs précieuses matières.

casanera.com

mariabattaglia.fr

@casanera_madeinmaquis

@mariabattaglia_joaillerie

Mais où sont les Noëls d’antan ? Ici plus qu’ailleurs cette fête ployait sous l’authenticité et les rites. Sa commercialisation n’avait pas encore abordé nos rivages et l’intérieur. Le symbolisme unissait croyants et profanes dans cette mystérieuse quête d’un avenir meilleur. Compensant allègrement les actuels réveillons par des agapes sans doute moins riches mais nourries d’authenticité.

par Jean Poletti

Hè passatu u tempu chi Marta filava. Cet adage populaire renvoie à un passé révolu. Nul ne poussera de cris d’orfraie en assurant, selon la formule consacrée, que c’était mieux avant. Le progrès amena le mieux-être. Mais cette bénéfique évolution mit aussi en jachère certaines pratiques qui semblaient immuables au fil des générations.

Dans ces coutumes sans cesse recommencées figurait en bonne place u natale beatu. Celui qui prévalait dans l’immense majorité des foyers insulaires. Loin de l’actuelle célébration. Certes l’aspect religieux persiste. Bien sûr les offices religieux connaissent l’affluence en ce soir où prêtres et fidèles célèbrent la nativité. Mais nul ne peut infirmer qu’entre hier et aujourd’hui l’esprit de dépouillement qui régnait dans une étable de Bethléem ou de Nazareth, selon les théologiens, s’étiola au fil des époques. Désormais une large place est faite à l’opulence. Qui essaime dans toutes les générations. La Corse n’échappe pas à cette mutation. Sans verser dans l’hagiographie biblique, les anciens se souviennent encore du particularisme et pour tout dire de la spécificité de ce vingt-quatre décembre qui étendait son voile original sur l’ensemble de l’île. Cela était vécu sous une forme encore plus accentuée dans le rural. Non qu’il y ait une césure franche avec les villes, mais en ces lieux de haute solitude, fréquemment enneigés en cette période, palpitait à l’évidence un cérémonial qui leur appartenait.

Storie di capile

L’homme à barbe blanche et houppelande rouge n’avait nulle prise dans l’inconscient collectif. Et son traîneau magique ne sillonnait pas ces contrées nichées dans les montagnes qui parfois tutoient les cieux. Le sapin, réceptacle de présents, ne trônait pas dans les habitations. Il est vrai que dans la plupart des familles ces derniers ne brillaient pas par leur importance. Toutefois cette absence de profusion n’entachait nullement cœurs et esprits. Tant s’en faut. La finalité était autre. De nature moins prosaïque et d’amplitude plus ludique. Les enfants ne s’éveillaient pas en récitant Rimbaud en ces matins d’étrennes « On allait les cheveux emmêlés sur la tête, les yeux tout rayonnant comme aux grands jours de fête. » Leurs rêveries se concrétisaient autrement. Notamment la participation aux préparatifs des festivités dans le village.  Cela les occupait des semaines durant. Il fallait en effet se mettre en quête de bois qu’ils acheminaient sur la place de l’église afin d’édifier le fameux capile. Cette joyeuse confrérie de pourvoyeurs n’oubliait pas le rite consistant à frapper aux portes de sept familles pour leur demander de faire don d’une bûche. Pourquoi ce chiffre ? L’explication se perd dans les nimbes de la rationalité. Mais des anciens affirment prosaïquement qu’il renvoie au nombre de jours dévolus à la création du monde. D’autres pensent qu’il fait référence aux sept merveilles de notre planète. Mais ces sympathiques garnements ne se satisfaisaient pas de telles mythologies. Au hasard de leurs recherches, ils n’hésitaient parfois pas à soustraire nuitamment des bois entassés par les propriétaires pour leur propre usage. Une contribution forcée qui avait le don d’exaspérer les victimes de ces larcins. Mais leur courroux était de courte durée quand ils se remémoraient qu’eux aussi avaient fait pareil dans leur adolescence.  

Morti è vivi insieme

Ce bûcher savamment construit était allumé le soir de la messe de minuit, et brûlait plusieurs jours. De nombreux villageois faisaient cercle autour du foyer dont les flammes réchauffaient en ces temps de frimas. Et dit-on purifiaient les âmes des chers disparus lorsque des crépitements provoquaient des étincelles nommées E Vecchie. En regagnant leurs pénates, certains emportaient un peu de braise pour les mettre dans les cheminées. Selon la coutume ancestrale, cet apport incandescent rehaussait dans sa vocation de purification l’imposant ceppu du natale, précieusement conservé des mois durant pour la circonstance.

