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Sébastien Ristori est analyste financier, directeur du groupe Barnes Corse, professeur de finance à l’Université de Corse, auteur et directeur de collection aux éditions Ellipses.   En 2022, Emmanuel Macron a émis le souhait de mettre en œuvre un « dividende salarié ». Cette idée fait déjà sens : les résultats brillants de plusieurs sociétés cotées, et la distribution exceptionnelle de dividendes à l’instar de notre fleuron LVMH, ont donné lieu à de multiples attaques en règle des syndicats des travailleurs et de certaines branches politiques pour dénoncer « l’absence de partage des richesses » entre les travailleurs et les actionnaires. Voici quelques éléments de réflexions !   Le dividende Pour percevoir un dividende, encore faut-il être actionnaire ! Un actionnaire est une personne physique ou morale qui détient un certain nombre d’actions dans une entreprise. Le dividende est un détachement de liquidité sur les résultats de l’entreprise. L’actionnaire perçoit un dividende sur la base des résultats restants à l’entreprise après déduction de l’ensemble des revenus salariaux. L’assemblée générale des actionnaires de l’entreprise décide du versement d’un dividende par action à l’ensemble des actionnaires. Un « taux de distribution » est appliqué au bénéfice net par action pour estimer le montant à verser aux investisseurs. Bien évidemment, plus une personne détient d’action, plus elle obtiendra une somme élevée en retour.   Le dividende ne rémunère pas un travail Le dividende n’enrichit pas un actionnaire. Ce propos qui fait bondir ceux qui n’ont jamais suivi un cours de finance peut être vérifié à l’œil nu : à chaque versement de dividende, le cours de l’action chute du même montant. Autrement dit, le détenteur d’une action d’une valeur de 90 euros qui recevrait un dividende de 7 euros disposera alors de 7 euros de liquidité sur son compte bancaire et d’une action d’une valeur de 83 euros. Sa richesse globale est inchangée (83 + 7 = 90). C’est un transfert de valeur. La création de valeur s’obtient sur la valeur globale de l’entreprise, c’est-à-dire sur la capacité d’une société à obtenir des rentabilités largement au-dessus des rentabilités exigées sur le marché. Les flux de trésorerie sont donc excédentaires ! L’actionnaire court à plein le risque de l’entreprise et la valeur de son titre de propriété –l’action – fluctue au gré des performances de la société. Ces performances sont modélisées dans un calcul de flux de trésorerie prévisionnels. La valeur de l’action n’est donc pas garantie à vie ! Un quidam qui possédait en janvier 2022 une action Orpea à 88€ et qui se serait endormi toute une année se réveillerait en janvier 2023 avec une action qui cote à 6,8€*. Ainsi, le dividende est une maigre consolation en liquide pour transférer un peu de la valeur perçue dans son porte-monnaie. L’actionnaire court plusieurs risques : celui de l’activité économique et celui de la structure financière de l’entreprise (l’endettement). Beaucoup d’économistes viennent pointer du doigt que les actionnaires préfèrent verser des dividendes que de réinvestir dans l’outil productif ou dans le capital humain. D’abord, le versement du dividende est un signal au marché : Il informe de la santé financière de l’entreprise et il permet de restituer un peu de création de valeur sous la forme de liquidité. Prenons l’exemple de LVMH dont la valeur de l’action est de 800€. La société va verser un dividende de 12€ par action… soit un taux d’intérêt de 1,5% de la valeur. Avec cet angle de vue, même le livret A rémunère désormais mieux son détenteur, avec un taux de 3%, pour une prise de risque nulle, puisque la valeur du placement ne chute pas. Un actionnaire serait donc bien sot de faire du dividende une rémunération. Ensuite, sachant que l’actionnaire peut faire croître la valeur de l’entreprise qu’à la condition de performances long terme, il choisira de privilégier l’affectation des liquidités à l’investissement productif plutôt qu’au dividende à outrance. Autrement dit, si l’on fait du dividende l’outil d’enrichissement de l’actionnaire, c’est ne rien comprendre. En prenant cet angle d’attaque, les détracteurs du dividende mélangent tout : un actionnaire n’est pas un puits sans fond, il a besoin de se voir restituer de l’argent pour lui-même et pour le réinjecter dans d’autres projets d’investissement.   Le salaire rémunère le travail Selon les données de la DARES**, l’intéressement et la participation ont grimpé de 34% entre 2006 et 2019. En tenant compte des abondements dans les plans d’épargnes entreprises et les plans d’épargne retraite, soit une augmentation de près de 38% sur la même période, pour près de 20 255M€ en 2019 pour 7,2M de personnes (50% des salariés), ce qui équivaut à 2 660 euros par salarié par an. Ces dispositifs sont-ils suffisants ? Les réponses sont partagées. Pour une partie des syndicats patronaux, le dividende rémunère le risque et le salaire rémunère un travail. La rémunération salariale est basée sur la valeur ajoutée de l’entreprise***. L’intéressement et la participation – obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés –peuvent faire l’objet d’accord d’entreprise pour les TPE. Elles sont déductibles du résultat courant. La rémunération salariale est traditionnellement liée aux primes sur objectifs et augmentation de salaire. Elle peut être complétée de la prime de partage de la valeur (anciennement prime Macron). Toutefois, l’ensemble des dispositifs apparaissent insuffisants au regard des conditions de rémunération de certaines catégories de travailleurs.   Le « dividende salarié » est-il une solution pour répondre au besoin de partage de la valeur ? Le terme de « dividende salarié » est dès lors impropre puisqu’un dividende n’est pas une rémunération. Le salarié n’est pas propriétaire de l’entreprise. La naissance d’une nouvelle rémunération a bien évidemment du sens dans le contexte sociétal et de progrès actuel où la participation de l’ensemble des parties prenantes à la création de valeur doit être rémunérée. Plusieurs solutions sont envisageables par le gouvernement : la création d’une super participation dès lors que les dividendes versés des 5 dernières années sont supérieures de 20% en moyenne ;  repenser l’intéressement et la participation, en liant la prime de partage sur la valeur sur les résultats opérationnels de l’entreprise. Ces dispositifs pourraient en effet mieux rémunérer la contribution effective des uns et des autres. Toutefois, si l’on souhaite rester conforme aux théories financières et à l’égalité actionnaire – salarié, il n’y a qu’un pas à franchir : la souscription d’action. Le salarié actionnaire qui serait rémunéré en actions gratuites dans son entreprise aurait alors le mérite de corréler la valeur de son action aux performances de la société. Il toucherait les dividendes comme l’ensemble des actionnaires, mais il serait soumis au même risque de la valeur. Par ailleurs, il devrait à son tour diversifier son portefeuille (et ne pas mettre tous les œufs dans le même panier… en cas de faillite, perdre son emploi et observer la disparition de la valeur de ses actions fait beaucoup en une seule fois !). Il existe de beaux exemples : en 2014, les salariés de La Redoute étaient invités à participer à la restructuration de l’entreprise en achetant des actions. Des actions dont la valeur à l’occasion du rachat en 2023 a bondi jusqu’à 625 fois la valeur d’acquisition… Un actionnaire salarié qui a placé tout juste 160 euros par action en 2014 a de quoi être heureux en ce début d’année !   *La restructuration financière de Orpea a conduit à une conversion de dettes en capitaux propres. Les projections de flux de trésorerie instantanée malgré les flux de trésorerie n’ont pas permis de calculer un prix qui laisse entrevoir de belles perspectives pour la société. L’actionnaire prend le risque. **DARES : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. ***La valeur ajoutée est calculée comme la différence entre le chiffre d’affaires de l’entreprise et les dépenses d’exploitation courante telles que les achats de matières et de marchandises des produits vendus et des charges externes de l’entreprise.   