LES VRAIS DÉCLINISTES
À la uneSans vouloir entrer dans la vie politique, nul, sauf à se désintéresser de tout et de s’isoler dans l’individualisme absolu ou l’égoïsme sourd, ne peut se détourner totalement des élections présidentielles. Même si le spectacle que nous en donnent les médias apparaît bien dérisoire.
Par Michel Barat, ancien recteur de l’académie de Corse
Et pourtant nous avons une quasi-certitude : l’abstention sera sans doute forte voire très forte. On en déduit bien vite que tout cela provient d’une classe politique déconnectée des réalités voire méprisante ou arrogante. On en arrive même à un commencement de déchaînement de violence à l’égard des élus ou des responsables et décideurs. Le fait d’avoir une compétence n’est plus salué comme une utilité sociale mais décrié comme soupçon d’élitisme, ennemi du peuple. La foule veut sa revanche contre l’élite.
Mais cette revanche, c’est la revanche contre l’idée même de la République qui est et ne peut être qu’élitiste : elle est élitiste car elle exige de préférer l’intérêt général à ses propres intérêts. Même si on peut relever quelques contre-exemples aussi grossiers que scandaleux, l’enrichissement personnel n’est pas la faute majeure des politiques français, quels que soient les niveaux : le système de la séparation de l’ordonnateur et du payeur interdit aux élus locaux comme les maires de se trouver facilement dans des situations d’enrichissement. Leur ressort est plutôt le besoin de reconnaissance et un goût de faire qui peut bien entendu se dégrader en goût du pouvoir. Alors, oui, il y a là un mélange bien naturel de goût du pouvoir et de servir et d’agir. Un vrai débat démocratique et républicain devrait voir leurs décisions contestées, débattues par d’autres tout aussi légitimes et compétentes mais aux orientations politiques différentes. Or même cette opposition est objet des quolibets de la foule et d’une certaine haine de la raison du savoir.
Ignorance revendiquée
S’il est, par exemple, légitime et nécessaire de contester ou de critiquer certains choix pour lutter contre une pandémie comme celle du Covid-19, comment peut-on accepter que l’ignorance, parfois revendiquée et affichée, puisse faire non seulement la loi mais la leçon aux médecins, comment peut-on comprendre qu’un blocage des accès d’une ville par des poids lourds puisse faire trembler les autorités ? Comment des parents peuvent-ils violemment contester le savoir des maîtres.
Comment des croyances, en elles-mêmes honorables, peuvent-elles faire reculer les droits et en particulier ceux des femmes, faire obstacle à la science sans susciter un profond mouvement de défense et de rejet. Si on y réfléchit bien, l’islamisme radical qui méprise les femmes, les voile et parfois les mutile, qui interdit le savoir en particulier biologique, qui étouffe tout art et toute musique, que nous devons donc combattre sans aucune hésitation, ne serait-il pas en fait la caricature de notre société du déclin obscurantiste. Il devient une bonne excuse pour ne pas voir notre déclin et notre propre lâcheté envers nous-même. On s’islamiserait aujourd’hui comme on s’américanisait hier. En dernier ressort, cet islamisme radical liberticide est le meilleur prétexte pour ceux qui préfèrent les bruits de bottes au silence des bibliothèques.
Alliées de l’islamisme radical
Non, l’extrême droite, quel qu’en soit son chantre aux hurlements de la bête, celle du Leviathan, tout comme une droite complaisante qui lui ouvre la porte, ne dressent pas le meilleur rempart contre l’islamisme radical, elles en sont, au contraire, le meilleur allié, car il en est son meilleur prétexte.
II n’y a rien d’abusif à constater que c’est cela le déclin : le grand remplacement de l’élite par la foule, de la démocratie par la démagogie, du savoir par l’ignorance, au rythme des bottes et des vociférations de quelques frustrés extrémistes aux mêmes visées que celui de l’islamisme radical.