Le repas se prenait plus tardivement que d’habitude. Ce n’était pas un souper où abondaient mets onéreux, fruits de mer et champagne. Il sortait cependant de l’ordinaire avec le sempiternel cabri rôti, des desserts essentiellement constitués de pâtisseries préparées par la mère de famille. Et en sempiternel épilogue une tasse de chocolat chaud en écoutant égrener des anecdotes. Ces récits évoquaient la magie blanche, les mazzere et autres légendes peuplées de streghe dans un monde fantasmagorique.

Cet instant, à nul autre pareil, semblait terrasser la rudesse des temps. Il était l’allié de l’harmonie authentique. Celle qui n’a nul besoin de nourritures terrestres, parfois piètres palliatifs d’un individualisme ayant droit de cité. Aussi, nul alors n’oubliait le tragulinu ou l’indigent.  

U piattu di u corciu  

Sur chaque table dressée figurait un couvert supplémentaire. C’était le plat du pauvre réservé à celui dont le hasard des pas le conduisait à frapper à une porte. Il était accueilli avec aménité. Invité à se chauffer devant l’âtre. Puis à partager en convive bienvenu le repas. Parfois le gîte était aussi proposé, car la coutume était solidement ancrée de ne laisser personne sans abri en cette nuit de l’altruisme. D’un rite, l’autre, il serait malvenu d’occulter celui qui consiste à transmettre l’énigme de l’ochju. Elle permet par le désenvoûtement de conjurer le mauvais sort. E signatore révèlent le soir de Noël leur pouvoir à toute personne qui le souhaite. L’initié acquiert ainsi à son tour les secrets du cérémonial. Cette pratique proche du chamanisme, affleurant la tradition païenne, serait un rempart à toute influence nuisible, qu’il s’agisse de la malchance, la jalousie, en passant par la fatigue ou les maux physiques. Une seule condition être catholique. Les patients subissent le test de l’huile. Trois gouttes d’huile sont plongées dans une assiette partiellement remplie d’eau. Si elles se diluent se multiplient ou se déforment le mauvais œil est présent. Des prières secrètes le chasseront. Il convient de noter que les animaux ne sont pas exclus de ces éventuels bienfaits. Nombreuses sont les personnes sceptiques. Pour autant elles ne rejettent pas de telles thérapies. Il est même des praticiens qui se disent sinon conquis à tout le moins réceptifs à certains témoignages de leurs malades leur affirmant que « se faire signer » leur apporta un réel soulagement.

Malgré tout, fut-ce de manière étiolée, le sens de cette fête demeure. Comme si malgré le temps qui passe l’on voulait retrouver un peu de ces racines de jadis que l’inconscient collectif se refuse à faire disparaître. Malgré le souffle de la modernité. En dépit du vent commercial qui en balaie l’esprit originel.

U sole vince u freddu

Avec ostentation ou de manière feutrée, nombreux sont ceux qui spontanément s’évertuent encore à convoquer le passé, lui donnant un visage d’éternité. Cela n’épouse nul passéisme. Il veut témoigner la mutation de saison, et l’instant où le solstice d’hiver s’efface devant le renouveau de la nature. Dès lors ce passage d’un cycle à l’autre laisse fleurir chez les êtres, férus ou pas de religiosité, le souhait d’un avenir meilleur. Les oranges qui étaient naguère offertes aux enfants ce soir-là ployaient d’ailleurs sous le poids du message aux atours de mieux-être. Il signifiait l’avènement de l’ensoleillement et de la lumière, mettant sous l’éteignoir la rudesse de la morte saison. Celle qui renvoie au règne des ténèbres. Mais aussi des froidures qui handicapaient les cultures et flétrissaient l’âme. Aussi cette date du calendrier fait-elle renaître une espérance. Une sorte de germinal de la vie. Transcendant sans l’affaiblir le propos de Saint-Luc : « paix sur terre aux hommes de bonne volonté ». Sans doute est-ce le mélange de spiritualité et de paganisme qui conférait cette identité singulière à i natali du prima.

Autres temps, autres mœurs ? Une telle formule serait outrancière. Toutefois contester qu’un changement progressif, à bas bruit, s’est opéré serait tout autant erroné. Certains regretteront en leur for intérieur cette mutation. D’autres sans trop se poser de question se plieront sans peine aux célébrations que dicte l’actuelle période.