Rien ne va plus ou presque. Les tribunaux de commerce sont révélateurs d’un constat inquiétant. Aucun secteur n’est épargné. Si l’artisanat est frappé de plein fouet, pour la première fois les structures employant plus de dix salariés sont aussi lourdement impactées. Ce marasme ampute en corolaire l’emploi productif, contribue à cristalliser le chômage et conforte le spectre de la paupérisation. Ainsi l’économie rejoint le social et des voix s’élèvent, comme à la CFDT, pour revendiquer un autre modèle de société. Par Jean Poletti         L’économie insulaire est atone. Pis encore elle se dégrade inexorablement. Si sous les cieux hexagonaux la situation n’est pas florissante, des secteurs divers et variés tirent cependant leur épingle du jeu. Mais chez nous la débâcle est générale. Nul domaine n’échappe à la crise. Certaines causes sont objectives. Parmi elles, la présence majoritaire de ce que l’on nomme les très petites entreprises moins résistantes au rétrécissement de la demande. Ou encore une économie qualifiée de captive liée à l’étroitesse d’un marché. Ces contraintes structurantes, qui s’ajoutent et se superposent à celui de l’insularité, ne sont pourtant pas suffisantes pour expliquer un brutal décrochage. Il se concrétise par de nombreux propriétaires qui baissent leurs rideaux, tandis que ceux qui persistent déplorent des trésoreries à la limite de la défaillance. Au-delà des analyses décharnées, qui par essence et définition ne révèlent pas le vécu, il convient sans verser dans l’exagération de souligner les répercussions sur l’emploi. L’artisan qui renonce devient chômeur. Ceux qui avaient un ou deux employés s’en séparent faute de recettes suffisantes, les contraignant à grossir les rangs de Pôle Emploi. D’autres ne parviennent plus à honorer les dettes à leurs fournisseurs, à leur tour fragilisés. Voilà le constat. Il éclaire d’éclatante manière la corrélation entre monde entrepreneurial et salariés dans une île où les opportunités de retrouver un travail ne court pas les boutiques. En incidence, s’il fallait encore alimenter une triste réalité, retenons en substance que le commerçant du coin frappé par la mévente réduira drastiquement ses dépenses courantes, participant ainsi à l’étiolement général. Il rechigne à se rendre au restaurant, renonce à l’achat d’un bien de consommation et diffère aux calendes grecques une dépense plus onéreuse. « Je rogne sur tout », confie un professionnel de l’habillement implanté cours Napoléon à Ajaccio. En forme d’amère boutade, il indique qu’il repousse le changement des pneus passablement usagés de son véhicule. Un choix parmi d’autres pour cette personne qui avoue ne pas pouvoir se dégager un salaire depuis plusieurs mois.   Paupérisation ambiante Telle est la réalité sans fards qu’assombrit, si besoin était, le monde salarial frappé d’une double peine. Celle des salaires globalement moins élevés que la moyenne nationale, tandis que les dépenses contraintes sont plus conséquentes. Dès lors parler de décrochage économique et d’une paupérisation du monde du travail ne semble pas usurpé pour définir une situation qui terrasse notre région. Elle se concrétise par de douloureux effets alliant notamment endémique chômage et emplois précaires, tandis que se déchire et s’étiole le tissu de l’entreprise qui chez nous n’a aucune parenté avec les multinationales et autres habitués du Cac 40 ! Ce bilan qui sclérose et sacrifie une île sur l’autel du mal-vivre porte en germe un sentiment d’injustice et l’impression diffuse ou affirmée d’être laissée-pour-compte. Elle se dit victime d’un retard structurellement historique qui ne décille pas les yeux de la puissance étatique. De tels griefs sont recevables. Pour autant ne doit-on pas faire ici une part du chemin afin de tenter de s’extirper de l’ornière ? N’est-il pas temps de réfléchir à un autre modèle de société ? Certes, il ne s’agira pas de faire table rase du passé, mais à tout le moins effectuer une sorte de révolution de velours qui donne de nouveaux repères et une claire lisibilité d’un avenir source d’essor partagé ? Nul ne conteste l’importance du tourisme. Pour autant miser sur une monoactivité, au demeurant plus subie que maîtrisée, n’équivaut pas à se reposer sur des fragiles lauriers qui risquent de se faner au gré des fluctuations de la conjoncture ?   Dynamisme illusoire Par ailleurs est-il sain que l’île soit si nantie au niveau du tertiaire et des services ? Dans ce domaine force est de reconnaître qu’on se bouscule au portillon. Et sature la demande qui se heurte à la faible démographie, faisant chanceler la viabilité de l’édifice. Nulle volonté de jeter la pierre mais rien n’interdit par exemple de noter que les boutiques dites d’habillement sont pléthoriques. Dans ce domaine comme dans bien d’autres les statisticiens relèvent régulièrement le nombre conséquent de créations. Une lecture superficielle conduirait à évoquer d’emblée le dynamisme. Mais cette lecture liminaire et superficielle est malheureusement contredite par le taux rapide et très élevé de la disparition de ces structures qui n’ont pas pu accéder à la rentabilité. Voilà le revers de la médaille qui convoque l’évidence. Faute d’une économie aux piliers fiables, de surcroît tributaire de la saisonnalité, d’aucuns tentent l’aventure commerciale. Mirage qui tourne court, tant la concurrence est exacerbée dans un marché restreint et une population au pouvoir d’achat qui se réduit comme peau de chagrin. Mais il est aussi des facteurs pénalisants nés d’un libéralisme à tout crin qu’il conviendra de juguler dans une démarche volontariste d’assainissement. Ainsi comme le souligne en leitmotiv la CFDT-Corsica « Le boom incontrôlé des locations estivales a entraîné une très forte spéculation immobilière qui va empêcher pour longtemps une grande partie de la population notamment les jeunes de se loger décemment, faute de logements sociaux suffisants. » Ou encore la difficile mobilité des salariés vers les lieux de travail en regard du manque de transport collectif, et le prix des carburants. Mais pour ce syndicat une zone d’ombre est prégnante. « Le dialogue social est quasi inexistant au vu de la petite taille des entreprises qui n’hésitent pas à scinder artificiellement leur entité pour ne pas franchir les seuils d’effectifs déclenchant la mise en place de l’instance de représentation du personnel. »   Hécatombe commerciale Tous ces éléments disparates et parfois antinomiques se superposent et s’imbriquent pour creuser le sillon du non-développement. Il cristallise un cercle vicieux n’épargnant pas, tant sans faut, les « patrons ». Les tribunaux de commerce sont le pouls et les révélateurs d’un mal qui s’accentue. Ainsi les juges consulaires de Bastia ont formulé près de huit cents injonctions à payer, soit une hausse de près de quarante pour cent par rapport à l’année précédente. Un chiffre qui indique mieux que longues digressions que nombre de débiteurs ne peuvent plus honorer leurs dettes envers leurs fournisseurs, l’Urssaf ou les organismes de retraite. Voilà qui reflète l’ampleur des trésoreries défaillantes. Pour Jules Filippi président de la juridiction « Un plafond de verre a été franchi avec plus de soixante-six pour cent d’ouvertures de redressements et de liquidations judiciaires entre 2O20 et 2022. » Pis encore. Au-delà du nombre, la structure des établissements concernée interpelle. Désormais ce ne sont plus les très petites entreprises qui sont terrassées, mais également celles qui comptent dix salariés ou davantage. Un signe patent et inexorable signifiant que le marasme s’étend et touche maintenant des établissements qui jusqu’à présent étaient quelque peu épargnés. Du côté d’Ajaccio, l’attrait de l’auto-entreprise paraît en trompe-l’œil, eu égard là aussi à l’augmentation sensible du nombre d’injonctions à payer. Tel est le verdict du président Frédéric Benedetti. Et si le nombre de procédures collectives stagne voire diminue, il concerne comme en Haute-Corse des entités employant plus de salariés. Un phénomène nouveau qui impacte de concert l’en deçà et l’au-delà des monts, dénotant que des structures jusque-là peu ou prou préservées sont à leur tour prises dans la spirale des difficultés. Une hypothèse teintée de lucidité qui n’échappe nullement à Frédéric Benedetti.   Noirs horizons D‘ailleurs de part et d’autre de Vizzavona les prévisions s’ourlent de nuages noirs. Les remboursements des fameux prêts garantis par l’État viennent à échéance. Si l’on en croit les propos qui bruissent, nombreux sont ceux qui ne possèdent pas la trésorerie suffisante pour honorer cette dette. Un cycle de turbulences s’annonce, avec en filigrane le spectre de nombreuses faillites, et en résonance d’inéluctables licenciements. La suite de cet article est à retrouver dans Paroles de Corse #118 mars 2023 en vente ici   Les barrages hydrauliques sont des installations importantes pour produire de l’énergie électrique, stocker de l’eau pour l’irrigation et la consommation humaine, réguler le débit des rivières, contrôler les crues et prévenir les inondations. Cependant, il existe des idées reçues ou des préjugés qui leur sont associés, notamment en ce qui concerne les risques d’inondations. EDF, gestionnaire du barrage de Tolla construit sur le Prunelli, dans les années 60, est la cible à chaque crue dans la vallée, et plus particulièrement depuis celle de décembre 2019, d’accusations de délestage. Les rumeurs ont la vie dure d’autant plus qu’elles se répandent parmi des populations menacées de catastrophe à chaque fois qu’une pluie abondante survient. Une réunion sur site en janvier a permis aux équipes du service de production d’EDF de faire preuve de pédagogie et de donner toutes les informations disponibles sur la gestion du niveau d’eau contenue grâce au barrage. Bienvenue sur le site de Tolla. Par Anne-Catherine Mendez Première des énergies renouvelables en Corse, l’hydroélectricité est un élément essentiel de la production d’électricité sur l’île. Respectueuse de l’environnement, elle ne participe ni à l’augmentation de l’effet de serre ni à la pollution de l’air, et n’émet pas de CO2 ni de gaz polluants. Avec un total de 199 mégawatts de puissance installée, l’hydroélectricité en Corse est au cœur des enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Au quotidien, il s’agit de concilier énergie et partage de l’eau, comme l’eau potable, l’irrigation des terres agricoles, le respect de l’environnement, et les activités de loisirs sans jamais générer de danger à l’aval des installations. « Jamais, absolument jamais, nous n’avons déversé en aval du barrage un seul mètre cube de plus que ce que les intempéries déchargent dans le lac. En épisode de crue, le mot d’ordre auquel on ne déroge jamais, c’est de ne pas aggraver le phénomène », assure Thierry Dufour, chef de service production à EDF Corse. Ainsi, gérées de manière saisonnière, les retenues des grands barrages permettent de fournir une production élevée d’électricité en période de forte consommation, essentiellement en hiver. Les usines hydrauliques sont mobilisables très rapidement. Lorsque la consommation d’électricité augmente, par exemple, elles peuvent produire de l’électricité deux à trois minutes après l’ordre de démarrage. Les usines apportent également différents services au système électrique comme le réglage de fréquence et de tension, le démarrage rapide en cas de perte d’un autre moyen de production.   