Stelle per tutti

Quels que soient les jugements, sur ces évolutions chacun peut déceler que ce moment paraît s’envelopper d’une atmosphère de quiétude. Et pour tout dire d’harmonie. Certes des ombres altèrent le tableau. Elles projettent les affres des précaires qui ressentent plus que de coutume l’isolement. Et nous revient aux oreilles cette strophe d’un poème de Victor Hugo, ayant toute son acuité dans notre région la plus pauvre de France « Dans vos fêtes d’hiver/Oh ! songez-vous parfois que, de faim dévoré/Peut-être un indigent dans les carrefours sombres/S’arrête, et voit danser vos lumineuses ombres/Aux vitres d’un salon doré ? » Fort heureusement, initiatives personnelles et engagement de structures caritatives parviennent partiellement à faire briller quelques étoiles dans les yeux d’adultes et enfants brisés par un destin contraire. Grâce à cet engagement réveillon et offrandes viennent atténuer l’injustice. Une précieuse contribution au message d’universalité qui prévaut fort heureusement malgré la rudesse des temps.

Gioià è piacè

Et pour finir sur une note plus allègre, nul ne disconviendra que le chant de Tino Rossi charmera comme toujours les oreilles avec son incontournable « Papa Noël ». Un succès que certains pourront fredonner in lingua nostra grâce à la traduction des Voix de l’Émotion. « Fala babbucciu natale da li monti e da le valle per sparte gioià è piacè fate ch’ellu un scordi di mè. »

E cusi sià per tutti.

Après vingt ans d’une carrière marquée par l’excellence et la passion, au sein du Groupe Urbain d’Intervention Dansée (GUID) du Ballet Preljocaj, à faire découvrir la danse contemporaine au plus grand nombre dans le monde entier, la danseuse corse Déborah Casamatta entame un nouveau chapitre de sa carrière sur sa terre natale. Une étape placée sous le signe du renouveau, mais toujours guidée par sa passion profonde pour la danse et son désir de transmettre.

Par Karine Casalta
Photographe Isabelle Gambotti

La danseuse en effet participé à sa dernière représentation au sein du ballet Preljocaj le 18 octobre dernier, après avoir sillonné les routes pour présenter près de de soixante-quinze spectacles depuis début mai. Un dernier spectacle intensément chargé en émotion pour la jeune femme qui voue une passion sans réserve à la danse depuis toujours. « J’ai retracé d’un coup vingt ans de travail, de métier ! » Avec un rythme de près de 10 heures de travail par jour, cinq jours sur sept, le moment lui semblait en effet venu, après toutes ces années de spectacles en tant qu’interprète, d’aller vers autre chose. D’autant que maman d’unpetit garçon de trois ans, elle souhaitait aussi avoir plus de temps à lui consacrer. « Je vais avoir 40 ans au mois de mai et là mon corps me dit stop. Je vais, continuer à danser et faire des choses avec le ballet mais plus sur ce même rythme de vie. Mais je resterai reliée au ballet toute ma vie ! »

Une passion débordante qui la suit depuis sa plus tendre enfance

C’est à huit ans, à Porto-Vecchio où elle a grandi que la danse a fait irruption dans la vie de Déborah, révélant un moyen d’expression aussi puissant qu’inattendu. Cette découverte, offre alors à l’enfant timide qu’elle était une manière de donner vie à ses émotions par le mouvement. Et la danse est très vite devenue pour elle une voie d’expression et un langage libérateur.

À treize ans, déjà passionnée, elle intègre le jeune ballet corse dirigé par Patricia Portal à Ajaccio, rejoignant des danseurs de toute l’île pour des répétitions intensives un week-end sur deux et la moitié des vacances, avec des chorégraphes qui venaient de partout. Une expérience, riche d’apprentissage et de rencontres, et un avant-goût de l’esprit de communauté propre aux compagnies de danse. « À l’occasion de nos déplacements, on dormait chez les uns ou les autres, à Corte, à Porto-Vecchio, à Bastia. On était déjà dans l’humain, dans la construction du fonctionnement du danseur de compagnie. Ça allait au-delà de la danse. Ça a participé à ma construction et ma sensibilisation. C’était très beau ! » Elle se passionne alors pour cette discipline artistique au point de vouloir quitter l’île, pour la pratiquer intensément « j’avais cette ambition très profonde d’en faire mon métier et en même temps sans vraiment savoir où j’allais ». À l’âge de quinze ans, elle part ainsi bientôt à Marseille pour intégrer l’école de danse Colette Armand et rentrer en seconde en cursus danse études. « Je remercie encore mes parents aujourd’hui d’avoir osé me laisser si jeune faire tout ça ! »