L’aménagement hydroélectrique du Prunelli Construit au début des années soixante, l’aménagement hydroélectrique du Prunelli est le plus ancien de Corse. D’une puissance globale de 44 MW, l’ensemble du dispositif comprend le lac de Tolla, d’une capacité de 32,5 millions de m³, formé par le barrage haut de 88 mètres. Il occupe une superficie de 115 hectares. C’est la plus grande retenue d’eau de Corse. Plus en aval se trouve l’usine souterraine de Tolla (20 MW), la retenue intermédiaire d’Ocana, formée par un barrage maçonné de 7 mètres, l’usine d’Ocana (16 MW) et enfin le bassin de Pont de la Vanna, qui appartient à l’Office hydraulique et l’usine de Pont de la Vanna (8 MW). Ainsi, l’eau stockée par le barrage de Tolla est turbinée 3 fois, successivement dans les usines de Tolla, d’Ocana et de Pont de la Vanna avant d’être restituée dans le cours d’eau. Le fonctionnement de l’hydroélectricité s’appuie sur le cycle naturel de l’eau (précipitations, fonte des neiges, torrents, rivières). Les barrages retiennent l’eau issue des apports naturels, formant alors des lacs artificiels. La retenue ou bassin supérieur constitue la réserve en eau, donc en énergie. L’eau est ensuite utilisée à la demande pour faire tourner des turbines et produire du courant électrique avant d’être intégralement restituée dans le cours d’eau. En période de production maximale, le débit de l’équipement est de 11m3/seconde. La structure est complétée par un déversoir avec un débit d’évacuation de 815 m³/seconde, qui passe à côté du barrage, et se déverse directement sur la falaise. Il est peu probable que cette capacité maximale soit dépassée, le débit d’une crue millénale est évalué en effet à 625 m3/seconde. Par exemple, en décembre 2019, lors de la tempête Fabien, le débit entrant a été mesuré à 425 m3/seconde.   Une seule vanne sur le barrage de Tolla Une seule vanne est utilisée sur le barrage de Tolla, une vanne de fonds, dont le débit est de 80 m3/seconde. Elle n’est utilisée que dans des cas exceptionnels, le dernier remonte à 2014. « Il n’y a jamais eu plus de 1 m³ de déversement qui a pénétré dans le barrage, explique Daniel Salini, adjoint au chef du Groupement hydraulique Ocana-Rizzanese. Il n’y a jamais eu de crue engendrée par le barrage car notre objectif et notre obligation est de ne pas aggraver le phénomène naturel. » Les phénomènes orageux se font plus rares mais plus violents, ce qui explique souvent les crues surprenantes dans la vallée. Les prévisions sont fiables mais la quantité d’eau dépend tellement de plusieurs facteurs, que parfois il pleut en aval mais pas en amont. « En anticipation des alertes, on abaisse donc la retenue. On turbine au maximum pour baisser la cote du barrage, c’est-à-dire le volume d’eau stocké. Sans le savoir, les gens ont pris l’habitude de l’effort tampon du barrage. »    Le partage de l’eau au service du territoire Au-delà de sa dimension énergétique, l’aménagement hydroélectrique du Prunelli joue un rôle essentiel pour la région. Par convention avec l’Office d’Équipement Hydraulique de Corse et la CAPA, plus de 13 millions de m3 d’eau de la retenue de Tolla sont réservés chaque année pour l’alimentation en eau potable, en eau brute et pour l’irrigation de terres agricoles. EDF Corse travaille en concertation avec les acteurs locaux au partage et au juste usage de la ressource en eau, avec le souci constant de protéger les milieux afférents. La retenue de Tolla, via la prise d’eau située au niveau du bassin de compensation de Pont de la Vanna, alimente en eau potable et en eau brute la majeure partie du bassin ajaccien ; soit près de 90 000 personnes. 80% de la production d’eau de la CAPA provient de la retenue de Tolla.     Pourquoi le niveau d’un barrage varie-t-il selon les périodes ? Plusieurs facteurs sont responsables de la variation du niveau de l’eau d’un barrage : L’hydrologie naturelle : la pluie, la fonte des neiges ou encore les périodes de sécheresse ont un impact sur le niveau d’eau d’un barrage. En début d’été, EDF Corse veille au remplissage maximal de ses barrages pour constituer des réserves d’eau, tandis qu’elle abaisse les retenues avant la fonte des neiges qui, elle, contribue naturellement au remplissage des barrages.     Peut-on vider le barrage avant une crue ? Dès réception des alertes météo, EDF Corse turbine au maximum pour déstocker autant que possible la retenue et limiter des déversements, qui représentent par ailleurs des pertes de production hydroélectrique renouvelable. Mais lorsque les débits entrants deviennent très supérieurs au débit turbiné, le niveau de la retenue augmente inexorablement. Selon le niveau initial de la retenue, la crue peut être absorbée totalement ou partiellement.   Le 9 février avait lieu un webinaire (c’est ainsi que l’on nomme une réunion à plusieurs par internet, le web), vocabulaire nouveau apparut grâce au Coronavirus. La pandémie a révolutionné les rapports sociaux. Désormais, le présentiel en réunion est presque devenu une exception. On se parle de plus en plus par écran interposé. Par Pierre-Louis Alessandi * Ce webinaire, animé par la directrice générale de l’ARS (Agence régionale de Santé), avait pour but la restitution en Corse du conseil national de la refondation lancé le 8 septembre 2022 par Emmanuel Macron. Une refondation « au plus près des citoyens pour construire des solutions concrètes sur les grandes transformations à venir ». Une sorte de consultation directe, de référendum au rabais qui n’engage vraiment pas celui ou ceux qui l’ont voulu. Exercice sans grand danger donc pour les pouvoirs publics, mais qui a quand même réuni en Corse dans le domaine de la santé 200 élus, professionnels et usagers du 17 novembre au 5 décembre. Un travail sérieux qui a abouti à la présentation de plusieurs projets pour notre île. Comme celui du SSR (rééducation) en cardiologie de l’hôpital de Bastia qui vise à rapprocher le patient du service, par rapport à son domicile pour effectuer sa rééducation. Une sorte d’itinérance, d’éclatement géographique de ce service. Je cite à dessein ce projet car c’est le seul qu’a nommé le ministre de la Santé qui a conclu (par internet) la restitution. Une conclusion au discours emphatique ponctué de citations sur la Corse de Paul Valéry, de la poétesse De Cuttoli et même d’un proverbe du cru. Et la sempiternelle sérénade sur les corses dynamiques, etc., etc.   Assourdissant silence Rien sur le financement des hôpitaux de Corse qui sont exsangues, rien sur la construction indispensable d’un nouvel hôpital à Bastia, projet défendu par l’ARS, rien sur le projet de CHU et presque rien sur les projets issus de l’exercice refondation en Corse. Silence sur le handicap ! Pourtant le gouvernement par l’intermédiaire du ministère délégué aux personnes handicapées avait donné des instructions aux ARS et préfectures sur tout le territoire, pour célébrer le samedi 11 février, les 18 ans de la loi du 11 février 2005 sur « l’égalité des droits et des chances, la participation, la citoyenneté des personnes handicapées ». Diverses manifestations ont été organisées, à Ajaccio et Bastia avec le concours des associations, même si le délai pour la préparation a été court ce qui laissait penser à un coup de com orchestré par le ministère. Des associations étaient présentes aux Cannes à Ajaccio et à Biguglia pour Bastia. Les services de l’ARS, malgré le temps contraint, s’étaient mobilisés pour donner à ces manifestations une tenue à la mesure de l’importance de cette loi qui a créé le droit à compensation du handicap et permis aux personnes handicapées de sortir, pour organiser leur vie, d’un esprit caritatif, paternaliste de la part des pouvoirs publics et des élus, pour favoriser une promotion citoyenne.   Loi détricotée Depuis 2005, les personnes en situation de handicap peuvent faire valoir ce droit pour construire leur vie et non plus quémander une aide extra-légale accordée ou pas. Hélas ! C’était trop beau. Les premiers à détricoter la loi et affaiblir ce nouveau droit ont été les gouvernements successifs et celui d’Emmanuel Macron a encore aggravé la situation, avec des attaques sur l’AAH (Allocation adulte handicapé), la PCH (prestation de compensation), le remboursement des fauteuils roulants, la baisse du pourcentage obligatoire d’aménagement des logements, les dérogations accordées pour l’accessibilité des ERP (établissements recevant du public)… la liste est longue. L’observatoire national des droits de l’APF France handicap note « que les personnes handicapées et leurs familles se heurtent à des droits bafoués et à de graves cas de discrimination ».   Enjeu citoyen Les personnes handicapées, les associations présentes à Ajaccio et Bastia dans les manifestations de célébration de la loi de 2005 ont saisi l’occasion pour exprimer en direct leurs attentes, le besoin d’une refondation afin que leurs droits soient consolidés, que leurs applications soient conformes à l’esprit et à la lettre de la loi pour une complète citoyenneté et une entière participation. La Corse, dont la situation des personnes handicapées reste par plusieurs aspects précaire, a besoin, plus que toute autre, de cette refondation. *Représentant régional pour la Corse de l’APF France handicap. exergue « Les personnes handicapées et leurs familles se heurtent à des droits bafoués et à de graves cas de discrimination. » exergue « Le gouvernement Macron a encore aggravé la situation avec entre autres des attaques sur l’allocation adulte handicapé et la prestation de compensation. » À l’occasion de la publication du numéro 9 de votre revue Fert’îles sur « L’île et l’intime », nous voudrions savoir comment a été élaboré votre projet de travail initial sur l’insularité ? Alexandra W. Albertini : Jacques Isolery, maître de conférence à l’université de Corse, avait fondé la revue Project’îlesen 2012 afin de publier les conférences d’un séminaire thématique annuel qui s’intitulait « Insularité-Insularisation ». Puis l’événement ayant eu du succès, il m’a demandé de partager la codirection du projet, et nous avons élargi la publication à des articles scientifiques de chercheurs internationaux en rebaptisant la revue Fert’îles. Nous nous partageons le travail entre l’époque moderne pour lui, et l’époque classique pour moi, suivant notre spécialité en littérature. Comment a évolué la revue depuis sa création ? Jacques Isolery : Le travail au sein du laboratoire de recherche de l’université nous a permis d’entrer en contact avec d’autres universités spécialistes des îles, et nous associons des chercheurs de Gran Canaria et des Açores à notre comité de lecture pour évaluer les publications. La revue est publiée en collection chez l’éditeur Petra (spécialiste des îles) à Paris et est désormais cofinancée par la CDC dans le cadre du projet de recherche Boost Cultural Competences in Corsica (B3C). Elle est devenue interdisciplinaire car le champ d’investigation s’étend également aux différents domaines des sciences humaines comme l’anthropologie, l’histoire ou les arts.   Quels thèmes abordez-vous ? Jacques Isolery : Après nous être intéressés aux aspects divers de l’île sur le plan géographique et de ses métaphores ensuite, nous travaillons maintenant sur les liens entre l’insularité et l’imaginaire insulaire, comme par exemple avec le volume « L’éros insulaire » (2016), « Le polar de l’île » (2017), « L’île mystérieuse » (2018), le thème de la mémoire et de l’enfance (2019), et la revue propose cette année propose quelques réflexions centrées sur les rapports de l’île à l’intime*.   En quoi consiste cette intimité liée à l’île ? Alexandra W. Albertini : Nous réfléchissons sur les liens réels et imaginaires, collectifs ou individuels, d’attraction ou de répulsion, qui peuvent exister entre les auteurs ou les personnages et l’île. Le projet « B3C – Boost Cultural Competence in Corsica » est cofinancé par la Collectivité de Corse     *Alexandra W. Albertini et Jacques Isolery dir., Fert’îles 9, « L’île et l’intime », Paris, Petra éd., 2022. Virginie Canali est à la tête de Maison Canali depuis environ une dizaine d’années. Avec son mari Julien, ils ont fait le choix de venir vivre et travailler en Corse, en rachetant l’entreprise d’ameublement fondée il y a 25 ans par Jean-Philippe Colonna. De leur expérience professionnelle internationale commune, ils ont su en quelques années développer et enrichir l’offre initiale, tout en conservant des valeurs de proximité et de services personnalisés. Une rencontre pleine de charme et d’énergie. Par Anne-Catherine Mendez   Virginie, parlez-nous de votre parcours ? Après mes études supérieures au sein d’une école de commerce, j’ai intégré la maison Guerlain. Puis toujours auprès du groupe prestigieux LVMH, j’ai dirigé le service « travel retail », c’est-à-dire la gestion des boutiques des aéroports, au niveau monde et Europe pendant quelques années. Mon mari, Julien, que j’ai rencontré pendant mes études était trader puis consultant dans le monde de la finance. Nous avions tous les deux des métiers très prenants avec de nombreux déplacements à l’étranger, une vie parisienne bien remplie. Quand nous avons eu nos enfants, nous avons voulu changer de vie. Il n’était pas concevable pour nous de ne pas les voir grandir, et nous avions également besoin d’un cadre de vie plus serein, plus qualitatif. Dans un premier temps, nous avons souhaité partir à l’étranger, mais aucun projet viable n’a retenu notre attention. Julien est d’origine corse, il fait partie avec ses parents de la diaspora, de ceux qui sont partis, il y a des décennies s’établir à Paris, mais reviennent régulièrement pour s’y installer définitivement à la retraite. Alors la Corse, terre de nos vacances, est devenue une opportunité d’installation, un retour aux sources pour Julien. Nos amis parisiens, nos familles respectives n’ont pas très bien compris nos choix, nous ont traités de fous, mais nous avons résisté (rire).     En 2010, vous vous installez définitivement à Ajaccio avec quel projet en tête ? Nous recherchions une entreprise à racheter et à développer. La première opportunité qui s’est présentée à nous n’a pas abouti, c’était également dans le domaine du meuble, mais le projet n’était pas viable. Très rapidement, ensuite, nous nous sommes intéressés à l’entreprise gérée par Jean-Philippe Colonna, qui présentait de nombreux atouts, mais également quelques faiblesses. La même enseigne était présente sur deux sites relativement proches, le Stiletto et Baleone, et de ce fait, au fil des années, le projet s’il n’évoluait pas n’était plus stable. J’ai une expérience dans le monde du luxe, mon mari dans celui de la finance, nous avons donc mobilisé toutes nos compétences pour présenter au fur et à mesure une offre complète en matière d’ameublement d’intérieur et d’extérieur. Quand on a commencé, nous gérions une marque de cuisine et une enseigne de canapé, pour moi c’était trop frustrant, nous devions proposer un concept global, Maison Canali est née en partie de ce constat. Ensuite les opportunités, les rencontres, les coups de cœur, les galères, font naître d’autres projets auxquels vous ne pensiez pas au départ de l’aventure. Aujourd’hui Maison Canali, ce sont deux lieux d’exposition, au Stiletto et à Baleone. Ce sont 7 enseignes représentées : Maison de la literie, Home Salon, XXL Maison, Habitat, Arthur Bonnet Cuisine et Mobilier de France. Ce sont 100 fabricants avec qui je travaille en direct, tout en privilégiant le made in France.     Comment se porte le marché du meuble ? Avant de vous répondre, je souhaiterais juste souligner qu’aujourd’hui nous ne fêtons pas les 10 ans de Maison Canali mais les 25 ans de l’entreprise, avec des salariés qui sont là depuis le début. Nos équipes sont au cœur du dispositif, elles ont le sens de l’écoute, le sens du service et 95% de nos clients sont fidèles en grande partie grâce à cette relation de proximité. Le marché du meuble a subi de très grosses difficultés entre 2008 et 2012. Ensuite, il s’est reconstruit peu à peu. Les pratiques commerciales ont évolué. Les consommateurs ont exigé plus de transparence sur la qualité des produits. De ce fait, les usurpateurs n’ont pas survécu. La concurrence s’est assainie. L’arrivée d’internet et l’évolution de la consommation ont de nouveau bousculé le marché. Celui de la literie en revanche a explosé. Nous voulons bien et mieux dormir. Entre 2020 et 2022, pendant la période Covid et post-Covid, les consommateurs se sont de nouveau recentrés sur leur intérieur, l’intérêt pour la décoration d’intérieur ne faiblit pas depuis environ 10 ans. Tous ces paramètres contribuent à rendre ce marché très dynamique. En Corse, c’est également un secteur qui se porte bien. La démographie augmente, et nous travaillons également beaucoup pour l’ameublement des résidences secondaires, c’est environ 50% de notre chiffre d’affaires. La nouvelle tendance est d’investir dans le durable, le jetable des années 2000 n’a plus la cote, y compris auprès des jeunes qui recherchent la noblesse des matériaux.   Comment appréhendez-vous votre évolution commerciale ? Nous sommes de plus en plus concurrencé en local, c’est un fait. Pour ma part, je pense que nous devons être en capacité d’avoir des magasins localisés physiquement mais nous devons pouvoir proposer une offre digitale plus élargie, innovante, en rendant le même service. Personnellement, je ne suis plus physiquement en magasin mais au téléphone avec mes clients, pour du conseil. Je me déplace souvent sur site. Mon défi : comment être présent le plus possible auprès de mes clients sans pour autant qu’ils se déplacent ? Le digital, la 3D, la réalité virtuelle sont des réponses et il ne faut pas hésiter à investir dans ces nouveaux modes de communication commerciale. Par exemple, pour s’assurer que c’est le bon choix, le bon coloris, on photographie la pièce, on projette un canapé, un meuble et on transmet au client, qui en quelques clics, peut imaginer ses choix en situation. J’aimerai également rendre mes surfaces commerciales vivantes, comme un lieu convivial dans lequel on a plaisir à venir découvrir des nouveautés, boire un café, échanger. Il faut réinventer le commerce, mais l’échange humain est nécessaire.   De quoi êtes-vous fière ? Je suis fière de cette entreprise sereine, avec une équipe qui se sent bien. Je suis fière de ce projet professionnel et de notre projet de vie personnelle.   Votre devise ? « Votre projet d’ameublement commence ici », je ne peux pas m’empêcher de le placer… et plus généralement la devise qui me suit depuis toujours : « À toute chose malheur est bon. »