Guidée par une détermination sans faille et une sensibilité artistique profonde

Mais l’éloignement de la Corse, l’internat chez les sœurs où elle rentrait le soir, la difficulté de se retrouver seule à gérer les études le matin, les cours de danse l’après-midi lui pèsent. « Cette année de sport études a été une année très difficile. » Néanmoins la jeune danseuse persévère, poussée par la conviction qu’elle doit tenir bon pour poursuivre son rêve. Installée par la suite en famille d’accueil, elle y trouvera un peu de réconfort, et continuera ses études à distance avec le CNED avant de rejoindre à seize ans et demi, l’école Epsedanse à Montpellier, pour une formation intense de trois ans, dédiée à la scène. Là, la danse envahit ses journées, un tourbillon entre classique, jazz, contemporain, ateliers et créations. Elle se sent enfin à sa place, nourrie par des rencontres et une effervescence artistique qui réveillent sa sensibilité d’artiste. Portée par sa volonté sans faille et la discipline rigoureuse qu’elle s’impose et qui l’accompagnera tout au long de sa carrière, elle trace son chemin. À dix-neuf ans, elle intègre la compagnie d’Anne-Marie Porras, qui lui offre alors de faire sa première tournée à Tahiti, et marque son entrée dans le monde artistique professionnel. 

« Finalement, c’est cette vie, ce métier qui m’ont construite. Ces études aussi et en même temps avec cette liberté folle. Parce que le milieu artistique était là, avec toutes les ouvertures possibles et inimaginables. »

Forte de cette expérience, elle tente bientôt une audition pour rejoindre le ballet d’Angelin Preljocaj, admirative du travail du chorégraphe, et malgré un premier échec deux ans plus tôt. Sa persévérance sera payante puisque c’est finalement lors de cette seconde tentative, à 21 ans, après une sélection drastique, qu’elle est acceptée. « C’était magnifique, une joie intense, parce que dès le départ, ça a toujours été le contemporain qui m’attirait. Pour son ouverture, sa richesse… ça réunit tout : le classique, le jazz, les énergies fortes et puissantes, la douceur, les faits d’aujourd’hui, qu’ils soient liés au cinéma, à la littérature, à la poésie, à la musique, ou encore le lien à soi-même, son identité, sa culture, pour moi, c’est tout ça à la fois ! »

« Finalement, c’est cette vie, ce métier qui m’ont construite. Ces études aussi et en même temps avec cette liberté folle. Parce que le milieu artistique était là, avec toutes les ouvertures possibles et inimaginables. »

Partager et transmettre sa passion pour la danse

Commence alors une longue aventure avec le ballet Preljocaj, qu’elle intègre au sein du Groupe Urbain d’Intervention Dansée (GUID). Sa mission : sensibiliser le public à la danse contemporaine, et amener cet art là où on ne l’attend pas, en présentant des extraits de chorégraphies d’Angelin Preljocaj dans des lieux inattendus, de l’Europe à l’Afrique, des prisons aux théâtres en passant par les cours d’écoles, les gares et les places de marché. Un travail de transmission qui, l’incitant à partager son amour de la danse avec tous, résonne en elle. « J’ai atterri là au début, un peu par hasard. Et j’ai commencé à avoir un amour fou pour la sensibilisation. C’était viscéral en fait pour moi de donner ça, parce que moi aussi je suis venue à la danse un peu par hasard. Puis rapidement, j’ai fait également partie de tous les projets pédagogiques liés à la sensibilisation avec Angelin. »

Un parcours qui la mènera ainsi à vivre des expériences fortes aux quatre coins du monde, des scènes américaines aux quartiers de Marseille, du Mali au Cambodge. Car le Centre Chorégraphique National-Ballet Preljocaj a un cahier des charges à remplir et se doit en effet de sensibiliser et produire un certain nombre d’œuvres chaque année. « C’est ainsi une soixantaine de créations, 30 danseurs permanents et près de 120 représentations par an en France et dans le monde entier », précise-t-elle. Avec toujours à la clé, des rencontres, humaines et culturelles qui nourrissent son art et sonenvie de transmettre. « Faire de la transmission d’une œuvre, de la transmission de l’art en général, sensibiliser, c’est être dans l’humain, c’est ce qui m’anime profondément. Transmettre par ce qu’on est en tant qu’artiste, c’est tout ça qui m’a guidée. »