 

Le rôle des universités est de former les acteurs de demain, de peaufiner leur éducation, elle a pour rôle d’instruire et de construire avec eux l’avenir. Les différentes filières qu’elle propose doivent répondre aux besoins du lieu où elle est implantée.

 

Par Vannina Angelini-Buresi

De qui ? De quoi a-t-on besoin ici ? Stratégiquement que doit-on développer ? Quelle richesse doit-on valoriser pour qu’individuellement, communément voire institutionnellement nous puissions créer et contribuer au développement d’une économie qui corresponde au territoire. Un territoire qui entre les CNRS (Centre national de la recherche scientifique), les UMR (unités mixtes de recherche) et les universités, chercheurs, enseignants chercheurs, sont là pour apporter savoir et fruits de leurs recherches pour qu’ainsi d’éventuelles mesures soient mises en place au bon fonctionnement des sociétés. Ces travaux doivent tenir compte de leur histoire, leur territoire et particularités.

L’identité du lieu est souvent mise en exergue tant on ne peut s’en détacher dans la continuité de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. Connaître son passé, l’avoir étudié, acquis pour mieux vivre le présent et appréhender l’avenir. C’est ce que s’évertue de faire l’université de Corti, en rejoignant depuis peu la communauté des chaires Unesco.

Ce que l’université de Corse produit comme travail depuis sa réouverture est enrichi chaque année. Elle doit comme elle le fait constituer la future force vive économique de la Corse. Son unité de recherche l’UMR LISA, laboratoire en sciences humaines et sociales (Unité mixte de recherche, Lieux, identités eSpaces, activités) sous la direction d’Eugène Gherardi, spécialiste de cultures et langues régionales, travaille conjointement avec le CNRS et leurs nombreux chercheurs de façon à répondre à certains questionnements tant sociétales que sociaux, humains et scientifiques.

 

Plaidoyer d’avenir

L’objet de leurs travaux doit pouvoir apporter des solutions mais le plus souvent anticiper et agir en fonction.

L’Unesco ? Il est représenté en tant que laboratoire d’idée et met évidemment beaucoup d’importance au niveau de la recherche. Pour l’Università, c’est un honneur de rejoindre ces chaires Unesco sur la littératie des futurs. Elles sont aujourd’hui 37 dans différentes universités renommées. Et sont quelque 900 disséminées dans le monde.

Cette chaire Unesco en littératie des futurs « Devenirs en Méditerranée » a pour objectif d’améliorer la capacité des individus, des communautés et des institutions à utiliser l’avenir en utilisant des systèmes d’anticipation. L’université de Corse travaille sur ces enjeux et a saisi l’opportunité d’intégrer cette chaire. Elle a été inaugurée à l’Università di Corti en présence de personnalités. Sébastien Quenot s’implique depuis 2020 sur ce projet qui se réalise enfin. Il en est aujourd’hui le responsable avec Caroline Tafani, maître de conférence et habilitée à diriger des recherches en géographie. Le projet de l’Unesco correspond aux valeurs de l’Université et plus largement à celle de la Corse consistant à valoriser l’éducation et le savoir. L’Unesco, faut-il le préciser, est une institution internationale liée à l’ONU. Cette idée d’anticiper les futurs avec l’obtention de cette chaire correspondait également aux objectifs et préoccupations de l’Università de Corti.