Une vie intense qui s’accompagne néanmoins de difficultés, de moments de doutes, d’angoisse, et de souffrances physique et psychologique, qui l’ont conduit parfois au bord de l’épuisement mental. « Tout en étant au sein du ballet, rien n’est jamais acquis », tient-elle à souligner. « Je suis intermittente du spectacle, la compagnie peut décider à tout moment de ne plus travailler avec moi. Or, j’avais quand même ce désir profond de continuer avec Angelin Preljocaj. Ça a donc toujours été beaucoup de pression, ça n’a pas été un long fleuve tranquille. Même s’il y a une réelle confiance qui s’est installée au fil du temps avec Angelin et Guillaume Siard, l’assistant directeur du ballet. Cela demande en permanence un dépassement de soi important pour montrer qu’on a envie de rester là ! Par bonheur, le travail avec les autres danseurs du groupe a toujours été porteur parce qu’il y a toujours des équipes formidables et des rencontres, avec des danseurs qui viennent du monde entier : espagnols, italiens, australiens, canadiens, albanais… Et puis on est là dans le rapport de corps, qui amène quand même des liens forts. Et tout ce qu’on vit émotionnellement, ça aussi, c’est très fort et très porteur ! »

L’aspiration à un nouvel équilibre entre vie de famille en Corse et de nouveaux projets artistiques

Une force et une sensibilité artistique qu’elle alimente aussi en puisant dans un équilibre familial qu’elle a su se construire. « À 36 ans, j’ai ressenti l’importance d’avoir un enfant et d’être présente pour lui. J’ai ralenti le rythme. Ça a été un choix délibéré de lever le pied pour consacrer plus de temps à ma famille. J’ai diminué les projets pédagogiques, les tournées, et globalement les engagements professionnels. Mais en même temps, c’était important aussi pour moi qu’il me connaisse en tant que danseuse. C’était important qu’il voie tout ça. Ainsi, mon fils est devenu un petit voyageur ; il m’a accompagnée entre Aix, la Corse, Paris, s’adaptant parfaitement à cette vie en mouvement. Il faut dire que j’ai eu un soutien précieux de ma mère, une véritable super nounou, présente à chaque instant pour m’aider. Je lui dois énormément, car c’est grâce à elle que j’ai pu faire tout cela. Cet équilibre familial est inestimable pour moi. Et pour mon fils. Et j’espère qu’il touchera lui aussi un jour à un art, quel qu’il soit. Je souhaite qu’un art puisse l’accompagner dans sa vie, car cela ouvre des perspectives, abolit les barrières. L’art ajoute une dimension de rêve, une connexion à soi et aux autres qui sont essentielles. Être touché par l’art développe la sensibilité et l’empathie, des qualités humaines fondamentales. C’est cette sensibilité que je souhaite lui transmettre. » Un équilibre qu’elle trouve aussi dans ses racines et son ancrage en Corse, où elle est toujours venue se ressourcer. Car son attachement profond à l’île ne l’a jamais quitté. Et c’est là, qu’elle souhaite que son fils grandisse.

« L’art ouvre des perspectives, abolit les barrières, ajoute une dimension de rêve, une connexion à soi et aux autres qui est essentielle. Être touché par l’art développe la sensibilité et l’empathie, des qualités humaines fondamentales. »

C’est ainsi qu’installée aujourd’hui à Ghisonaccia, auprès de sa famille, que la danseuse aspire désormais à se consacrer à de nouveaux projets artistiques. Transmettre, créer, et continuer à danser autrement : pour Déborah, la fin de cette aventure n’est qu’un nouveau départ.

Kevin, notre cuisinier préféré, est parti au Japon ce mois-ci. Pour faire honneur au pays qu’il vénère et pour pallier son absence et le décalage horaire, reprenons ensemble la recette du karaage, le poulet frit à la japonaise. Itadakimasu

Pour faire de délicieux karaage, vous avez besoin : 

De hauts de cuisse de poulet

Préparation

Découpez les hauts de cuisse en sorte d’avoir de petites bouchées.

Dans un saladier, mettez la fécule, le sel, le sésame, l’ail et le piment d’Espelette.

Ajoutez vos morceaux de poulet dans la préparation sèche.

Portez l’huile de friture à 140 degrés.

Faites frire 2 minutes, égoutter et laisser de côté.

Montez l’huile à 180 degrés, refaire frire pendant 3 minutes.

Mettre dans une assiette avec des quartiers de citron vert et dans un petit récipient, la sauce soja avec le wasabi. 

ITADAKIMASU いただきます