Et Sébastien Quenot d’expliciter : « nous travaillons sur des enjeux tournés vers la Méditerranée, en lien avec ce que nous faisions déjà, tout en intégrant le réseau des chaires en littératie des futurs. Tout en sachant que le futur sera à jamais imprévisible, il s’agit en réalité de travailler nos compétences d’anticipation. Nous pouvons alors essayer de reconstruire la généalogie de nos représentations. Pourquoi pensons-nous de telle ou telle manière ? De son côté, la prospective, qui est devenue une discipline à part entière, essaie d’élaborer des scénarios ». Dans un souci de fixer les esprits, il précise : « Notre démarche est différente, elle ne se limite pas à une poignée de spécialistes. Elle essaie de travailler les sciences avec et pour la société en organisant des labs d’une à deux journées sur des thématiques différentes. Ainsi des citoyens réfléchissent ensemble au futur de la culture (juin 2022), de l’agriculture (17 mars 2023), au futur de la langue (20 juin 2023). Et bien d’autres interrogations socialement vives, pour confronter les futurs probables avec nos futurs souhaitables. »

 

Objectifs et enjeux pour notre territoire

Pour Sébastien Quenot nul doute n’est de mise. « Le pari, c’est de faire en sorte qu’en sortant de là, les idées changent et que chacun mesure ce qu’il peut apporter. En ce sens, c’est une science engagée, transformative. » Il énumère une évidence. « La Méditerranée qui subit de fortes pressions anthropiques a besoin de nous. N’est-elle pas un “récit en quête de narrateur ?”  Lieux de créations de cinq alphabets et de dizaines de langues, elle a été l’objet de confrontation des récits et des narrateurs pour la détention du monopole de l’histoire. Elle nous oblige à cultiver une praxis de la relation complexe. La première personne du pluriel mêle l’espace et les temps/l’étant. Elle opère une superposition des temps et des lieux alors que l’on vit sous l’empire et l’emprise du présent simple. Or, on sait au moins depuis Proust qu’un moment peut être vécu éternellement. » Et d’ajouter pour illustrer son propos : « Depuis Paris avec Desanti, depuis Londres avec De Gaulle ou Paoli, nul n’ignore plus qu’un lieu peut être habité comme nous habiter à distance. » Notre interlocuteur poursuit par un panel de rappels. « La chaire nous donne accès à des personnalités reconnues au niveau international. Nous avons ainsi pu l’inaugurer en présence notamment de Jérôme Ferrari et de Mathias Énard, deux lauréats du prix Goncourt, de Boris Cyrulnik qui a notamment vulgarisé la notion de résilience et les enjeux liés à la petite enfance, ou bien encore d’Alain Chouraqui, le fondateur de la chaire Unesco du Camp des Milles. Nous avons également eu l’honneur d’accueillir Najoua El Berrak, la consule du Maroc. La Méditerranée ne se réduit pas à la latinité. C’est pour cela que nous sommes aussi en lien avec des chaires méditerranéennes, comme avec celle de Chypre par exemple. »

Outre les laboratoires de litératie du futur, au sein desquels les doctorants sont très impliqués, il est souligné que sont proposées des conférences, ou des thèses codirigées avec des professeurs d’autres chaires. Outre le label CNRS déjà très prestigieux, cela permet aux doctorants de disposer d’un encadrement et d’un réseau très attractif grâce auquel il est connecté à ce qui se fait de mieux dans le monde, tout en travaillant depuis l’Université de Corse sur des problématiques appliquées à notre île.

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  Jugé « paranoïaque » par les médecins qui le destituèrent comme roi de Bavière avant son suicide concomitant du meurtre de son médecin personnel, il existe beaucoup d’arguments cliniques pour considérer Louis II de Bavière comme atteint de « schizophrénie », groupe de maladies décrit en 1911 par Bleuler.   Par Charles Marcellesi, médecin   LE POIDS DE L’HÉREDITÉ ? La famille paternelle de Louis, celle des Wittelsbach, compta dans ses rangs de nombreuses personnalités excentriques avec au plus proche de Louis sa tante paternelle, Alexandra, internée à Illenau, qui délirait sur des thèmes fantastiques en pensant avoir avalé un piano de verre ; le frère cadet de Louis, Othon, qui lui succèdera (1888-1913), présentait certains symptômes de la schizophrénie tels que des épisodes de catalepsie (pauses figées sur de très longues périodes). Quant aux causes de la schizophrénie, les études contemporaines conduisent à plusieurs hypothèses de dispositions génétiques de vulnérabilité révélées par des facteurs environnementaux ; on pense aujourd’hui qu’interviennent simultanément plusieurs gènes qui pris isolément ne présentent qu’un effet faible sur le risque global, que certains de ces gènes jouent un rôle dans l’aptitude au langage en étant présents et « conservés » de façon diffuse dans la population ; il pourrait s’agir par exemple, du gène C4 responsable d’une accentuation d’un processus d’élagage synaptique raréfiant la densité des communications entre cellules nerveuses (neurones) lors de l’enfance, l’adolescence et les débuts de l’âge adulte. D’un point de vue psychopathologique, on retrouve dans l’histoire de Louis II ce que Freud appelait une « fixation prédisposante narcissique », un surinvestissement des images sonores du langage (« représentations de mots ») et des hallucinations comme un mécanisme de défense contre ces processus, enfin la désorganisation du cours de la pensée avec des barrages. Bismarck en 1863 décrit sa réception par celui qui est alors Prince héritier : « Il avait l’air de n’être pas à table, et ne se souvenait que de temps à autre, inopinément, de son intention de s’entretenir avec moi »…   FIXATION PRÉDISPOSANTE DU NARCISSISME Lorsqu’il est âgé de 8 mois, la nourrice de Louis meurt de la fièvre typhoïde, et lui-même peu après risque de mourir en réaction à ce sevrage brutal… L’éducation décidée plus tard par son père Maximilien, pour lui et son frère, est très stricte et chargée et se fait en grande partie au château de Hohenschwangau (« château de la circonscription du Gau de cygne »), où l’image du cygne est omniprésente, notamment dans les fresques peintes par Moritz von Schwind, et liée aux légendes de Lohengrin et de Tannhäuser. La fascination exercée sur Louis par le cygne qui tire la nacelle qui accompagne Lohengrin, le chevalier lige d’Elsa de Barbant, cygne qui n’est autre que la réincarnation du frère d’Elsa passé pour mort, fonctionne comme une fixation narcissique prédisposant au développement de sa schizophrénie : on entend par là que toute l’énergie (libido) née des orifices du corps qui structurent la relation du nourrisson aux premiers objets permettant la communication avec le monde extérieur (sein , regard, voix, fèces… : libido auto-érotique), permet plus tard l’investissement de l’image de soi reflétée dans le miroir – libido narcissique – avant sa reconnaissance symbolique (association de cette image au nom, à la possibilité de se compter un, identification d’une sexuation…) ; l’accident de sevrage, l’irruption de la mort, provoquent chez Louis une fixation entre libido auto-érotique et libido narcissique et compromet la phase suivante d’investissement de l’énergie psychique dans des objets et situations extérieures (libido d’objet)… Plus qu’il ne fut un roi, il se prit pour un roi des temps légendaires… Le cygne se reflétant dans les eaux du lac représente chez Louis cette fixation, qui va l’encourager dans sa fièvre bâtisseuse et fantasque de châteaux (dont celui de Neuschwanstein, « rocher du cygne ») et ses fantaisies de présentation à ses visiteurs dans les grottes artificielles pourvues de plans d’eau et de cygnes… L’homosexualité de Louis relève également du narcissisme : dans cette façon d’aimer un semblable comme on a le sentiment d’avoir été aimé par sa mère, à côté de foucades nouées dans la société de sa cour, il la pratiquait surtout secrètement avec un entourage de serviteurs et d’hommes du peuple.   LE SURINVESTISSEMENT DES « REPRÉSENTATIONS DE MOTS » Louis fut sensible dès 12 ans aux écrits de Wagner dont il assurera plus tard par le mécénat la prospérité et la postérité artistique, et sans doute luttait-il contre la fuite morbide de la signification liée aux mots, en choisissant par exemple l’acteur Josef Kainz pour lui réciter en boucle, inlassablement, des tirades de ses pièces préférées, lors de promenades en traîneau au clair de lune ou d’escapades dans divers lieux de villégiature. On a peu de témoignages de l’activité hallucinatoire dont il était le siège mais celle-ci fait peu de doute. Enfin, son désintéressement total des affaires de l’État de Bavière, à l’époque cruciale durant laquelle Bismarck œuvre à la réalisation de l’unité allemande, conduit à sa destitution à laquelle il réagit en se suicidant lors d’une promenade nocturne en barque, entraînant dans sa mort son médecin Von Gudden.    
« Le cygne se reflétant dans les eaux du lac représente chez Louis cette fixation qui va l’encourager dans la fièvre bâtisseuse et fantasque des châteaux. »
Le sexisme ne recule pas en France. Au contraire, il perdure et ses manifestations les plus violentes s’aggravent, l’actualité récente l’a encore illustré. En Corse, les acteurs et plus particulièrement les actrices du changement restent mobilisés. Plus que jamais. Par Caroline Ettori Le 25 janvier dernier, le rapport annuel 2023 du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) sur l’état du sexisme en France livrait ses résultats implacables : en dépit d’une sensibilité toujours plus grande aux inégalités depuis Me Too, les clichés et les stéréotypes sexistes perdurent. L’opinion est paradoxale : elle reconnaît et déplore l’existence du sexisme mais ne le rejette pas en pratique, majoritairement chez les hommes. La persistance du sexisme dit « ordinaire » est d’autant plus préoccupante qu’elle peut conduire aux manifestations les plus violentes. Parmi les hommes de 25 à 34 ans, près d’un quart estime qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, et tous âges confondus 40% trouvent normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants. En ce qui concerne les femmes, 80% estiment être moins bien traitées que les hommes en raison de leur sexe et 37% disent avoir déjà subi des rapports sexuels non-consentis. En même temps, ils estiment ensemble, à une écrasante majorité, que l’action des pouvoirs publics est insuffisante. Ce rapport réalisé à partir des chiffres officiels et des résultats du baromètre Viavoice mené auprès de 2 500 personnes représentatives de la population a conduit le HCE a proposé un plan d’urgence global contre toutes les manifestations du sexisme et ses causes. Les efforts porteront sur la protection, la répression mais également sur la prévention dès le plus jeune âge. En outre le numérique, far west du sexisme ordinaire à la pornographie la plus dégradante, fera l’objet d’une attention particulière. Compte à rebours En Corse, ces résultats n’étonnent pas. Ils sont même de nature à renforcer la détermination des acteurs du changement. Au sein de la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE), la directrice Vannina Saget revient sur ce nouveau rapport. « Notre passé est encore lourd de sens et nous nous inscrivons dans un temps long pour changer les choses. On ne peut pas balayer d’un revers de main tous les stéréotypes et les idées reçues qui ont construit notre société. Cela n’est pas surprenant que certains jeunes répondent encore à ces vieux modèles. Pour autant, il ne faut pas baisser les bras. » L’occasion pour Vannina Saget de rappeler la mission de la Direction, au-delà du déploiement de la politique du gouvernement en matière d’égalité femmes-hommes : « Il s’agit d’une politique transversale, interministérielle, qui s’appuie sur l’ensemble des acteurs du secteur, un large réseau de partenaires privés, associatifs et publics. Nous sommes mobilisés sur les questions d’autonomie économique des femmes, d’entrepreneuriat au féminin, d’insertion professionnelle mais également sur les questions de santé, de logement, d’éducation… Et la promotion de la culture de l’égalité doit intervenir dès le plus jeune âge. » L’Éducation nationale est ainsi un des partenaires naturels de la Direction. Les établissements insulaires peuvent accueillir une exposition itinérante organisée en collaboration avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse reflétant les principes d’égalité et de mixité et luttant contre les violences sexistes et sexuelles. « C’est la démonstration par l’exemple. La valorisation de ces actions donnera envie aux autres acteurs de les reproduire, de se dire que c’est possible. C’est un travail que nous faisons toute l’année, rythmée bien sûr par des temps forts. » Si la journée du 8 mars reste hautement symbolique, tout récemment, A Rinascita autre interlocuteur privilégié de la DRDFE, s’est investie dans la promotion des sciences auprès du public féminin. Le 11 février dernier, les membres de l’association ont profité de la Journée internationale des femmes et des filles de sciences pour mettre à mal les stéréotypes de genre à travers une grande exposition. « Dans ce cas, la contribution des jeunes a permis d’interpeler les parents. Ces représentations selon lesquelles les filles seraient mauvaises en maths et en sciences, ce type de raccourcis font la différence quand vient le moment de l’orientation. Dans 75% des cas, les parents ont une affluence sur l’orientation de leurs enfants. La reproduction des schémas, l’évolution des mentalités passent aussi par la sensibilisation des parents. » Après la sphère éducative, le monde du travail a également besoin de relais pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. La CGT2A a été retenue pour un appel à projet visant à informer l’ensemble des employeurs insulaires sur leurs droits et obligations sur ces méfaits, sur le lieu de travail. « C’est aussi un moyen de repérer les personnes victimes de ces abus dans la sphère privée et qui ne sont pas sans conséquences dans leur vie professionnelle. Certains signes peuvent alerter les employeurs tels que des relations compliquées entre collègues ou un absentéisme répété », précise Vannina Saget. Pour la directrice, le territoire souffre d’un manque de porteurs de projet spécialisés. « Il n’y a pas encore de culture commune mais on y travaille. De jeunes citoyens s’engagent dans tous les domaines à travers des actions comme “ Buzzons contre le sexisme ” ou “ Clash tes stéréotypes ”. La prise de conscience s’opère. » Toutefois, comment évaluer ces dispositifs et actions de terrain sans données objectives, sans un véritable observatoire régional ? Les seuls chiffres disponibles sont ceux du Bureau de la coordination de la sécurité en Corse dépendant de la préfecture de région. Ainsi en 2022, ce service a recensé 1 133 faits de violences intrafamiliales dont près de 80% de violences conjugales soit une augmentation de 18,5% des faits de violence par rapport à 2021. La Corse n’est pas une exception et suit la tendance nationale mortifère. Le combat s’annonce particulièrement ardu. L’allégorie de la caverne Audrey Royer est prête à le mener jusqu’au bout. La créatrice de Podcastu Sexistu et de Sex by Step est un des maillons forts de ce réseau pour l’égalité femme-homme. Soutenue par la DRDFE et sa directrice Vannina Saget, la jeune femme multiplie les initiatives, rencontres, partenariats et tables rondes afin de libérer la parole des plus jeunes et accélérer l’évolution des mentalités et des comportements. « En parlant avec les jeunes, on se dit que la situation n’est pas désespérée. Une prise de conscience globale s’opère s’agissant des discriminations qu’elles soient liées au sexe, au genre, à la religion, à l’origine ethnique, au milieu social. Le plus dur maintenant est d’arriver à en sortir. C’est l’allégorie de la caverne de Platon. Les stéréotypes nous assurent un certain confort, une place dans la société prédéterminée. Il faut avoir le courage de sortir de tout ça. » Un mot revient régulièrement dans le discours d’Audrey : déconstruction. La déconstruction qui agite, qui effraie, qui ébranle nos certitudes. « Comprendre que nous répondons à des stéréotypes est une chose mais les analyser, les traiter est une autre étape. D’ailleurs, veut-on seulement changer ? C’est moralement juste mais il n’y a aucune obligation à être vertueux. » Ces contradictions entre théorie et pratique, entre savoir et faire, Audrey les relève régulièrement auprès des jeunes qu’elle questionne. « Les adolescents sont encore très attachés aux schémas caricaturaux : comment un garçon doit se comporter, ce qu’une fille doit accepter ou faire pour plaire… Même chose pour les réseaux sociaux, l’acceptation de l’autre ou le consentement. Ils savent ce qu’ils devraient faire ou ne pas faire mais n’arrivent pas toujours à s’y plier. » Sur le baromètre du sexisme en France, la jeune femme tente de relativiser sans minimiser le phénomène. « L’information donne une réalité aux choses. Jusqu’à présent, nous n’avions pas vraiment de données. Un peu comme pour les MST et IST, les maladies et infections transmissibles, si on sait, on traite. Pour le sexisme, c’est pareil. Le fait de savoir, d’avoir des mots pour identifier le mal est malgré tout positif. C’est ce qui nous permettra de changer les choses dans tous les domaines y compris dans le monde professionnel encore très marqué par les stéréotypes et les discriminations. » Le monde du travail et de l’entrepreneuriat est d’ailleurs le prochain sujet d’étude d’Audrey Royer aux côtés de la M3E et BPI. Après les jeunes et la sexualité et l’égalité femme-homme qui l’a conduite à collaborer avec Sophie Ettori de la Maison des Adolescents du Sud Corse, avec Marie-Ange Filippi, la créatrice d’Au fond des Choses ou encore à intervenir sur les ondes de Frequenza Nostra aux côtés du Corevih, la jeune femme entame une réflexion plus large sur l’économie insulaire avec, évidemment, un volet consacré à la place des femmes. Le combat continue. + d’infos sur les pages Instagram : @podcastu.sexistu @sx.bystepSexisme: Le ministre de l’Intérieur avait employé ce terme pour flétrir ceux qui à ses yeux déployaient des stratagèmes pour empêcher l’examen de la réforme des retraites. En le prenant au mot ne peut-on pas l’accuser d’une telle méthode s’agissant du chaotique dialogue sur l’avenir économique et institutionnel de l’île ? Par Jean Poletti Le sophisme et l’art consommé de tout dire et son contraire paraissent l’apanage du ministre de l’Intérieur. Voilà quelque temps, nous l’avions d’ailleurs esquissé dans nos colonnes lors d’un article intitulé « Le talentueux Janus ». Impression fallacieuse due à l’analyse comportementale erronée ? Elle parut en effet être infirmée lors de la cérémonie commémorative de l’assassinat du préfet. L’hôte de Beauvau, dans un propos perlé de citations livresques, parut animé d’une volonté de lever les hypothèques. Le discours alliant force du souvenir et vision d’avenir convoquait dans une pressante invite qu’entre Paris et la Corse s’ouvre un nouveau chapitre. Fait de mutuelle compréhension et propice aux lendemains constructifs. Une déclaration largement saluée dans l’assistance et au-delà au sein de la population. Ces paroles furent majoritairement interprétées comme autant de signes de normalisation de rapports jusqu’alors noyés dans une funeste chronique. La perception des mots aux lisières de l’espérance était d’autant plus tonique qu’à plusieurs reprises le ministre cita le Président. Sans doute afin de signifier en filigrane que l’Élysée validait les prémices de l’ouverture. Certes, des esprits sourcilleux notèrent qu’au même moment Emmanuel Macron recevait la veuve de Claude Érignac et que Élisabeth Borne prit soin dans un tweet de saluer l’impérissable souvenir de celui qui tombé sous les balles d’un commando fut érigé en martyr de la République.   Oubliés Péguy et Sieyès Ne pas oublier mais écrire collectivement un nouveau chapitre. Transcender vingt-cinq années de blocages teintées en rouge sang et tissées de douleurs. Voilà l’offre faite sur les lieux mêmes de l’indicible drame. Tel était le message ponctué d’une formule renvoyant à une obligation morale et politique « Les morts nous regardent ». Une telle péroraison ne puisait pas dans l’improvisation et semblait rejeter la simple clause de style. Sans jouer les exégètes, nombreux prirent cette déclinaison d’assertions comme la promesse de lendemains propices à tisser d’authentiques fils du dialogue. Ouvrant l’espace de discussions franches et loyales. Susceptibles de sérier le possible et le souhaitable au bénéfice d’une île. Sans altérer plus que de raison les attributs étatiques. Mais singulière ombre au tableau, quelques heures après son déplacement mémoriel en terre ajaccienne, Darmanin s’épanchait au micro de France Info. Enterré le lyrisme, au rebus les maximes. Oublié Péguy, Sieyès et son égalité d’espérer. Cadenassée la formule de Jérôme Ferrari : « Il faut laisser la lumière estomper les contours des tombeaux. » Infirmé l’évangéliste Matthieu et son « heureux les artisans de la paix ». Aux orties Pascal Paoli. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire le voile de l’empathie se déchira laissant apparaître une tonalité proche du réquisitoire. L’avocat qui la veille semblait siéger sur le banc de la défense devint procureur de circonstance, alimentant une sorte de réquisitoire qui sema le trouble et l’incompréhension.   La rose et le poing Exit « la main tendue aux Corses de bonne volonté », remplacée par des griefs aux relents d’accusation. « Lorsque j’ai évoqué le mot d’autonomie, non parce que je la souhaite, mais parce que nous pouvons en discuter, nous nous apercevons qu’en face de nous, nous n’avons pas beaucoup de répondant. » Le couperet tomba. Brutal. Soudain. Incompréhensible tant il prenait à revers ce qui avait été dit et martelé peu avant. Ce magistral changement d’attitude qui ressemble à un reniement, ne doit rien au hasard. Le penser, l’espace d’un instant, équivaut à s’engoncer dans les nimbes de la naïveté. Sans extrapoler plus que nécessaire la communication est aisée à décrypter. Elle tend à infuser l’idée que l’État s’égosille pour inviter aux propositions, mais il est prisonnier de l’assourdissant silence de la classe politique insulaire. La pierre est lancée dans le jardin de Gilles Simeoni et son équipe. Mais pas seulement. En clair et pour schématiser chez tous ceux qui appellent de leurs vœux une évolution institutionnelle « dans le cadre de la République ». Et paradoxalement tout autant dans le camp des réfractaires. Eux sont en filigrane accusés de ne pas faire entendre leur hostilité dans une sorte de front du refus. Ou du moins leurs nuances. Au-delà de tout jugement de valeur, l’équité commande à souligner que la stratégie est habile. Dans un subtil renversement de la preuve Darmanin se donne le beau rôle s’exonérant d’un plausible échec, qui serait à mettre exclusivement au passif des édiles régionaux ou municipaux.   Avancer masqué ? La ficelle paraît grosse. D’aucuns affirment que ce double discours n’est qu’un stratagème pour prévenir les plausibles cris d’orfraie dans l’opinion continentale, les allées du pouvoir et en incidence la haute fonction publique. Un moyen d’avancer masqué permettant de progresser ici tout en noyant le poisson là-bas. Tels veulent contre vents et marées en accepter l’augure. Mais pour d’autres cette explication est une chimère, tant à leurs yeux est tombé le masque d’un Janus. Dans ce clair-obscur, certains décèlent pourtant des accents de vérité. Une sorte de parler-vrai qui chasse le flou artistique. Ainsi pour Jean-Martin Mondoloni, le constat ministériel est fondé. Il répète à l’envi « Nous ne sommes pas prêts. » De l’autre côté de l’échiquier Jean-Christophe Angelini martèle « Le peuple corse aujourd’hui ne perçoit pas les termes du projet que l’on veut présenter. Après cinquante ans de combat politique ce qu’une autonomie pourrait apporter n’apparaît pas clairement. » D’accusations en réactions, l’unité insulaire de façade initiale se fissure, laissant percer l’idée que Darmanin initie un poker menteur dévolu à établir un rapport de force qui lui soit favorable. Et le rendre maître du jeu dans le processus de négociations. Tout en faisant ployer les demandeurs de la réforme sous le poids du possible échec dont à l’évidence il ne porterait pas le deuil. C’est en substance l’enseignement qu’en tire le député Michel Castellani. Le dossier Corse « bordélisé » par Darmanin ?